Monsieur le ministre, je m'associe à mes collègues et vous souhaite à mon tour la bienvenue.
Nous sommes aujourd'hui invités à débattre de la politique européenne en matière d'emploi des jeunes. Cette politique a pris une consonance toute particulière depuis le sommet européen des 7 et 8 février derniers, sans que l'on sache précisément comment elle se mettra en place et selon quelles modalités.
Six milliards d'euros sur la période 2014-2020 seront consacrés à une « initiative pour l'emploi des jeunes ». On ne sait pas encore grand-chose de cette initiative, si ce n'est qu'elle devrait soutenir financièrement les mesures de lutte contre le chômage des jeunes, dans les régions où leur taux de chômage est supérieur à 25 %.
Que le budget européen prenne un aspect social, on ne peut que s'en réjouir. Cela fait longtemps que les radicaux de gauche appellent de leurs voeux une Europe plus sociale, une Europe qui se focalise un peu moins sur la vigueur de ses traités et un peu plus sur le bien-être de ses citoyens, une Europe qui prend ses responsabilités pour les futures générations.
On aurait donc pu pleinement se réjouir de cette avancée et considérer que l'Europe prenait la bonne voie, mais les raisons de se satisfaire se ternissent bien vite. Tout d'abord, parce que cette ouverture budgétaire de 6 milliards d'euros n'en est pas véritablement une. Elle s'appuie pour moitié sur un montant provenant du Fonds social européen et, pour l'autre moitié, de financements consacrés à d'autres mesures d'aide destinées aux jeunes, notamment le dispositif de garantie pour la jeunesse.
Ensuite, parce que 6 milliards d'euros mobilisés, c'est insuffisant au regard du défi qu'il est nécessaire de relever. Le chômage des jeunes ne connaît pas de frontières. Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, en 2012, le taux de chômage des jeunes a atteint en moyenne 23,4 % dans l'Union européenne : 56 % en Espagne, 37 % en Italie, 28 % en Pologne et 27 % en France.
De plus en plus de jeunes se trouvent dans une situation où ils ne travaillent pas, ne font pas d'études et ne suivent pas de formation.
Six milliards d'euros sur sept ans, c'est moins d'un milliard par an, pour treize pays bénéficiaires actuellement, soit une moyenne de 65 millions d'euros par an et par pays. Parmi ces pays, rien de moins que l'Espagne, l'Italie ou la France.
Au vu de la nature des négociations qui ont eu lieu entre les Vingt-sept – et vous me trouverez très critique –, on ne peut s'empêcher de soupçonner quelques États de rechercher, non pas un soutien de l'Union européenne pour leur politique de l'emploi, mais l'amélioration du solde de leurs flux financiers avec l'Union.
Je veux d'ailleurs réaffirmer notre entière solidarité avec nos collègues députés européens qui ont massivement adopté une résolution rejetant le projet de budget 2014-2020.
Ainsi, ce qui aurait pu paraître comme une très nette avancée en matière sociale demeure, comme trop souvent en Europe depuis plusieurs années, une prise en compte bien modérée de l'impératif social.
Ces réserves exprimées, les députés radicaux ne peuvent que soutenir l'Union européenne qui se saisit de cette question. Elle doit le faire, car le chômage des jeunes n'est pas une fatalité. Le taux de chômage des jeunes est inférieur à 15 % au Danemark ; il est de 10 % aux Pays-Bas, de 9 % en Autriche et de 8 % en Allemagne.
Tout cela est lié à la croissance économique, diront certains : pour eux, dans les pays du Nord, le taux de chômage est moins élevé chez les jeunes, tout simplement parce que le chômage y est moins important. Si on suivait leur raisonnement, il ne faudrait rien faire d'autre qu'améliorer la conjoncture économique, ce qui relèverait automatiquement l'emploi des jeunes. Les chiffres leur donnent tort : la Belgique et le Danemark ont le même taux de chômage, mais le taux de chômage des jeunes est de 14,7 % au Danemark alors qu'il atteint 20 % en Belgique. En Espagne, il est supérieur de 113 % au taux de chômage de la population totale, en Allemagne de 51 %, en France de 150 %. Vous me pardonnerez cette litanie de chiffres, mais force est de constater que ce n'est qu'à leur lumière qu'on mesure la nécessité d'une action politique déterminée dans ce domaine.
Face à ce défi, quelles sont aujourd'hui les initiatives prises par l'Union européenne ? Il y a d'abord la future « initiative pour l'emploi des jeunes » de 6 milliards d'euros. Je n'y reviens pas.
Il y a aussi la « garantie pour la jeunesse », une recommandation sur laquelle les institutions européennes ont beaucoup travaillé. Le principe est simple : inviter les États à faire en sorte que les jeunes se voient proposer une offre de bonne qualité portant sur un emploi, une reprise d'études ou un complément de formation dans les quatre mois qui suivent le début de leur période de chômage ou leur sortie de l'enseignement. Une telle recommandation paraît tout à fait souhaitable et sans en attendre la finalisation, nous invitons le Gouvernement à avancer sur la mise en place effective d'une telle initiative. Mais vous avez dit, tout à l'heure, monsieur le ministre, qu'elle était déjà transposée ; le Premier ministre l'a déjà annoncée : on parle de cent mille jeunes concernés sur dix territoires pilotes. On peut se féliciter de la rapidité du Gouvernement et nous espérons que, très vite, ces dispositifs seront mis en place.
Les députés du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste saluent également l'initiative visant à fixer un cadre de qualité pour les stages. S'il est un sujet qui n'a pas de frontières pour la jeunesse européenne, c'est bien celui des stages. Il est utile que l'Union européenne puisse imposer des normes dans le domaine social. Encore faut-il que cette initiative devienne une norme imposée à tous les États membres et non un outil de plus à leur disposition, dans une boîte pleine mais peu utilisée.
Car ces politiques européennes présentent un même défaut : elles reposent principalement sur la bonne volonté des États membres. Comment peut-on parler de politique européenne lorsque, à l'instar des 6 milliards de « l'initiative pour l'emploi des jeunes », il ne s'agit que de mettre à disposition des fonds à chaque État membre ? L'Europe se meurt de faire passer des transferts d'argent pour des politiques publiques.
Sans ignorer le principe de subsidiarité, les radicaux de gauche affirment qu'il est désormais indispensable de dépasser cette conception des politiques européennes. Il faut que, pour des problèmes identiques, connus dans tous les pays européens, vécus par une même tranche d'âge – comme c'est le cas pour l'emploi des jeunes –, des réponses européennes unifiées soient appliquées dans l'ensemble des pays de l'Union. L'emploi des jeunes peut être la base d'une nouvelle politique communautaire d'envergure, utile et fédératrice.
Il est particulièrement indispensable de renforcer la mobilité des jeunes au sein de l'Union européenne. Le programme Erasmus n'est qu'une première étape, il ne s'applique qu'aux échanges d'étudiants, dont la durée reste limitée. Même si, sous l'impulsion de la commissaire européenne chargée de l'éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse, Mme Vassiliou, – que nous avons reçue il y a quelques jours à la commission des affaires européennes –, nous allons vers un « Erasmus pour tous » en intégrant la formation professionnelle, nous devons aller encore plus loin, en instituant enfin un vaste programme pour faciliter la mobilité des jeunes actifs au sein de l'Union. L'initiative dite : « Ton premier emploi EURES » est une première base. Ce programme doit encourager la mobilité professionnelle chez les jeunes au sein de l'Union européenne. Il a pour but de fournir une aide en matière de recherche d'emploi et doit apporter un soutien financier à des jeunes de moins de trente ans qui souhaitent travailler dans un autre pays européen.
Toutefois, cette initiative n'est que préparatoire. Surtout, elle manque d'ambition. Elle ne s'attaque pas à l'une des principales causes du manque de mobilité : l'incompatibilité des systèmes sociaux. Comment faire quand on a cotisé pour une retraite dans un pays puis dans un autre ? De quelle protection sociale peut-on bénéficier ? Et quels sont les droits au chômage, les droits au logement ?
Savez-vous, monsieur le ministre, que le numéro de Pôle emploi, le 3949, n'est pas accessible depuis un poste téléphonique à l'étranger ? C'est ainsi que des jeunes sont radiés de Pôle emploi pour non-présentation à un entretien ou à un rendez-vous, alors qu'ils passent, le même jour, un entretien d'embauche dans un autre pays de l'Union.
On permet à des jeunes de parler une ou plusieurs langues communautaires, de réaliser des échanges universitaires à l'étranger, de s'acclimater à une autre culture. Et voici que nous échouons à leur permettre de travailler dans le pays de leur choix ! Ce n'est pas acceptable, c'est inefficace économiquement et cela restreint l'émancipation de certains de nos concitoyens.
Je tiens d'ailleurs à ajouter qu'il faut s'assurer que cette mobilité ne concerne pas seulement ceux qui réalisent les études les plus longues, mais tous les jeunes, car la mobilité favorise le décloisonnement social. Elle est une chance pour les moins diplômés d'élargir leur perspective et de favoriser leur développement personnel.
Chaque jeune devrait pouvoir, au moins une fois avant ses trente ans, rencontrer l'Europe grâce à une politique de mobilité.
L'incapacité de l'Union européenne à mettre en oeuvre de telles politiques reflète un mécanisme institutionnel insensé. Des politiques ambitieuses ne sauraient être acceptées, ni même conçues, si elles demeurent décidées dans le seul cercle restreint des chefs d'État et de gouvernement. Les décisions doivent être prises par des responsables et des assemblées démocratiquement élus pour l'exercice de fonctions européennes.
Lorsque les radicaux de gauche appellent à une Europe fédérale, ils ne disent pas autre chose. Il faut dépasser les principes qui régissent aujourd'hui l'Union européenne pour franchir une nouvelle étape. Il faut construire une véritable fédération européenne. L'Europe doit s'affirmer comme une puissance politique qui défend des valeurs partagées et un modèle social différent.
L'emploi des jeunes, au regard de l'importance du défi qu'il représente pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes européens, prouve la nécessité de parvenir à une Europe fédérale. Une Europe qui protège. Une Europe d'espoir pour sa jeunesse. Une Europe d'espoir pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)