Intervention de Patrick Bernasconi

Réunion du 19 mars 2013 à 16h45
Commission des affaires sociales

Patrick Bernasconi, membre du bureau exécutif du MEDEF :

Vous nous avez également interrogés sur la norme du CDI et sur la taxation des contrats courts ; vous vous demandez notamment pourquoi celle-ci ne s'applique pas à l'intérim.

Les contrats courts peuvent être utilisés pour faire face à un surcroît d'activité, mais aussi pour assurer le remplacement d'un salarié, ou encore pour les travailleurs saisonniers. Ces deux derniers cas sont des cas particuliers qui appellent une réponse particulière. Il nous paraissait donc inopportun de taxer ce type de contrats : cela n'aboutirait qu'à renchérir le coût du travail.

Par ailleurs, la proportion des salariés en CDI est constante depuis de nombreuses années : elle s'établit à environ 85 % des salariés. J'observe que la fonction publique reste l'un des plus importants utilisateurs de contrats courts. Que l'État commence donc par balayer devant sa porte !

La dérive que vous observez dans le recours aux CDD, notamment au démarrage de la carrière, pose surtout problème aux jeunes, qui souhaitent accéder plus rapidement à un CDI. Nous avons pris une mesure qui va dans le bon sens en exonérant de cotisations d'assurance chômage toute entreprise qui embauche un jeune de moins de 26 ans en CDI. La durée de l'exonération varie selon la taille de l'entreprise : elle s'élève à trois mois pour les entreprises de 50 salariés et plus et à quatre pour les entreprises de moins de 50 salariés. Il s'agit d'un dispositif incitatif et non répressif.

Pour que le CDI devienne la norme, il faudra aller plus loin que ce qui a déjà été fait pour faire reculer la peur de l'embauche en CDI. Nous aurions pu ici nous inspirer d'un dispositif qui existe dans mon secteur, celui du bâtiment et des travaux publics (BTP). Je veux parler des contrats de chantier, qui peuvent se définir comme des CDI pour la durée d'un chantier. Par exemple, la construction de la ligne à grande vitesse (LGV) entre Tours et Bordeaux a donné lieu à de nombreux contrats de chantier de trois ou quatre ans. Ce type de contrat serait sans doute applicable à d'autres branches ou filières. Il est intéressant pour les salariés, qui peuvent se prévaloir d'un CDI à l'appui d'une demande de prêt ou d'une recherche de logement et ont l'assurance de se qualifier dans le cadre du chantier, donc d'acquérir une employabilité qui n'a rien à voir avec celle qu'ils acquerraient avec un CDD. Cela nous paraissait donc une bonne idée. Malheureusement, certains y ont vu un « détricotage » du CDI, et elle n'a pas été retenue. C'est l'un de mes regrets.

Permettez-moi enfin d'évoquer un exemple précis. Dans la seule région d'Annecy, 60 000 Français passent chaque jour la frontière pour aller travailler en Suisse. Ils ne le font certes pas pour le droit du travail suisse – on peut licencier très facilement en Suisse – mais parce qu'ils gagnent dans ce pays deux à trois fois ce qu'ils gagneraient en France. Pour l'entreprise suisse, le coût est plutôt inférieur, car le niveau des charges est moins élevé que dans notre pays. Chaque jour, 60 000 talents formés dans nos écoles vont donc travailler chez Rolex ou dans d'autres entreprises suisses. Convenez qu'il y a matière à réflexion…

Il faut alléger la pression du droit du travail, tout en sécurisant le parcours professionnel des salariés, afin qu'ils bénéficient d'une meilleure formation, retrouvent plus rapidement un emploi, et que la formation puisse être dispensée pendant les périodes de chômage ou dans le temps partiel. Ce sont de bonnes initiatives, mais il convient avant tout de desserrer les contraintes pour permettre aux entreprises de s'adapter plus rapidement. Car le temps est fondamental pour l'entreprise. Si nous privilégions une solution en interne plutôt que le recours au juge, si nous avons tant besoin de savoir combien cela coûte, c'est pour avoir une certitude sur le temps dans lequel nous engageons notre action et sur notre capacité à restaurer les performances de l'entreprise. Un chef d'entreprise qui perçoit un danger potentiel ne peut mettre trois ans à adapter son outil industriel – l'entreprise sera morte avant. Nous devons donc travailler en ce sens, et cela doit se faire par un dialogue social renforcé au sein de l'entreprise. Il vous appartient de montrer l'exemple, en respectant le travail qui a été celui des partenaires sociaux dans l'accord qui est transcrit, et en les incitant à être plus nombreux à participer aux accords de demain. Nous aurons ainsi plus d'accords, moins de sources de conflit et une paix sociale retrouvée. C'est en tout cas ce à quoi je crois et ce pour quoi je me bats tous les jours.

Chef d'entreprise d'une PME, à la tête de trois petites entités de 50 salariés, j'ai eu à restructurer une entreprise dans les années 1990. Si je ne l'avais pas fait, l'entreprise serait morte. J'ai pu m'appuyer sur le comité d'entreprise, ce qui m'a permis de prendre des mesures très dures, en montrant moi-même l'exemple. De 100 salariés, nous sommes passés à 50 ; j'ai diminué les rémunérations de mes salariés, mais je me suis aussi appliqué cette diminution de rémunération. Laissons les entreprises croire au dialogue social. C'est possible dans de nombreuses PME. Mais de grâce, aidez-nous : n'entrez pas dans des jeux politiques, et favorisez ceux qui croient au dialogue social.

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