Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 20 mars 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Cette proposition de loi était fortement attendue et j'adhère entièrement aux propos de la rapporteure.

Substituer une autorisation strictement encadrée à une interdiction assortie de dérogations représente une avancée significative pour notre pays et notre société. Nous rejoindrons ainsi le concert du plus grand nombre de nations développées engagées dans la recherche sur les embryons, comme nous suivrons les propositions formulées par les états généraux de la bioéthique, le Comité consultatif national d'éthique, le Sénat, le Conseil d'État, l'Académie de médecine : en définitive par tous ceux qui ont étudié en profondeur cette question délicate. Nous sortirons ainsi de l'hypocrisie consistant à interdire de développer des lignées de cellules souches embryonnaires en France mais à en autoriser l'importation. Comme si les embryons ne méritaient pas le même respect, de part et d'autre des frontières !

Nous privilégierons ainsi la confiance dans la recherche et dans le progrès. De nombreux projets de recherche sur des cellules souches embryonnaires sont aujourd'hui soumis à l'Agence de la biomédecine, ainsi que trois demandes d'applications thérapeutiques, pour les tissus cutanés, la rétine et le coeur. À l'étranger, les recherches portent bien sûr sur une plus grande variété de tissus encore, tant les perspectives thérapeutiques sont porteuses d'espoir.

l'Agence de la biomédecine supporte actuellement d'importants frais d'avocat pour faire face aux nombreux recours contentieux en annulation de ses décisions – onze en cours à ce jour et combien demain ? – déposés notamment par la fondation Lejeune. Les fonds correspondants seraient évidemment mieux employés à financer les missions sanitaires de l'agence plutôt que des frais de procédure.

On oppose souvent à la recherche sur les embryons deux types d'arguments qu'il me faut réfuter. Le premier consiste à affirmer qu'il serait possible de se passer des cellules souches embryonnaires, en recourant à d'autres cellules souches, notamment les cellules iPS. L'identité de dénomination ne doit pas conduire à confondre les deux, pas plus que le vieillard et le nouveau-né ne sont semblables, bien qu'à tous deux le mot « humain » puisse s'appliquer ! Les cellules iPS conservent la mémoire de leur tissu d'origine et offrent donc des possibilités plus limitées de spécialisation. En outre, leur maniement soulève d'autres problèmes éthiques : ainsi ces cellules génétiquement modifiées sont susceptibles de se différencier en gamètes.

Deuxième argument : la vitrification des ovocytes permettrait qu'il n'y ait plus, demain, d'embryons surnuméraires dans les cuves d'azote liquide de nos laboratoires. C'est tout aussi faux. Cette technique de congélation permet de lutter contre certaines formes de stérilité aujourd'hui non traitées, et offre des opportunités supplémentaires de fécondité. Mais elle ne dispensera pas de fécondations in vitro conduisant à l'existence d'embryons surnuméraires – dont des dizaines de milliers sont chaque année détruits parce que ne faisant plus l'objet d'un projet parental. C'est sur ces embryons-là qu'avec autorisation parentale il est possible de prélever des cellules pour les besoins de la recherche et, à terme, de ses applications thérapeutiques.

Ce qui nous est proposé à travers cette proposition de loi ne fait qu'étendre à l'embryon les dispositions en vigueur concernant les prélèvements d'organes ou d'éléments du corps, effectués sur l'adulte, l'enfant, le nouveau-né, mais aussi depuis plusieurs décennies sur le foetus humain post mortem – avec autorisation parentale.

C'est, en définitive, une marque de respect, de considération et de dignité que la proposition de loi accorde à l'embryon humain puisqu'on ne voit pas pourquoi celui-ci n'aurait pas droit au même statut que les autres phases de développement de l'être humain, depuis la fécondation jusqu'à la mort.

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