Nul ne s'étonnera que je sois d'accord avec l'excellent rapport d'Alain Tourret.
Rappelons d'abord que cette proposition de loi a été adoptée par la Haute assemblée le 23 juin 2010 dans un climat consensuel, recueillant les suffrages de plusieurs formations politiques à une époque où la majorité sénatoriale n'était pas celle que nous connaissons aujourd'hui.
Permettez-moi aussi de relever un paradoxe : le Parlement européen a de plus en plus de pouvoir et de moins en moins d'électeurs. La baisse constante du taux de participation est un problème préoccupant pour la démocratie et nous ne pouvons l'ignorer. Lors de la dernière élection, l'abstention s'est élevée à 59,35 %. Certes, les élections européennes ont toujours été marquées par une forte abstention, mais ce phénomène n'a cessé de progresser, accentué encore par la réforme de 2003. Le taux d'abstention à la première élection européenne, en 1979, était 39,30 %. Il a donc augmenté de vingt points en trente ans !
Bref, la loi présentée par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin n'a pas produit les effets escomptés. Il faut être pragmatique et tirer les leçons de l'expérience. Nous ne sommes habités par aucune visée idéologique particulière. Nous constatons simplement que le cadre de ce scrutin est jugé complexe et peu compréhensible par les électeurs, et qu'il contribue à progression de l'abstention.
D'autre part, comme l'a noté Alain Tourret, les circonscriptions sont beaucoup trop vastes pour permettre un rapprochement entre les élus et les électeurs. Celle du grand Sud-Est s'étend de Bourg-en-Bresse à Bonifacio, celle du Nord-Ouest de Cherbourg à Dunkerque. C'est dire combien leur tracé est artificiel. À l'exception de l'Île-de-France, elles sont hétéroclites, n'existent que le temps de l'élection européenne et ne correspondent à aucune réalité humaine, historique, géographique ou économique.
De plus, la division de l'élection en huit « petites élections » fait que les listes ne sont plus conduites par les dirigeants nationaux des partis politiques, ce qui mobilisait davantage l'opinion, mais par des personnes – estimables, certes – placées à un niveau hiérarchique inférieur.
Le dispositif engendre un risque de « localisme » alors que c'est un grand projet qui est l'enjeu essentiel de l'élection européenne : quelle Europe voulons-nous et quel rôle la France doit-elle y jouer ? Il ne faut pas que des questions d'intérêt local interfèrent avec cette question principale.
Enfin, ce mode d'élection est un frein évident au pluralisme : il avantage les grands partis, qui ont les moyens humains et financiers de mener huit campagnes dans autant de circonscriptions, alors qu'il est plus facile aux partis de dimensions plus modestes de mener une campagne nationale dans une circonscription unique.
Pour toutes ces raisons qui tiennent à l'intérêt général, et compte tenu du vote positif du Sénat, le groupe RRDP appelle à adopter ce texte.