Le comité interministériel des villes qui s'est réuni le 19 février a réaffirmé la nécessité d'une politique nationale de solidarité. Ses propositions s'appuient sur une large concertation des acteurs de la politique de la ville. Je retiendrai particulièrement cette nouvelle génération des contrats de ville qui met en avant l'idée d'aller vers des politiques de droit commun et qui affirme la nécessité de donner toute leur place aux habitants.
Les quartiers populaires ont connu depuis de nombreuses années, plus de vingt ans, toutes les vagues de politique de la ville. Nous avons expérimenté tous les dispositifs en « Z » – ZUS, ZFU, ZEP, ZUP – et tous les types de contrat et de projet : GPV, GPU, ANRU, CUCS et je m'arrêterai là… Il nous faut me semble-t-il être guidés par deux principes : avoir le projet, à terme, de sortir des dispositifs spécifiques et, et c'est presque plus important me semble-t-il, ne plus regarder les habitants des quartiers à distance. Ceux qui font la ville doivent la vivre, sinon grandit le sentiment dans nos villes d'être terre permanente d'expérimentation.
Il y a deux écueils traditionnels dans notre politique de la ville que le plan proposé permettra, je pense, de lever – ce qui ne dispense pas de rester vigilant ! Le premier, c'est la façon de faire vivre les lieux de société communs, à commencer par l'école parce que c'est là que se fait la rencontre entre les habitants et que se construit le vivre ensemble. Nous voyons tous dans nos quartiers, y compris les quartiers rénovés, se poser la question de l'évitement scolaire. Nous savons que nous pouvons l'enrayer, par le biais de la rénovation des écoles et des collèges, mais aussi grâce au travail sur les questions des filières scolaires, de l'accompagnement dans le primaire par des maîtres complémentaires et de la scolarisation à partir de deux ans. Il y a donc des leviers à activer.
Les équipements culturels et sportifs sont un autre lieu de société important. Les premiers plans de l'ANRU ont permis de faire des investissements dans ce domaine, mais sans les moyens de fonctionnement correspondants. Or une politique de rénovation urbaine a besoin qu'ensuite, les gens vivent ensemble, se rencontrent. À Rillieux-la-Pape, à Bron, à Vaulx-en-Velin, des villes de ma circonscription, il y a des compagnies de danse en résidence, mais il faut pouvoir les faire vivre ! Vaulx-en-Velin a désormais un pôle d'astronomie et de culture spatiale qui a vocation à brasser des populations diverses, mais encore faut-il pouvoir le faire fonctionner !
Le deuxième écueil, celui auquel se sont heurtés me semble-t-il les premiers plans de rénovation urbaine, c'est la question de la participation des habitants. Ces politiques transforment réellement les quartiers – à Vaulx-en-Velin, le centre ville est complètement sorti de terre – mais malgré cela, la défiance des habitants demeure. Cela se traduit au travers de choses toutes simples, les élections par exemple, avec des taux d'abstention si élevés qu'on a l'impression que le lien entre l'action publique, les décideurs et les habitants est rompu. C'est un véritable enjeu pour notre démocratie. Nous devons donc réévaluer les dispositifs de consultation et de concertation avant rénovation, et retravailler les conseils de quartier : comment les faire mieux fonctionner ? Comment mieux former les habitants ? Comme convaincre que la parole de chacun compte ? C'est un enjeu aussi important que de réussir la rénovation urbaine et la réhabilitation du bâti.
Je salue enfin votre volonté, monsieur le ministre, d'intégrer la notion d'histoire dans votre politique. La rénovation urbaine dans sa nouvelle dimension ne peut consister à faire table rase du passé. Nos villes ont une histoire : celle de l'immigration bien sûr, italienne, espagnole, portugaise, maghrébine, d'Afrique noire ou d'Europe de l'est, mais aussi une histoire ouvrière avec des usines, des friches industrielles, des combats syndicaux qui ont forgé une identité. Elles ont certes des tours, mais aussi des pavillons. Nous devons aussi garder trace de cette histoire au fur et à mesure que nous reconstruisons et que nous repensons la ville.
Vous portez monsieur le ministre une politique majeure, celle de la cohésion nationale. Vous êtes finalement chargé de réconcilier les habitants des quartiers populaires et ceux des centres villes. Vous devez parler à ceux qui disent « que d'argent déversé sur nos banlieues, et pour si peu de résultats ! » Vous devez les convaincre que, d'abord, il n'y a pas eu tant d'argent que cela, et ensuite que l'enjeu est important, parce que nous ne pouvons pas construire un pays à deux vitesses, un pays où l'on se regarderait des deux côtés de frontières intellectuelles si elles ne sont pas physiques. Et puis il faut aussi que les habitants des quartiers sachent qu'ils sont partie prenante de l'avenir de notre pays. C'est à cela que vous vous attelez, monsieur le ministre. Nous serons à vos côtés et nous vous souhaitons pleine réussite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)