Intervention de Catherine Troallic

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 15h00
Débat sur la traçabilité alimentaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Troallic :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, l'affaire de la viande de cheval dans les lasagnes au boeuf, puis la récente découverte de 57 tonnes de viande de mouton importées frauduleusement de Grande-Bretagne, sèment le trouble chez nos concitoyens. Un sondage réalisé par l'IFOP en février montre que 64 % des personnes interrogées considèrent qu'en dix ans la qualité des produits alimentaires en France s'est plutôt détériorée.

Face à ces affaires, les discours oscillent depuis des semaines entre catastrophisme et relativisme. À l'image du Gouvernement qui a efficacement géré cette crise, nous devons faire preuve de mesure, de lucidité et d'ambition.

Nous devons d'abord faire preuve de mesure, car ces scandales ne signifient pas que l'ensemble de nos mécanismes de protection et de surveillance est bon à jeter. Le système de traçabilité mis en place par la législation communautaire après la crise de la vache folle a plutôt bien fonctionné. En effet, en quelques jours, les autorités ont réussi à identifier les responsabilités, malgré la complexité et la multiplicité des intermédiaires. Mais il s'agit là de la traçabilité des entreprises, et non des produits : elle permet de savoir qui a produit, mais pas comment on a produit.

Nous devons faire preuve de lucidité, ensuite, car ces affaires ont permis à nos concitoyens de se rendre compte que les produits alimentaires sont traités sur le marché européen ou mondialisé comme des marchandises ordinaires, ce qui est une absurdité, étant donné la nature particulière de ces produits. Le système actuel dérégulé, fondé sur la libre circulation et la réalisation des profits, favorise l'émergence de circuits d'approvisionnement très complexes, faisant intervenir de multiples intermédiaires, qui n'apportent bien souvent aucune valeur ajoutée au produit.

Or, en multipliant les maillons de cette chaîne complexe, on augmente les probabilités d'être confrontés à ce genre de fraudes. Le système actuel crée donc les conditions de réalisation de ces manipulations. Dire cela, n'en déplaise aux apôtres de la mondialisation heureuse, ce n'est pas condamner la mondialisation, ni prôner le repli sur soi. Personne ici n'est hostile au commerce international des aliments, qui existe depuis des siècles. Nous n'avons d'ailleurs aucun intérêt à ce qu'il s'affaiblisse, puisque notre pays est une importante puissance agricole et dispose d'un secteur agroalimentaire très dynamique.

Nous devons, enfin, avoir de l'ambition, car il ne faut pas abdiquer face aux dérives du système. Je salue les mesures et les initiatives prises par le Gouvernement, mais pour reprendre la main, l'État doit placer les consommateurs au centre du système et leur donner les moyens d'arbitrer.

Selon Condorcet, il n'y a pas de liberté pour l'ignorant. Pour qu'un consommateur puisse comparer et choisir, il faut qu'il en ait les moyens. La réglementation communautaire prévoit actuellement que le consommateur est responsable de ses choix alimentaires, de ce qu'il va manger. Mais en réalité, il n'en a pas les moyens. Pour choisir son alimentation encore faut-il être correctement informé. Un consommateur bien informé est un consommateur mieux protégé.

Nos yeux sont actuellement rivés sur l'origine de la viande entrant dans la composition de plats préparés. Mais comme vous le savez, monsieur le ministre, l'Union européenne n'impose pas non plus d'étiquetage particulier pour les produits issus d'animaux nourris aux OGM.

De plus, il y a quelques semaines, la Commission européenne annonçait l'autorisation de l'usage de farines animales dans l'aquaculture. Tout cela doit inviter la représentation nationale à s'interroger sur le système européen de protection des consommateurs.

Le consommateur doit avoir le droit de connaître les conditions d'élevage des produits qu'il consomme. Ainsi, il pourra effectuer un choix éclairé suivant sa culture, ses convictions sociales ou encore écologiques.

Je souhaiterai donc savoir, monsieur le ministre, si cette question de l'information des consommateurs est actuellement bien prise en compte par les groupes de travail que vous avez réunis, et connaître les pistes de travail envisagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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