Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la traçabilité alimentaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur la traçabilité alimentaire qui nous réunit cet après-midi est essentiel pour nos concitoyens. En témoigne l'accumulation des scandales récents, qui furent très médiatisés, peut-être même excessivement.

Permettez à une députée élue dans un département rural du Sud-Ouest reconnu pour sa qualité de vie d'exprimer une conviction intime : l'alimentation est une composante majeure de notre art de vivre à la française.

Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que l'aliment n'est pas un produit comme un autre, et vous avez raison. Pour ma part, j'ai l'habitude de dire, à cette tribune, que c'est le médicament qui n'est pas un produit comme un autre. Eh bien, se nourrir, c'est comme aller voir son médecin : cela nécessite un véritable rapport de confiance. Les scandales récents de traçabilité ne sont évidemment pas des scandales sanitaires, comme celui de la vache folle. Il faut être clair sur ce point et ne pas confondre les questions de sécurité sanitaire et la fraude sur la nature des ingrédients, comme beaucoup l'ont fait. Ceci dit, si l'on a rapproché ce scandale de celui de la vache folle, c'est parce que, dans les deux cas, les consommateurs ont eu le sentiment d'être trompés.

C'est cette rupture de confiance qui provoque aujourd'hui la chute brutale des ventes de produits préparés. On a entendu dire, notamment parmi les industriels, qu'il n'y avait aucun problème de traçabilité. Ces affaires démontreraient même, au contraire, l'efficacité des mécanismes de traçabilité, puisque l'on a pu remonter rapidement le circuit un peu insensé conduisant du cheval jusqu'au plat mis en rayon dans les supermarchés.

Au sens strictement technique du mot « traçabilité », dans son acception étroite, ce raisonnement est en partie exact. Mais pour avoir confiance, ce qui importe, c'est de savoir ce qu'on a dans son assiette. Pour rétablir cette confiance, nous devons d'abord faire la lumière sur plusieurs failles révélées par les scandales, en particulier sur la problématique des contrôles et de l'étiquetage.

J'aurai à coeur, monsieur le ministre, de vous faire, dans un deuxième temps, une proposition sur la promotion des circuits courts et de la production locale.

Si c'est en France que le premier scandale a éclaté, nous ne sommes pas les seuls à être touchés : les scandales se sont propagés très vite dans presque tous les pays d'Europe, la Suède, le Portugal, la Grande-Bretagne et l'Autriche, et ont même touché la Russie et l'Asie. Cela donne une idée de la dimension européenne, et plus largement internationale du problème. Par ailleurs, presque tous les produits sont concernés : après l'affaire des lasagnes, qui a mis le feu aux poudres, on a constaté des fraudes dans les boulettes de viande, les raviolis, et j'en oublie…

La traçabilité des produits est devenue une question politique et économique complexe et le groupe RRDP salue l'action du Gouvernement, qui a géré en urgence le retrait des produits concernés et lancé des enquêtes, qui ont donné leurs premiers résultats.

Il n'y a malheureusement pas de baguette magique pour régler les problèmes plus structurels qui sont apparus au grand jour, mais devons-nous pour autant rester passifs ? Bien évidemment, non. Nous avons des marges de manoeuvre et nous devons faire le maximum pour garantir la traçabilité, comme nous garantissons déjà avec succès, vous l'avez dit, monsieur le ministre, la sécurité sanitaire.

Aujourd'hui, les règlements communautaires prônent l'autocontrôle au détriment des contrôles officiels publics, et nous devons, c'est certain, faire confiance aux producteurs et aux industriels, dont les contrôles sont indispensables. Les pouvoirs publics jouent leur rôle en définissant des standards et en soumettant les entreprises à des processus de certification. Les contrôles inopinés coûtent cher et sont donc nécessairement limités. Les entreprises, notamment les marques bien connues, ont besoin, pour prospérer, de la confiance des consommateurs.

Ce système, théoriquement vertueux, postule que les entreprises risquent trop gros pour avoir intérêt à tricher. On suppose donc qu'elles contrôlent suffisamment leurs produits en interne. Cela dit, la baisse relative, et continue, de la part des contrôles officiels publics, n'est pas satisfaisante. Nous devons trouver les moyens de rééquilibrer la balance entre la part des contrôles publics des autorités sanitaires et celle des autocontrôles internes. Il conviendrait d'ailleurs de distinguer les contrôles de produits frais des contrôles des produits transformés.

La réglementation en matière d'hygiène alimentaire a été nettement améliorée en 2006, avec la législation européenne dite « Paquet Hygiène », qui comprend cinq règlements et deux directives. Théoriquement, cette réglementation harmonise le niveau de sécurité sanitaire des aliments en Europe, en imposant les mêmes obligations à tous les acteurs de la chaîne alimentaire – pour la viande, par exemple, depuis l'élevage jusqu'au consommateur.

En France, c'est l'Agence nationale sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail qui a pour mission de veiller et d'alerter, de mener des recherches et de proposer des mesures d'urgence en cas d'alerte sanitaire. Si l'ANSES est une agence digne de confiance, les experts ne pensent pas autant de bien de plusieurs de ses homologues européens.

Dans le cas du scandale qui a touché Findus, nous avons appris que les fameux minerais de viande n'ont jamais fait l'objet de contrôles ADN par une agence sanitaire. Seule la sécurité sanitaire est parfois contrôlée. Les carcasses transformées en minerais ne se prêtent absolument pas à des contrôles de traçabilité, puisque trente à quarante vaches différentes peuvent composer le « minerai » surgelé. Il est par conséquent impossible d'identifier la vache à l'origine d'un éventuel problème sanitaire.

Pour les produits transformés, la législation reste donc largement incomplète, et les contrôles insuffisants. Le constat du manque de moyens humains est unanimement partagé, aussi bien à la DGCCRF qu'à l'ANSES. Or, monsieur le ministre, au cours des cinq dernières années, du fait de la révision générale des politiques publiques, la DGCCRF est passée de 3 500 à 3 000 agents, perdant notamment 350 agents sur le terrain. Permettez-nous de croire dans votre volonté de mettre en oeuvre le changement sur ce point précis. Redéployons les effectifs là où ils sont nécessaires.

Mais la confiance dans l'alimentation, ce n'est pas seulement une question de personnel. Garantir la traçabilité, c'est aussi une question d'étiquetage des produits. Or les différences constatées entre les produits bruts et les produits transformés en matière d'exigence sont tout aussi criantes en matière d'étiquetage.

Le scandale sanitaire de la « vache folle » avait débouché sur l'obligation d'étiqueter la viande fraîche bovine, ovine et porcine. Mais s'agissant des produits transformés, quel retard ! Le consommateur peut savoir d'où vient le filet de poulet qu'il achète chez son boucher, ou même au rayon boucherie de son supermarché, mais il n'a à peu près aucune information sur le poulet utilisé dans son sandwich, dans ses nuggets ou dans son poulet basquaise surgelé – sans parler des OGM.

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