Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 21h30
Débat sur la politique européenne en matière d'emploi des jeunes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat qui se tient ce soir dans cet hémicycle est d'importance. La crise n'est pas encore derrière nous et cela se ressent dans les chiffres du chômage au sein de l'Union européenne. Comme le rappelait à l'instant Mme la présidente de la commission des affaires européennes, ma collègue Danielle Auroi, en octobre 2012, le taux de chômage était de 28,6 % en Grèce, de 26,6 % en Espagne, de 16,3 % au Portugal et de 10,5 % en France.

Ces chiffres sont ceux des populations actives en général, mais si l'on se focalise sur les jeunes de quinze à vingt-quatre ans, les taux sont significatifs et démontrent de manière explicite à quel point cette catégorie est la plus touchée. Je vous ferai grâce des pourcentages précis, M. le rapporteur les ayant rappelés tout à l'heure.

Un jeune Français sur quatre est au chômage : cela nous laisse songeur et doit nous faire réagir. Bien sûr, à l'échelle nationale, nous avons voté les projets de loi portant création des emplois d'avenir et du contrat de génération qui ont pour objectif de lutter contre ce fléau. Ces premières réponses sont très intéressantes et importantes ; d'ailleurs, les emplois d'avenir connaissent un démarrage prometteur. Toutefois, pour lutter efficacement contre ce phénomène, les solutions doivent venir non seulement de lois nationales, mais également d'une réelle politique européenne qui permettra d'affirmer, au sein de l'Union, la volonté de se saisir du problème à bras-le-corps.

Monsieur le ministre, vous étiez, il y a encore quelques jours, chargé de la formation professionnelle. De ce fait, vous aurez au moins l'avantage, face à vos homologues européens, d'avoir déjà agi en ce domaine au niveau hexagonal.

Au-delà de l'aspect humain que je déplore en priorité, cette situation a bien évidemment un impact financier désastreux. Eurofound a ainsi estimé le coût pour l'économie européenne de cette mise à l'écart des jeunes à plus de 150 milliards d'euros par an, soit 1,2 % du PIB de l'Union européenne. Il devient donc plus qu'urgent de réagir, de mettre en oeuvre une politique volontariste et courageuse.

Il y a à peine un mois, le Conseil des ministres de l'emploi et des affaires sociales de l'Union européenne a approuvé une recommandation politique portant sur l'établissement le plus rapide possible d'une « garantie jeunesse », visant à permettre aux jeunes au chômage depuis plus de quatre mois de se voir proposer un travail, une formation ou un apprentissage. Le Parlement européen avait déjà approuvé la garantie jeunesse et demandé sa mise en place rapide le 16 janvier dernier.

Plusieurs étapes ont précédé cette décision. En effet, il y a plus de deux ans, le groupe des Verts avait initié une résolution du Parlement européen sur la promotion de l'accès des jeunes au marché du travail : une première avancée, mais qui était insuffisante. Le 5 décembre dernier, la Commission européenne a pris, à son tour, position en faveur de la création de la garantie pour la jeunesse. Cette prise de position s'expliquait par la publication du paquet « emploi pour les jeunes ».

En quoi consiste ce paquet « Emploi pour les jeunes » ? Comme l'a indiqué Mme la présidente de la commission des affaires européennes, il prévoit quatre initiatives : l'introduction de la garantie jeunesse, le lancement d'une deuxième phase de consultation des partenaires sociaux européens concernant le cadre de qualité pour les stages, la création d'une alliance européenne pour l'apprentissage et le renforcement de la mobilité des jeunes via l'axe EURES.

La garantie jeunesse devrait offrir la possibilité à chaque jeune citoyen de l'Union européenne, âgé de vingt-cinq ans au maximum, de travailler, de suivre un enseignement ou une formation au plus tard quatre mois après son inscription au chômage ou après être sorti du système éducatif. Il s'agit d'un outil pour accompagner les jeunes lors de leur arrivée sur le marché du travail. Lutter efficacement contre le chômage, cela se concrétise par la proposition d'une offre de qualité pour tous les jeunes, qu'il s'agisse d'emploi, de formation, d'apprentissage ou de stage.

Pour ce faire, la Commission européenne préconise l'instauration et le renforcement de partenariats entre pouvoirs publics, entreprises et syndicats au niveau local, régional, national et européen. Le dispositif doit également aider le jeune à trouver un emploi dans un autre pays membre de l'Union ; il doit élaborer des stratégies innovantes, favoriser l'intervention à un stade précoce des services de l'emploi et inviter les États membres à solliciter le Fonds social européen et les autres fonds structurels. Tout cela n'est bien sûr possible qu'en renforçant l'assistance et l'orientation politique fournies par la Commission européenne. Le coût de sa mise en place est estimé à 21 milliards d'euros. C'est bien peu face aux 150 milliards que représente la mise à l'écart des jeunes.

Le paquet « Emploi pour les jeunes » est donc une avancée importante et doit surtout être la ligne directrice, le fil conducteur de la politique qui devra être menée au Parlement européen et, logiquement, dans chaque pays membre. C'est d'ailleurs pourquoi le commissaire européen Laszlo Andor, en charge de l'emploi et des affaires sociales, a invité les États membres à prendre des engagements sur la mise en oeuvre du paquet « Investissements sociaux » de la Commission européenne.

En France, dans le cadre du plan pour la jeunesse, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a repris l'idée de la création d'une « garantie jeunes » dans son plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.

Il s'engageait ainsi à inscrire cent mille jeunes en situation de pauvreté dans un parcours contractualisé d'accès à l'emploi et à la formation.

Le service public de l'emploi sera tenu de faire des propositions d'emploi ou de formation adaptées aux jeunes concernés, qui devront les accepter pour bénéficier d'une garantie de ressources différentielle d'un montant équivalent au RSA.

Les écologistes soutiennent les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l'emploi des jeunes, tout en émettant quelques réserves sur cette « garantie jeunes » : la limiter à cent mille jeunes pose problème, car tous les jeunes devraient être ciblés, étant tous concernés par cette garantie. De plus, les conditionnalités prévues pour accéder à ce dispositif sont floues. Elles laissent entendre que le Gouvernement refuse toujours d'ouvrir le RSA aux moins de vingt-cinq ans, une mesure pourtant simple, juste et efficace si l'on veut aider les jeunes à s'insérer dans la vie active.

Néanmoins, la « garantie jeune » est un dispositif pertinent, qui est déjà en place au Danemark et en Autriche, où il fonctionne. Mais il est soumis à deux conditions principales : tout d'abord, la création d'un revenu d'autonomie – trop de jeunes sont obligés de travailler pour financer leurs études ou leur formation, ce qui conduit nombre d'entre eux à l'échec – ; ensuite, la définition de règles strictes pour encadrer les stages : la Commission doit agir pour mettre fin à l'exploitation cynique des jeunes actifs, qui enchaînent des contrats de courte durée déguisés en stage.

Monsieur le ministre, je vous l'ai dit, les écologistes seront toujours aux côtés du Gouvernement lorsque celui-ci mettra en oeuvre des politiques en faveur de l'emploi. Nous soutiendrons toutes les mesures qui permettront d'améliorer les conditions de vie, l'accès à l'emploi et à la formation de notre jeunesse. Comme les eurodéputés Verts, Karima Delli en tête – et j'en profite pour saluer son immense travail au Parlement européen –, les députés écologistes continueront de lutter contre le fléau du chômage, notamment chez les jeunes.

Si la garantie crée un droit, elle ne crée pas d'emploi. C'est pourquoi il faut impulser une véritable politique de l'emploi à travers la transition écologique de l'économie, qui permettrait de créer plusieurs milliers d'emploi et des filières d'avenir et de relancer une économie européenne en berne.

En effet, la réflexion menée autour de la politique en matière d'emploi ne doit pas en rester au stade de tentatives, plus ou moins efficaces. Elle doit aboutir ou être associée à une véritable réforme de notre économie.

Face à un système qui a montré ses limites, la transition écologique se présente comme l'une des réponses les plus pertinentes : un modèle énergétique plus fiable et créateur d'emplois, des formations en devenir, de nouveaux débouchés pour les jeunes et l'opportunité d'une relance économique qui nous fuit. Nos voisins scandinaves et allemands en ont pris conscience depuis quelques années déjà et, coïncidence, ce sont les meilleurs élèves dans la lutte contre le chômage. La France doit engager cette transition afin de participer activement au redressement de l'économie européenne et de faire en sorte que les jeunes retrouvent confiance en l'Europe. Une Europe capable de leur offrir un avenir sûr, une Europe créatrice d'emplois. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

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