Le problème de la brevetabilité du vivant, complexe mais crucial, se pose avec une acuité particulière dès lors que l'on souhaite développer des traitements ciblés sur des gènes qui sont à la source de la médecine personnalisée. Que brevète-t-on ? Pendant un temps, les brevets larges de gènes ont été acceptés, ce qui revenait à breveter la connaissance, alors que seule l'application doit l'être. Deux affaires emblématiques: le cas Mayo Collaborative Services contre Prometheus Laboratories, et le cas Association for Molecular Pathology et autres contre Myriad Genetics instruits par la Cour Suprême des États-Unis portent sur la brevetabilité du vivant et notamment sur celle des gènes. L'affaire Mayo Collaborative Services a initié les débats. Après une longue procédure elle a été portée devant la Cour Suprême qui a rendu son verdict le 19 mars 2012, concluant à la non-brevetabilité d'un gène comme reposant sur les lois de la nature.
L'affaire suivante n'est pas terminée, elle porte sur les différents brevets délivrés à Myriad Genetics sur les gènes BRCA1 et BRCA2 à des fins d'applications diagnostiques pour les cancers du sein et de l'ovaire. La Cour Suprême des États-Unis a été saisie en décembre 2012 de ce litige. En rappelant au travers de l'affaire Mayo Collaborative Services contre Prometheus Laboratories la non-brevetabilité des lois de la nature, la Cour Suprême entend protéger le développement de la recherche vis-à-vis de brevets qui offriraient une protection trop étendue à leurs bénéficiaires en leur conférant une situation quasi monopolistique.
La bataille autour de la brevetabilité du vivant s'est étendue à l'Europe. Après avoir longtemps résisté à l'extension des principes de brevetabilité aux gènes, la directive 9844CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques a transposé cette conception venue de l'Office américain des brevets dans le droit européen. Ces deux affaires reflètent une réalité: celle d'une législation qui peine à suivre le rythme imposé par les avancées de la biotechnologie. Il reste que pour l'instant, l'Office européen des brevets (OEB) délivre toujours des brevets de gènes.
Au plan économique et social, il s'agit de savoir si la médecine personnalisée permettra au système de santé de faire des économies en rationnalisant le recours aux médicaments, tout en soignant mieux. La médecine personnalisée aura un impact sur le remboursement des médicaments, car il est probable qu'à l'avenir, les systèmes de santé ne paieront plus pour des médicaments, mais pour des résultats. La médecine personnalisée renvoie à des décisions de l'autorité publique et du patient lui-même sur la prévention et le traitement. Quand on disposera de tests prédictifs ou de marqueurs biologiques scientifiquement convaincants, nombre de questions se poseront. Quand effectuer les tests ? À quel âge ? Avec quelle périodicité ? Quelle partie de la population cibler ? Quelle sera la prise en charge ? Quel sera l'accès à la prévention et pour quel coût, sachant que la prévention précoce pourrait être efficace, mais qu'il ne faudrait pas pour autant inquiéter les patients inutilement ?
Les tests créent un bouleversement de l'économie de l'assurance maladie. Plus on multiplie les informations sur la connaissance du risque et les moyens d'y pallier, plus la tentation de lier l'assurance-maladie au comportement du patient sera forte : le risque de remise en cause de la médecine de solidarité entre les biens portants et les malades augmentera.