Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 21h30
Débat sur la politique européenne en matière d'emploi des jeunes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le ministre, je vous souhaite à mon tour la bienvenue. Votre intervention montre avec quelle rapidité et quelle efficacité vous êtes entré dans le poste. À n'en pas douter, vous serez pour nous un interlocuteur de la même qualité que Bernard Cazeneuve. Vous pouvez compter sur une commission loyale qui, toutes nuances confondues, se tient prête à servir la cause de l'Europe. Nous nous tiendrons fidèlement à vos côtés.

Au risque de répéter ce que M. le rapporteur vient de dire – mais après tout, la répétition est la base de la pédagogie –, je vais à mon tour brosser le tableau de la situation actuelle pour expliquer cette proposition concernant l'emploi des jeunes.

Le commissaire européen en charge de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion a dit récemment que « le taux élevé de chômage des jeunes a des conséquences dramatiques pour nos économies, nos sociétés et surtout pour les jeunes. C'est pourquoi nous devons investir dans les jeunes Européens dès maintenant. Le coût de l'inaction serait catastrophique. »

Ces paroles fortes s'expliquent par des chiffres très inquiétants : 26 millions de personnes sont sans emploi dans l'Union européenne et la situation est particulièrement alarmante dans les pays du sud. Les jeunes et les seniors paient un lourd tribut à la crise. Le taux de chômage des jeunes Européens est d'autant plus inacceptable que près du tiers des jeunes chômeurs sont déjà des chômeurs de longue durée, c'est-à-dire sans emploi depuis plus d'un an.

En octobre 2012, dans l'Union européenne, 7,5 millions des 15-24 ans étaient hors de tout système d'emploi, d'éducation ou de formation et 5,6 millions de jeunes de moins de vingt-cinq ans étaient au chômage, dont 3,6 millions dans la zone euro.

Le taux de chômage des jeunes, qui, cela a été dit, s'élève à 56 % en Espagne, est proche de 30 % en Irlande et de 28 % en Pologne. Sans doute est-ce la raison pour laquelle l'Irlande, qui préside actuellement le Conseil de l'Union européenne, a été très active sur ce dossier et nous a aidés à convaincre nos partenaires de la nécessité de faire quelque chose en faveur de l'emploi des jeunes.

On ne peut pas pousser la jeunesse à la désespérance. Il n'y a pas pire situation que celle d'un pays qui doute de sa jeunesse. Cela provoque des ravages sur le plan social et économique, mais aussi en matière de démocratie, car les jeunes s'en détournent. Les pays où de nombreuses difficultés s'accumulent – c'est-à-dire, outre ceux qui ont été cités, la Bulgarie, Chypre, la Grèce, dont nous avons parlé à plusieurs reprises, l'Italie et la Lettonie, à laquelle nous ne pensons pas toujours – doivent pouvoir trouver des réponses en matière de chômage des jeunes.

Le pire, c'est la déshérence sociale. Le manque de perspectives pèse lourd, pour cette génération et pour celles qui suivent. Nous ne pouvons admettre que toute une génération soit sacrifiée. En 2011, 65 % des jeunes Français se déclaraient peu, voire pas du tout confiants en l'avenir de notre société. Comment nos réformes peuvent-elles être comprises et susciter l'enthousiasme enthousiasme si les jeunes désespèrent ?

Depuis le 6 mai 2012, nous commençons à leur répondre. En effet, le Président de la République a clairement mis la jeunesse au centre des engagements qu'il a pris, de sorte que la confiance pourra – je l'espère en tout cas. Quoi qu'il en soit, face aux nombreuses difficultés auxquelles toutes les générations sont confrontées, il faut que l'espoir renaisse.

Cette situation dramatique résulte d'un problème structurel, en termes de formation, d'adéquation de l'offre et de la demande de travail, de mobilité entre les filières dites professionnelles et classiques et de développement de l'économie verte, qui fait, hélas, défaut sur l'ensemble de notre continent. Il s'agit pourtant d'un important réservoir d'emplois, en particulier pour les jeunes, qui mériterait d'être davantage exploité.

Pour tenter de remédier au chômage des jeunes, la Commission européenne a présenté en décembre dernier son paquet « Emploi pour les jeunes ». Grâce à ces mesures, elle souhaite aider les États membres à lutter contre les niveaux inacceptables de chômage et d'exclusion sociale des jeunes en assurant à ceux-ci des offres d'emploi, d'enseignement ou de formation. Je le répète, la présidence irlandaise s'est emparée de ce sujet avec beaucoup de volonté.

Ce paquet prévoit quatre initiatives clés, rappelées par Philippe Cordery et que je reprends à mon tour : une proposition de recommandation concernant l'introduction d'une garantie pour la jeunesse, le lancement d'une deuxième phase de consultation des partenaires sociaux européens sur un cadre de qualité pour les stages, la création d'une alliance européenne pour l'apprentissage et le renforcement de la mobilité des jeunes.

Parmi ces initiatives, la garantie pour la jeunesse, introduite dans le paquet « Emploi pour les jeunes » de la Commission suite aux demandes du Conseil et du Parlement européens, est un dispositif ambitieux que nous pouvons soutenir dans son principe.

Comme cette proposition a déjà été détaillée, je me contenterai de dire qu'elle s'appuie sur des dispositifs existants en Autriche, en Finlande mais aussi aux Pays-Bas, où moins de 8 % des jeunes sont au chômage. Faciliter le passage de l'école au monde du travail est donc tout à fait possible. En la matière, le cadre de qualité pour les stages est sans doute l'un des volets essentiels. Il permettra de donner à tous les jeunes une bonne formation, quel que soit leur niveau.

En outre, une alliance européenne pour l'apprentissage est annoncée qui a pour objectif d'améliorer l'offre et la qualité des apprentissages disponibles en diffusant les dispositifs ayant fait leurs preuves dans tous les États membres et d'explorer des pistes pour réduire les obstacles à la mobilité des jeunes.

La Commission avait prévu d'affecter 4 milliards d'euros à cette garantie pour la jeunesse ; le Conseil a rajouté 2 milliards le 28 février dernier, ce qui prouve que tout le monde a bien conscience qu'il est urgent d'agir.

Investir dans la formation et l'emploi de notre jeunesse est essentiel. Six milliards, c'est bien, mais ce pourrait être plus. Parmi nos partenaires, notons que l'Espagne vient d'annoncer la mise en place de quinze mesures pour l'aide à l'embauche des jeunes. En France, le Premier ministre a annoncé la création d'une « garantie jeunes », qu'il ne faut pas confondre avec le dispositif européen. Cette garantie française, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, devrait s'adresser à des jeunes en très grande difficulté qui pourraient s'inscrire dans un parcours d'insertion tout en percevant un revenu minimum équivalent au RSA. Ce dispositif s'ajoutera donc aux autres mesures déjà effectives, comme les emplois d'avenir. Notre assemblée aura, je pense, l'occasion d'y revenir.

J'aimerais, pour ma part, dans le cadre de ce débat sur les politiques de l'Union, vous interroger sur la limitation de la garantie pour la jeunesse européenne aux seules régions dont le taux de chômage des jeunes dépasse les 25 %. À titre d'exemple, outre les DOM-TOM, seules quatre régions françaises seraient concernées par la mesure : le Nord-Pas-de-Calais, le Languedoc-Roussillon, la Champagne-Ardenne et l'Aquitaine. Or, je peux vous assurer que dans ma région, l'Auvergne, il y a aussi des jeunes en déshérence. Il faut donc sans doute affiner cette proposition afin de trouver les moyens de répondre à la situation des jeunes de Seine-Saint-Denis, par exemple, qui ne seraient pas concernés alors que le taux de chômage des jeunes est proche de 29 % dans ce département. Il faudra donc sans doute réfléchir aux modalités concrètes de mise oeuvre de cette garantie européenne, qui sont définies au niveau européen, mais qui devraient être affinées au niveau national.

Par ailleurs, sur le plan budgétaire, pouvez-vous nous préciser les engagements financiers du Conseil européen des 7 et 8 février derniers : ces 6 milliards seront-ils bien suivis d'effet ?

Pour conclure, ce paquet « Emploi pour les jeunes », notamment la garantie pour la jeunesse, nous offre l'occasion de montrer que l'Europe se préoccupe de l'avenir de sa jeunesse et que l'Union fait de l'investissement dans les jeunes générations un outil de sortie de crise. C'est essentiel au moment où nos concitoyens, qui, en ces temps de rigueur budgétaire, ont trop souvent le sentiment que l'Europe se préoccupe uniquement de contrôler le niveau des déficits budgétaires et oublie l'avenir de sa jeunesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

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