Madame la présidente, monsieur le ministre chargé de la ville, mes chers et nombreux collègues (Sourires), avec Jean-Louis Borloo, le groupe UDI a souhaité mettre à l'ordre du jour de notre assemblée un nouveau débat sur la politique de la ville.
Un mois et demi après la clôture de la concertation nationale pour la réforme de la politique de la ville, un mois après les déclarations du Premier ministre à l'occasion du dernier comité interministériel des villes, il nous semble nécessaire que la représentation nationale échange sur les enjeux de nos quartiers fragiles. Il ne s'agit donc pas d'un énième débat. Acteurs de terrain, nous mesurons tous, en effet, que la politique de la ville a franchi un cap et qu'elle doit maintenant se renouveler.
Nous voulons, avec ce débat, poser les enjeux, partager les axes d'une action décisive des pouvoirs publics sur ces enjeux, déterminer quels outils sont indispensables pour y parvenir, et bien sûr éclaircir la question des moyens qui seront investis.
La politique de la ville a trente ans.
Depuis trente ans, bon nombre de ministres se sont succédé, de nombreux moyens ont été déployés, une multitude de plans divers ont été mis en oeuvre. Pourtant, les résultats ne sont toujours pas à la hauteur de ce qui était escompté.
Aujourd'hui, la politique de la ville concerne 8 millions de Français, vivant dans des quartiers où la crise économique que nous traversons se fait sentir davantage qu'ailleurs. Le taux de chômage y est toujours deux fois plus élevé, les inégalités y sont plus durement ressenties qu'ailleurs, et une personne sur trois y vit sous le seuil de pauvreté.
Dans ces quartiers, la politique de la ville devrait être le pilier essentiel d'une action qui, par son ambition et ses résultats, puisse contribuer à la cohésion sociale.
Comment expliquer alors que trente ans de politique de la ville n'aient pu venir à bout des inégalités sociales et économiques dans nos quartiers ?
Comment expliquer que la politique de la ville soit devenue un labyrinthe dont on se demande s'il a une issue ?
Comment expliquer que la politique de la ville soit devenue le symbole de cette « République impuissante » dénoncée dans leur rapport en 2010 par nos collègues François Pupponi et François Goulard ?
En trente ans, la politique de la ville a, de façon incontestable, mobilisé les énergies, multiplié les partenariats, mis à contribution l'État, les collectivités locales, les bailleurs, les associations et même les habitants.
Elle a aussi consisté, dans le même temps, à définir des zonages, à multiplier les dispositifs mal articulés, à les empiler, au point de devenir une politique extrêmement complexe qui, faute d'objectifs clairement définis, n'a pu démontrer son efficacité.
En trente ans, la politique de la ville, qui se voulait interministérielle, est devenue une politique publique à part entière, laissant trop souvent les politiques de droit commun tourner le dos aux quartiers dits prioritaires.
Député du Nord, monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de vous entendre lors du lancement de la grande concertation à Roubaix. J'y ai ressenti une sincère volonté de porter une réforme de la politique de la ville, pour répondre à l'impatience des acteurs locaux et nationaux. J'ai aussi entendu votre discours de clôture, le 31 janvier dernier, où vous vous félicitiez de la densité des heures de réunion de travail, des 700 cahiers d'acteurs reçus, des grandes « rencontres avis citoyens » Mais, élu de cette assemblée depuis 2002 et maire d'une commune qui fait partie de tous les dispositifs de la politique de la ville depuis 1983, j'ai aussi le souvenir d'avoir entendu nombre de vos prédécesseurs annoncer avec la même sincérité, le même dynamisme et le même enthousiasme, l'importante concertation qui a fini, malheureusement, par rimer avec désillusion.
Le groupe UDI espère que, cette fois, fort des nombreux rapports qui se sont succédé et de la grande concertation, qui parvient, globalement, aux mêmes conclusions que les précédentes, le Gouvernement prendra des mesures fortes pour s'attaquer aux causes des problèmes dans les banlieues.
Si, parmi les vingt-sept mesures reprises par le CIV, certaines peuvent nous laisser perplexes quant à leur capacité à réformer la politique de la ville, nous saluons les cinq engagements pris par le Gouvernement autour de la construction de la politique de la ville, de la territorialisation des politiques de droit commun, de la rénovation du cadre de vie, de la mobilisation des interventions publiques, et bien sûr de la lutte contre les discriminations.
Nous regrettons toutefois que ce nouveau plan d'action ne soit pas plus ambitieux, plus audacieux et plus déterminé.
De l'imagination, de l'audace, de l'ambition, des moyens nouveaux, tels sont les ingrédients qui ont fait le succès de la dernière grande réforme de la politique de la ville, initiée par Jean-Louis Borloo il y a dix ans déjà, avec le lancement du vaste chantier de la rénovation urbaine.
À l'époque, difficile de croire que ce plan national de rénovation urbaine allait changer la vie des quartiers. Dix ans après, nul ne peut contester que la rénovation urbaine a sonné comme une véritable révolution urbaine, en additionnant les volontés locales, en désenclavant les quartiers, en cassant des barres, en améliorant l'habitat, en ramenant de nouveaux services aux publics dans les quartiers.
Ce sont ainsi 594 quartiers qui ont changé de visage et près de 4 millions d'habitants qui ont repris ou sont en train de reprendre le chemin de la citoyenneté, 45 milliards ont été investis dans les quartiers, dont 12,3 milliards apportés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, pour reconstruire ou réhabiliter les logements, moderniser les écoles et les équipements publics, redéfinir et aménager les espaces, bref, faire de ces quartiers des quartiers comme les autres.
Les résultats du PNRU sont positifs, même s'il reste beaucoup à faire. L'action engagée par l'Agence nationale de rénovation urbaine a donné lieu à d'incontestables succès, reconnus de façon unanime par tous les élus locaux, de toutes tendances confondues, mais aussi et surtout par les habitants des quartiers concernés.
Le groupe UDI se félicite d'ailleurs que le comité interministériel se soit engagé à mobiliser les ressources nécessaires pour mener à bien l'actuel plan et ait décidé, par là même, de reporter l'échéance de fin 2013 à fin 2015. Il est essentiel, en effet, que tous les projets puissent être menés à leur terme.
Si certains projets tardent à sortir de terre, pour d'autres, l'heure est venue d'en mesurer l'impact. Il est indispensable d'apprécier les transformations engagées dans les quartiers, de réfléchir à la pérennité des investissements réalisés, d'imaginer des actions à mener pour maintenir le lien social, essentiel dans les quartiers, et sortir les populations de leurs difficultés.
Il est inimaginable, et il serait même totalement irresponsable, de ne pas mettre en oeuvre un plan d'action qui assure que les efforts consentis à hauteur de tant de milliards soient confortés. En aucun cas nous ne pouvons prendre le risque de voir le renouveau des quartiers s'effondrer sous prétexte que leur PRU est « physiquement » terminé, car c'est après le projet de rénovation urbaine que tout commence. Ainsi, il est de notre devoir de conforter ce qui a été réalisé.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait désigné plusieurs sites expérimentaux pour assurer la sortie progressive du dispositif des PRU, avec l'élaboration de plans stratégiques locaux qui, en particulier, organisent le relais avec les politiques de droit commun.
Maire de Hem, engagé dans un projet intercommunal de rénovation urbaine avec Roubaix, je peux vous dire que l'ensemble des partenaires ont contribué à l'élaboration de ce PSL. C'est un beau document, ce sont de belles intentions. Son seul problème, et non des moindres, est qu'il n'exige pas un engagement formel des partenaires, tant sur le plan humain que le plan financier.
Vous me permettrez de prendre l'exemple que je connais le mieux, celui de la ville dont je suis maire.
Au coeur du quartier en rénovation urbaine, a été construite et implantée une maison de l'emploi et des services publics, qui réunit sur un seul site mission locale, PLIE, agence locale de Pôle emploi, ainsi que d'autres services publics comme l'agence locale de l'assurance maladie.
Comment expliquer aux habitants et aux élus locaux, que, pour le fonctionnement et les actions de cette maison de l'emploi, l'État m'annonce pour 2013 une baisse très significative des subventions ?
Comment expliquer au centre social, acteur incontournable du quartier, qu'après qu'a été construit un tout nouveau bâtiment pour accueillir ses activités, il risque de perdre de lourds financements de la CAF et d'arrêter de nombreuses activités ?
Comment expliquer aux habitants, qui ont la mémoire d'un quartier où la sécurité était devenue la préoccupation première, que la zone de sécurité prioritaire de Roubaix récemment décidée par le ministre de l'intérieur s'arrête juste aux portes de la ville, sur une géographie différente ?
Comment expliquer que, cette année encore, en dépit du « changement », il faut toujours se battre pour maintenir des postes d'enseignants dans des écoles du réseau ÉCLAIR, des écoles toutes neuves financées par la rénovation urbaine, alors que les classes de maternelles comportent vingt-huit élèves, et que l'échec scolaire n'est pas qu'un slogan ?
Là se pose le problème de la mobilisation des politiques publiques traditionnelles, incapables de différencier le traitement d'un quartier et de tenir compte du chemin parcouru et des efforts réalisés.
Monsieur le ministre, il est extrêmement important de poursuivre l'action au sein de ces quartiers rénovés et de ne pas trop vite s'en détourner sous prétexte que le bâti s'est amélioré. Souvent, la situation, bien qu'elle se soit améliorée, reste fragile. Les habitants restent les mêmes, avec leurs difficultés et leur volonté d'en sortir leur famille.
Il faut peu de chose pour déstabiliser durablement, voire anéantir des années d'efforts continus. C'est pourquoi le groupe UDI encourage le Gouvernement à donner un caractère contractuel au plan stratégique local, avec des engagements précis des partenaires, qui leur soient opposables, exigeant ainsi l'implication des politiques sectorielles de droit commun.
De même, face au succès de la rénovation urbaine, l'État ne peut rester indifférent à la situation de certains quartiers limitrophes, qui n'ont pas eu le même traitement, alors qu'ils avaient les mêmes difficultés et les mêmes stigmates. L'autre côté de la rue n'est pas dissimulé derrière un infranchissable Mur de Berlin. Les habitants des quartiers jouxtant les quartiers rénovés, qui vivent souvent avec les mêmes problèmes sociaux, dans des logements vieillissants et inadaptés, avec les mêmes espaces publics dégradés et mal définis, ont un sentiment d'injustice renforçant un sentiment d'abandon qu'il faut à tout prix corriger.
C'est dans cet esprit, et pour ne pas laisser des territoires en marge, que le groupe UDI appelle de ses voeux la concrétisation d'un plan national de renouvellement urbain, acte II, avec des objectifs aussi ambitieux. Elle devra s'appuyer sur une simplification administrative que chacun souhaite, mais surtout sur une volonté forte, celle de changer les quartiers, de réduire les inégalités et de redonner de l'espoir aux habitants.
Il ne s'agit pas de multiplier la dépense publique, mais il s'agit d'un investissement public qui nous permettra en outre, forts de l'expérience passée, de relancer l'insertion des populations dans le milieu du travail. Les moyens engagés pour rénover, reloger, mieux former révéleront le potentiel de talents et de créativité, d'esprit d'initiative et d'entreprise qui font d'ores et déjà la richesse des quartiers et contribueront demain à notre dynamisme économique.
Si le programme de rénovation urbaine est un volet très visible et symbolique de la politique de la ville, gardons à l'esprit que, dans ces quartiers, vivent des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants qu'il faut accompagner massivement pour les mener vers l'emploi et la réussite scolaire, pour assurer la tranquillité urbaine, lutter contre les addictions et favoriser le bien-vivre ensemble.
Dans ces quartiers plus qu'ailleurs, l'emploi doit être au coeur de nos préoccupations. Malheureusement, sans activité économique, il n'y a pas d'emplois.
Depuis 1996, la politique des zones franches urbaines a démontré son efficacité pour la revitalisation économique des quartiers et l'accès à l'emploi des publics qui en étaient éloignés.
Député de Roubaix, je mesure le succès de la zone franche urbaine dans une ville qui a perdu des milliers d'emplois en raison de la crise du textile et qui, grâce à la zone franche, a su relever la tête avec la redynamisation de son territoire et la création de près de 5 000 emplois.
Monsieur le ministre, le groupe UDI est attaché à ce dispositif, qui a fait ses preuves. Nous en connaissons aussi les limites, que ce soit en termes d'effets d'aubaine ou d'adéquation entre l'offre et la demande d'emplois.
Nous sommes conscients que l'état de nos finances publiques oblige à faire des choix responsables.
La zone franche est un outil d'attractivité qui ne peut produire pleinement ses effets que si elle est combinée avec des politiques actives de mise à l'emploi, d'insertion, de formation, de GPEC territoriale, portées par les acteurs de l'emploi : Pôle emploi, maison de l'emploi, mission locale, plan local pour l'insertion et l'emploi, et j'en passe. L'accès à l'emploi est aussi conditionné par des actions fortes pour désenclaver les quartiers et favoriser la mobilité, en particulier via les transports collectifs. Au-delà des emplois francs, quelles initiatives comptez-vous prendre pour favoriser le dynamisme économique des territoires et permettre aux habitants des quartiers de trouver un emploi ?
En ce qui concerne la refonte de la géographie prioritaire, vous avez manifesté votre volonté de réduire le nombre de zones urbaines. Nous vous y encourageons,…