Intervention de Jean-Sébastien Vialatte

Réunion du 13 février 2013 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Sébastien Vialatte :

Le séquençage à haut débit peut générer une quantité d'informations génétiques qui, non liées directement à l'objectif du diagnostic initial, posent des problèmes éthiques. La diffusion de ces techniques, risque de faire apparaître un marché utilisé pour la santé, mais dont on peut redouter les aspects prédictifs. L'individu peut vouloir connaître pour lui-même et ses descendants ses chances et malchances. Mieux vaudrait maintenir une pratique médicale où l'on effectue des examens ciblés, dans un objectif particulier, sans séquencer le génome entier, ce qui génère des masses de données difficiles à protéger.

La nature des données génétiques exige une protection particulière car ces données sont personnelles, identifiantes, pour partie invariantes tout au long de la vie et portent sur les possibilités d'évolution de l'état de santé d'une personne pendant toute son existence. Si l'on applique ces nouvelles techniques génomiques au diagnostic prénatal ou au diagnostic préimplantatoire, ou à la naissance, on aura accès à bien plus de données que ce que l'on souhaite savoir dans l'immédiat. Même si cette médecine génomique personnalisée cible un individu, la famille sera immédiatement au courant en cas de maladie génétiquement transmissible.

Les risques pesant sur le secret médical prennent une tout autre dimension et deviennent plus lourds face au caractère particulier de ces données. Les risques d'obtention indue de données en sont considérablement accrus. Un article paru dans le magazine Science début janvier 2013 montre qu'il a été possible, en croisant plusieurs données, d'identifier une personne à partir de son patrimoine génétique, de données généalogiques et de localisation.

De plus, ce système génère une énorme masse de données coûteuses à interpréter et conserver. Le coût du traitement numérique des données du séquençage risque de devenir supérieur à celui du séquençage proprement dit, car il est extrêmement complexe. Seuls des supercalculateurs de dernière génération couplés à d'énormes capacités de mémoire sont en mesure d'accomplir ces calculs dans des délais acceptables. La gestion, le contrôle et la protection des bases de données deviennent un enjeu crucial. Qui aura obligation de fournir au patient les données dans 15 ou 20 ans, quand il pourra en avoir besoin pour une pathologie qui se déclarera ? À partir d'un génome entier, qui donnera des informations gigantesques et pourra offrir une liste de pathologies auxquelles le patient serait exposé ? Qui décidera du choix des informations à lui donner ? L'industriel qui aura fait le travail ? En outre, lorsque des progrès scientifiques, des nouveaux facteurs de risque auront été déterminés, qui aura obligation de prévenir le patient ? Il faudra bien retraiter périodiquement l'information, et si un nouveau traitement existe, qui informera le patient et quand? Dès lors qui paiera pour obtenir la donnée ?

En outre, il conviendra d'assurer un accès équitable au traitement en luttant contre les inégalités territoriales. Mais il ne faudrait pas que les progrès scientifiques et médicaux contribuent à une police des moeurs dans la mesure où tout devient traçable. Cette nouvelle façon de concevoir le traitement des patients conduira à une évolution profonde des systèmes de santé qu'il convient d'anticiper pour en débattre, informer les citoyens et assurer leur protection contre les éventuelles discriminations ou les failles dans la protection de leurs données. Nous proposons donc de poursuivre l'étude ainsi engagée sous l'intitulé suivant : « Les enjeux de la médecine personnalisée ».

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