Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 21h30
Débat sur la politique européenne en matière d'emploi des jeunes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, Arnaud Richard m'a demandé de le remplacer au cours de ce débat car il est aujourd'hui à Berlin pour l'élaboration du rapport de suivi sur le pacte de croissance européen. Mais ce débat m'intéresse puisqu'il porte sur l'emploi, qui est un de mes sujets de prédilection.

S'il est un sujet qui suscite, depuis de longues années, l'inquiétude de l'ensemble des peuples européens, c'est bien celui de l'emploi, particulièrement celui de l'emploi des jeunes. De Paris à Riga, en passant par Madrid et Stockholm, le chômage des jeunes prend des proportions alarmantes et, à quelques rares exceptions près telles l'Allemagne et la Pologne, aucun de nos voisins européens n'est épargné par ce fléau.

Le chômage poursuit son inexorable progression au fil des années. Alors qu'il a subi une hausse de 50 % depuis le début de la crise, le taux de chômage des jeunes en Europe est passé, au cours de ces dix derniers mois, de 22,6 % à 23,4 %. Aujourd'hui, un jeune qui participe activement au marché du travail sait pertinemment que la probabilité pour lui d'être chômeur est deux fois plus élevée que pour un adulte actif.

Le phénomène n'est certes pas uniquement conjoncturel. En trente ans, le chômage des jeunes actifs n'est jamais descendu en dessous de 14 %. Il n'en demeure pas moins que les jeunes, davantage sensibles à la conjoncture économique, constituent une véritable variable d'ajustement dans ces périodes de ralentissement. Ils sont, de ce fait, les principales victimes de la crise.

Ces chiffres masquent une réalité plus sombre : au-delà des difficultés d'accès à un emploi, c'est la nature même de l'emploi, souvent précaire, qui rend la situation des jeunes sur le marché du travail particulièrement difficile.

Le parcours professionnel des jeunes est jalonné de trajectoires complexes, de situations intermédiaires, d'une succession d'emplois temporaires, de CDD, d'intérim et de contrats aidés. La situation est telle que l'Organisation internationale du travail a récemment érigé en priorité la défense de la notion de travail décent, d'un travail durable, rémunérateur et de qualité.

Mes chers collègues, vous en conviendrez, le tableau est sombre et l'urgence d'agir n'est plus à démontrer. Pour autant, la situation que nous connaissons n'est pas une fatalité.

Le combat contre le fléau du chômage des jeunes et le développement de la mobilité et de l'apprentissage sont autant de sujets dont nous devons nous saisir pour assurer un avenir à notre jeunesse et replacer leurs préoccupations au coeur des politiques européennes.

Nous en sommes convaincus, l'Union européenne peut et doit jouer un rôle important dans ce domaine. De longue date, l'Europe a fait de l'emploi des jeunes l'une des priorités de son action. La croissance et l'emploi sont partie intégrante de la stratégie Europe 2020 qui s'est notamment fixé pour objectif la baisse du nombre de jeunes quittant l'école prématurément et la hausse du nombre de jeunes ayant achevé des études universitaires ou supérieures. Plus récemment, la nouvelle présidence irlandaise du Conseil de l'Union européenne a fait part de sa volonté de stimuler une croissance créatrice d'emplois, en particulier pour les jeunes.

Dans ce contexte, toute initiative européenne ne peut qu'être encouragée, car nous ne saurons relever le défi de la crise sans offrir à nos jeunes la perspective d'un avenir économique meilleur et d'un marché de l'emploi où ils ont toute leur place.

La Commission a lancé une initiative en février 2012, les « Équipes d'action pour l'emploi des jeunes », visant à aider les huit États membres affichant les niveaux de chômage des jeunes les plus élevés, en réaffectant et en débloquant rapidement des fonds européens. S'il faudra encore du temps pour que l'action des équipes produise pleinement ses effets, les premiers signes sont encourageants. Mais, malgré l'intervention européenne, le nombre de jeunes sans emploi continue d'augmenter et, dans ces États membres comme dans d'autres, la nécessité d'agir reste plus pressante que jamais. Avant tout, la politique européenne doit s'orienter vers l'éducation et la formation qui sont indéniablement des leviers importants pour la croissance et l'emploi.

L'Union européenne doit privilégier le développement de la mobilité des jeunes. Pour un apprenti comme pour un étudiant, partir étudier dans un pays européen, c'est s'ouvrir à une autre culture, apprendre à s'adapter, diversifier son expérience, et donc augmenter ses chances de trouver un emploi.

L'Europe a déjà mis en place plusieurs programmes d'échange. Le plus célèbre d'entre eux, Erasmus, a fait ses preuves et permet chaque année à plus de 230 000 étudiants de se déplacer dans l'Union. Pour autant, nous devons sortir Erasmus de l'idée estudiantine, en donnant notamment aux apprentis les mêmes droits qu'aux étudiants. L'alternance n'est pas une voie secondaire, c'est un choix d'études assumé ; le recours accru à l'alternance a d'ailleurs démontré ses vertus. Les apprentis doivent donc avoir les mêmes chances que les étudiants de partir à l'étranger. C'est ainsi que nous pourrons permettre à des millions de jeunes d'ouvrir leur horizon et contribuer à une meilleure intégration sur le marché du travail.

Le Commission européenne a prévu de favoriser la mobilité des jeunes en proposant un programme « Erasmus pour tous » qui bénéficierait à 5 millions de personnes. Ce projet est une bonne initiative, mais avec un financement de 19 milliards d'euros, soit 1,64 % du budget total, force est de constater que les programmes d'aide à la mobilité et à la jeunesse font encore office de variable d'ajustement.

En outre, l'entreprenariat des jeunes, notamment l'instauration de programmes d'aide aux jeunes entrepreneurs et entrepreneurs sociaux par l'entremise du Fonds social européen, doit être encouragé. De même le programme « Erasmus pour les entrepreneurs », encore peu connu, mériterait d'être davantage valorisé.

L'Europe doit également mettre l'accent sur la formation, faciliter son accès aux jeunes peu ou pas qualifiés, élever le niveau de qualification des jeunes en formation et mieux adapter les formations aux besoins des employeurs et aux métiers de demain.

Signé le mois dernier, l'accord en vue de l'instauration, dès 2014, d'une garantie pour la jeunesse dans chaque État membre – ce qui permettra aux jeunes de moins de vingt-cinq ans sans travail ni formation depuis quatre mois de recevoir un complément de formation, un apprentissage ou un stage – va dans ce sens, mais il n'est qu'une première étape.

Les députés européens ont d'ailleurs recommandé aux gouvernements de présenter, dans les plus brefs délais, un plan européen d'investissements qui encourage une croissance inclusive, durable et génératrice d'emplois. Sans agissements de la part des États membres, la politique européenne sera vaine.

Il est aussi essentiel de lutter contre le décrochage scolaire qui touche de plus en plus de jeunes. En France, ce sont près de 150 000 élèves qui quittent l'école dès seize ans sans diplôme ou sans qualification, sans pourtant savoir comment préparer leur entrée dans la vie active. Ces jeunes s'exposent à de grandes difficultés pour s'insérer professionnellement ; ce n'est pas acceptable.

Lors de l'examen du projet de loi sur la refondation de l'école, le groupe UDI avait déposé des amendements visant à instaurer l'acquisition des savoirs fondamentaux comme grand programme régalien. Ces premiers acquis sont aussi les premières sources d'inégalités d'accès à la connaissance et les prémisses possibles de futurs décrochages. Nous regrettons de ne pas avoir été entendus sur ce point, car c'est à l'école de la République de faire en sorte qu'aucun enfant ne quitte le système scolaire sans une formation qualifiante et un diplôme national. Et nous savons que le diplôme est encore un premier rempart contre le chômage.

Mes chers collègues, le chômage des jeunes a un coût pour l'économie européenne : il représente une perte financière annuelle d'environ 150 milliards d'euros. La lutte contre ce fléau est donc un défi majeur pour l'Europe.

À l'heure de l'euroscepticisme, il devient urgent de réconcilier les jeunes avec l'idéal européen. Il devient urgent de créer une Europe de la jeunesse, de la culture et de la mobilité.

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