Madame la présidente, monsieur le ministre, le débat qui nous est proposé sur la rénovation urbaine et la politique de la ville arrive au lendemain d'une motion de censure dans laquelle le Premier ministre n'a pas consacré deux lignes à ce sujet, et quelques heures après l'annonce par le Président de la République d'un plan d'investissement pour le logement où il a évoqué, dans la précipitation, la rénovation urbaine et le logement. C'était à Alfortville, il y a quelques heures.
Or on ne peut circonscrire notre réflexion à un saupoudrage de moyens visant à satisfaire telle ou telle catégorie de logement social, annoncés en urgence.
Le sujet de la rénovation urbaine et de la politique de la ville mérite mieux car il comprend tous les enjeux de notre pays, révèle toutes les situations de crise et, par conséquent, peut porter tous les espoirs d'une France en mouvement, devenue urbaine.
Rappelons qu'à elle seule, la région Île-de-France regroupe 30 % du PIB français, 40 % des transports ferroviaires, 25 % des étudiants français, 20 % de la population française, et tout cela sur 2 % du territoire. Rappelons, par exemple, que l'insécurité est concentrée pour moitié sur les quatre régions les plus peuplées de France. Ces chiffres montrent que, devenue urbaine, la France est désormais malade.
Dans ces conditions, parler de politique de la ville, de rénovation urbaine, c'est évoquer une stratégie d'ensemble en matière de sécurité, de croissance, d'emploi, d'éducation, de transports et d'environnement autant que de logement.
Nous pouvons mesurer aujourd'hui les conséquences d'une politique d'urbanisme réalisée dans les années 1960 : un urbanisme torturé qui n'aura pas pris en compte les hommes et les femmes qui vivent dans la ville, y travaillent, s'y divertissent et y grandissent.
Depuis une dizaine d'années, la politique de la ville et de rénovation urbaine s'est attachée à corriger les effets dévastateurs de cette urbanisation trop rapide et ignorante de la géographie, de l'histoire et des populations. Dans ma seule circonscription, ce sont près de 150 millions d'euros qui ont été investis.
Dans ces projets de politique de la ville, les maires ont été les acteurs premiers, les porteurs de projets, les moteurs, ceux qui ont défini une vision pour leur ville afin de mettre en mouvement leur territoire et améliorer le quotidien de leur population. Ce sont les acteurs principaux et incontournables, parce que, plus que nul autre, ils sont capables de définir un urbanisme respectueux de la géographie et de l'histoire de leur ville tout en prenant également en compte les aspirations les plus profondes des habitants.
La politique de la ville ou la rénovation urbaine ne peut pas être une réflexion uniquement sur le bâti ; elle doit conjuguer l'urbain et l'humain. C'est pourquoi, au-delà des annonces faites par le Président de la République, nous nous inquiétons des modalités d'application de la politique de la ville qui semblent se dessiner.
La volonté réaffirmée de transférer à des intercommunalités, que l'on voudrait imposer aux populations, méconnaît voire méprise le rôle indispensable des maires dans la politique de la ville et la rénovation urbaine. Les dispositions, de plus en plus coercitives vis-à-vis des maires qui n'épousent pas le dogme du tout logement social comme seul et unique objectif de la politique de la ville, participent d'un hold-up institutionnel et d'un contresens méthodologique.
Nous avons pu apprendre que le plan national de rénovation urbaine était prolongé jusqu'en décembre 2015. Cette agréable information renforçait l'idée qu'une nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain serait intégrée aux nouveaux contrats de ville. Toutefois, ces derniers ne seront plus définis par la commune mais par l'intercommunalité. Et là, vous retournez dans l'aberration et la provocation à l'égard des maires de France avec les créations de métropoles et d'intercommunalités forcées. Une nouvelle fois, vous choisissez de diviser plutôt que de rassembler.
Confisquer les compétences des maires en matière d'urbanisme, c'est priver la politique de la ville de son principal atout. Punir les habitants par des amendes et des suppressions de subventions, en mettant en place des critères systématiques de politiques publiques, c'est se priver d'un soutien populaire. Dans les deux cas, c'est organiser à coup sûr un blocage opérationnel là où il faudrait, au contraire, créer une dynamique.
La politique de la ville et la rénovation urbaine doivent permettre de remettre en mouvement la France sans opposer les uns aux autres, en cherchant l'équilibre entre logement social et accession à la propriété, en favorisant le parcours résidentiel, en rapprochant emploi, transports, loisirs, école et logement. À cet égard, en matière de transports, la vision d'un Grand Paris était la bonne et je me réjouis que le Gouvernement se soit rangé aux dispositions des élus franciliens.
De la même manière que l'on a aidé à rénover et à transformer les grands ensembles des années 1960, symboles de déshumanisation, on doit aussi aider et respecter les maires des communes qui souhaitent réaliser un effort de rénovation et de solidarité en matière de logement, dans le cadre d'un urbanisme maîtrisé et inspiré par une histoire singulière.
Ma circonscription est urbaine et composée de quatre grandes villes dont chacune a fait des choix différents en matière d'urbanisme, de politique de la ville et de rénovation urbaine. Doit-on considérer qu'une ville de ma circonscription, qui compte déjà 50 % de logements sociaux et qui continue à vouloir toujours plus de logements aidés, est plus responsable qu'une ville comme Saint-Maur-des-Fossés, dont je suis élu, qui souhaite préserver un urbanisme à taille humaine et inscrire son développement dans son histoire et sa géographie particulières puisqu'il s'agit d'une presqu'île entourée par la Marne ?