Intervention de Jean-Marc Germain

Réunion du 19 mars 2013 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain, rapporteur :

Je veux remercier les intervenants pour leur présence qui témoigne de l'importance de la négociation sociale. Vous avez tous évoqué le rôle du Parlement. Vous nous avez d'ailleurs fait part de la préoccupation des chefs d'entreprise que vous rencontrez quant à la transcription intégrale de l'accord. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes car ceux que je rencontre s'inquiètent plutôt de leur carnet de commandes et de la compétition internationale.

L'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale indique que la négociation précède et inspire la loi. Cela correspond selon moi à la bonne méthode. Je ne crois pas que le Parlement ait la science infuse et soit capable de faire des lois sociales meilleures que les partenaires sociaux. Je crois en revanche que les parlementaires sont porteurs d'une certaine légitimité qui les autorise à améliorer un texte s'il le mérite.

L'équilibre du texte est une question difficile. Vous avez souligné le caractère équilibré de l'ensemble des dispositions de l'accord. La plupart des parties à la négociation me semblent d'ailleurs défendre les avancées contenues dans l'accord. Nous n'avons pas eu le sentiment de divergences d'appréciation entre salariés et employeurs ou d'un affrontement entre patronat et syndicats. En période de crise, les intérêts patronaux et salariaux peuvent diverger mais ils peuvent aussi se rencontrer plus que d'habitude : il s'agit non pas de partager les richesses mais de sauver les entreprises et de les rendre plus performantes.

Je souhaite vous poser plusieurs questions. D'abord, on a cru comprendre que le MEDEF cherchait dans cette négociation à écarter le juge judiciaire au profit du juge administratif, ou à tout le moins de lui donner moins de poids dans les relations sociales. Je m'interroge sur cette substitution : d'une part, les deux juridictions ne sont pas selon moi de nature très différente ; d'autre part, cette volonté me semble contradictoire avec l'objectif affiché d'une plus grande sécurité juridique puisque la nouvelle jurisprudence administrative en matière de plans sociaux ne sera pas établie avant plusieurs années.

Concernant les délais de prescription, cette dernière a longtemps été trentenaire en matière de contrat de travail car elle était initialement justifiée par le déséquilibre entre le salarié et l'employeur. Le délai a été ramené par harmonisation avec le code civil à cinq ans. Dans cette négociation, vous avez fortement insisté pour qu'il soit réduit à deux ans. En matière de baux commerciaux, le délai de prescription est pourtant de cinq ans alors que l'argument évoqué par M. Crouzet – le poids de la garantie du passif en cas de litige – me semble aussi valable pour les conflits commerciaux. La prescription pour le contrat de travail devient ainsi plus courte que pour les baux commerciaux. Cela me paraît paradoxal. Je souhaite donc connaître les raisons profondes qui ont inspiré ce choix.

Par ailleurs, je considère que l'accord est timide sur deux questions : la formation qualifiante et la présence des salariés au conseil d'administration des grandes entreprises.

Chacun reconnaît que le droit individuel à la formation est un progrès. Mais le verrou que constitue le plafond de 120 heures pour la durée des formations, demeure un obstacle à l'objectif que poursuivent de manière conjointe les entreprises, les salariés et le pays, d'une augmentation de la qualification des salariés. On peut donc être surpris que l'accord n'ait pas été l'occasion de lever cet obstacle et de financer ainsi des formations véritablement qualifiantes.

Sur le second sujet, nous avons entendu des grands patrons souhaiter précisément une forte présence de salariés au conseil d'administration. M. Louis Gallois préconise ainsi la présence d'un tiers d'administrateurs issus des salariés. Il fait d'ailleurs de cette mesure un élément important de compétitivité. M. Jean-Louis Beffa partage le même avis, estimant que, dans la mondialisation, les salariés et les dirigeants doivent travailler ensemble, y compris dans un lieu stratégique comme le conseil d'administration, pour défendre la vocation industrielle de la France. L'accord entrouvre seulement la porte en permettant la présence d'un ou deux administrateurs. Pourquoi l'occasion d'aller plus loin n'a-t-elle pas été saisie ? Quels sont les obstacles à une participation accrue ? M. Louis Gallois propose même pour les grandes entreprises, à l'instar de la pratique en Allemagne, qu'un représentant des salariés soit désigné par chaque branche.

En matière de santé, on a cru percevoir des tensions au sein de la délégation patronale dans la dernière ligne droite sur la question de la clause de désignation. M. Crouzet, pour l'UPA, a fait valoir que la branche professionnelle était la mieux placée pour favoriser la mutualisation et développer des actions de prévention. On ne sait pas quelle est la position de la CGPME. Elle réclame le respect de l'accord alors que celui-ci comporte trois phrases peu claires sur le sujet. Existe-t-il une position patronale sur les clauses de désignation ? Que contient véritablement l'accord ? Interdit-il les clauses de désignation ?

Ce n'est en tout cas pas la solution retenue dans le projet de loi selon lequel l'accord laisse toutes les options ouvertes : désignation, recommandation et liberté de choix totale. Pouvez-vous me dire si cette interprétation est correcte ? Ce n'est pas pour le moment ce que j'ai compris de vos propos liminaires.

Enfin, l'instauration de droits rechargeables a été saluée comme un progrès pour l'indemnisation des salariés aux parcours précaires. Comment vont-ils cependant être mis en oeuvre dans le cadre de la négociation de la convention de l'Unédic ? Cela ne se fera-t-il pas au détriment des autres salariés puisque le MEDEF s'est prononcé contre une hausse des cotisations ? Il ne faudrait pas déshabiller Paul pour habiller Pierre.

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