…c'est d'ailleurs le constat qu'a fait la Cour des comptes dans le rapport rendu en juillet dernier. Or la politique de la ville est, par nature, interministérielle, et elle a été pensée pour venir suppléer, renforcer les crédits de droit commun, et non pour les remplacer.
Ma priorité est donc de changer la méthode, de revenir aux sources, à l'esprit qui animait à l'origine la politique de la ville, et de territorialiser, avec mes collègues du Gouvernement, les politiques publiques, en différenciant les interventions de l'État en fonction des difficultés rencontrées par les territoires et leurs habitants. C'est – j'en ai conscience – une révolution culturelle de l'action publique qu'il nous faut accomplir, mais j'ai aussi la conviction profonde que la politique de la ville a cette capacité d'innover, d'être à l'avant-garde des politiques publiques, comme elle le fait depuis près de trente ans déjà, en matière de contractualisation, de dispositifs partenariaux, d'ingénierie de projet, et qu'elle est donc un outil particulièrement pertinent et performant pour amorcer cette révolution. Il en est ainsi parce qu'elle est avant tout une méthodologie de l'intervention publique, comme je le disais en introduisant mon propos, plus qu'une manne financière essentielle pour les collectivités.
Je sais que la levée du droit commun fut le mur auquel mes prédécesseurs se sont heurtés. J'ai néanmoins la ferme volonté de briser ou de contourner ce mur ; ne pas y croire, ce serait de nouveau condamner la politique de la ville à être une politique de substitution, un ersatz de politique publique, une politique « bas de gamme » pour les quartiers populaires. Or il ne peut, dans notre pays, y avoir, d'un côté, une politique de la ville pour les quartiers populaires et, de l'autre, des politiques de droit commun pour le reste du pays. Ce n'est pas ma conception de la République, ce n'est pas celle du Gouvernement.
Je veux, pour lever ce droit commun, utiliser deux leviers, l'un national, l'autre local.
D'ici à la fin du semestre, je signerai des conventions d'objectifs et de moyens avec tous les ministères concernés afin que chacun s'engage sur des politiques de droit commun renforcées pour les quartiers populaires. Les premières conventions seront signées dans les deux prochaines semaines avec les ministères de l'emploi et de la jeunesse et des sports. Puis viendront les conventions avec le ministère des affaires sociales et de la santé, et celui de l'intérieur. De premières mesures tracent déjà le chemin, qui ont été rappelées : 30 % des emplois d'avenir, soit 30 000 emplois cette année, seront réservés aux jeunes issus des zones urbaines sensibles et des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; plus de 25 % des créations de postes dans l'éducation nationale seront réservées aux quartiers prioritaires ; les zones de sécurité prioritaires créées en milieu urbain sont toutes situées, à l'exception de l'une d'entre elles, dans des quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville. Soulignons, à cet égard, une nouveauté : la carte des zones de sécurité prioritaire a été élaborée en commun par les ministères de la ville et de l'intérieur, qui n'avaient pas forcément, ces dernières années, l'habitude de travailler ensemble.
Le deuxième levier pour lever le droit commun est local. Les nouveaux contrats de ville réuniront autour d'une même table l'ensemble des acteurs habituels, bien entendu, mais également de nouveaux acteurs, qui seront signataires obligatoires. Je pense au recteur, ou au directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale, le DASEN, à Pôle emploi, aux agences régionales de santé, aux caisses d'allocations familiales, qui, avec les bailleurs et les collectivités, coordonnés par le préfet, le président de l'intercommunalité et le maire, devront déployer dans tous les quartiers populaires le droit commun renforcé. Une fois ce droit commun renforcé défini, les crédits de la politique de la ville seront déployés dans les quartiers prioritaires pour faire effet de levier ou pour amplifier.
J'en profite pour répondre à l'une des questions qui me furent posées, qui portait sur le rôle du maire. Ce n'est pas, pour moi, un simple exécutant de la politique de la ville. Ce sera bien son opérateur principal, puisqu'il est l'opérateur de proximité. Quant à l'intercommunalité, son rôle sera de resituer la ville dans son environnement, de développer des solidarités locales.