Intervention de Valérie Boyer

Réunion du 20 mars 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer :

Cette proposition de loi propose un bouleversement majeur des conditions de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Sans débat et sans raison, la majorité s'acharne, avec la complicité du Gouvernement, à détruire les principes fondateurs de notre société. Le respect de l'embryon humain, au coeur du droit bioéthique français, est aujourd'hui menacé. Faut-il rappeler qu'en vertu de l'article 16 du code civil, « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie » ? Comme le relève Jürgen Habermas, l'autorisation de conduire des recherches sur l'embryon transforme la perception culturelle de la vie humaine.

Lors des révisions de la loi de bioéthique, en 2004 puis en 2011, le principe éthique essentiel d'interdiction de la recherche sur l'embryon avait été maintenu et réaffirmé, tout en étant assorti de dérogations ; c'était un compromis entre la reconnaissance de la dignité de l'embryon humain et la volonté de ne pas empêcher les avancées thérapeutiques rendues possibles par la recherche scientifique.

Le renversement au profit d'un principe d'autorisation est loin d'être anodin. La promotion de la recherche sur l'embryon ainsi opérée par la majorité socialiste et le Gouvernement, qui se fait sans organisation d'états généraux de la bioéthique pourtant imposés par la loi de 2011, est d'autant plus inacceptable que l'expertise scientifique a prouvé que les cellules souches non embryonnaires dépassent aujourd'hui les cellules souches embryonnaires.

En effet, les cellules souches adultes et issues du sang de cordon permettent d'ores et déjà de soigner des pathologies grâce à la thérapie cellulaire. En ce qui concerne la modélisation de pathologies et le criblage de molécules, les cellules souches iPS ont le même potentiel que les cellules souches embryonnaires.

Dès 1991, les travaux de l'équipe de Marie-Louise Labat, du CNRS, montraient la présence dans le sang d'une cellule souche capable de former différents tissus, vraisemblablement pluripotente. Récemment, en France également, l'équipe du professeur Luc Douay a obtenu des globules rouges à partir de cellules souches de sang de cordon ou de moelle osseuse. Les travaux des professeurs Yamanaka et Gordon, couronnés par le prix Nobel en 2012, prouvent à quel point la recherche sur les cellules embryonnaires est désormais supplantée par les cellules non-embryonnaires ; plus de vingt lignées ont été obtenues et un institut, l'iPS Core, créé à Harvard, leur est consacré. Les pathologies concernées sont la maladie de Parkinson, le diabète, la chorée de Huntington, la trisomie, la maladie de Gaucher, la dystrophie de Duchenne, pour n'en citer que quelques-unes.

Ces progrès extraordinaires concernant les cellules souches adultes ou induites et leurs possibles applications thérapeutiques, ou encore la vitrification des ovocytes autorisée depuis le 27 janvier 2011 et qui va enfin mettre un terme à la production d'embryons humains surnuméraires, sont totalement ignorés par cette proposition de loi passéiste. Force est de constater qu'il s'agit d'une démarche purement idéologique, qui fait courir de lourds risques de dérives et d'instrumentalisation.

Avant toute modification des conditions de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, et a fortiori avant d'opérer un tel bouleversement du principe d'interdiction, il fallait organiser un débat public ouvert à tous, sur le modèle des forums citoyens, comme le gouvernement précédent en avait organisé notamment à Marseille en 2009. Quant à la recherche sur les gamètes, leur conservation et la fécondation in vitro, son objectif doit être de permettre aux biologistes et aux gynécologues-obstétriciens d'évaluer les innovations susceptibles d'améliorer les résultats de l'assistance médicale à la procréation. L'Agence de la biomédecine doit conduire ces évaluations afin que ces innovations soient connues, reconnues et promues dans notre pays. Sans cela, légiférer sur les conditions de recherche sur l'embryon, en dehors de toute expertise sur les nouvelles techniques, n'a pas de sens. Vous agissez ici dans une grande précipitation idéologique.

Pour toutes ces raisons, je défends la suppression de l'article unique de cette proposition de loi.

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