Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 20 mars 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur :

L'examen de cet accord nous conduit à voyager un peu dans l'histoire et dans l'espace. L'île de Tromelin a toujours été sous la souveraineté française. Elle a été découverte en 1722 par un navire français. Elle a alors été baptisée île des Sables. Puis en 1761, un navire négrier également français, « L'Utile », y a fait naufrage avec à son bord plus d'une centaine d'esclaves. Les survivants, c'est-à-dire sept femmes et un bébé, n'ont été secourus qu'en 1776 par un navire commandé par le chevalier de Tromelin, lequel a laissé son nom définitif à l'île. Lorsqu'à la fin du XIXème siècle la France s'est installée à Madagascar, Tromelin a été rattachée à ce gouvernorat. Puis, en 1960, dans la perspective de l'indépendance de Madagascar, Tromelin a été directement rattachée au ministre chargé de l'outre-mer, qui en a délégué l'administration au préfet de la Réunion. Enfin, en 2007, Tromelin a été rattachée aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Outre ces rattachements administratifs successifs, Tromelin accueille depuis 1954 une station météorologique française, que quelques météorologistes ont fait fonctionner à l'origine, avant qu'elle ne soit automatisée.

Le différend que nous avons avec l'île Maurice quant à la souveraineté sur Tromelin est récent. En 1960, les Britanniques, dont Maurice dépendait encore, n'avaient émis aucune protestation quand la France avait décidé de détacher Tromelin de Madagascar. Il est vrai qu'ils devaient agir de la même manière peu après en détachant en 1967 les îles Chagos de Maurice, avant l'indépendance de cette dernière.

Ce n'est que depuis 1976 que les Mauriciens revendiquent la possession de Tromelin, revendication qu'ils ont régulièrement répétée depuis, puisqu'ils ont encore produit en 2011 une note publiée par les Nations unies. Cette revendication est fondée sur une interprétation du traité de Paris du 30 mai 1814, lequel stipulait la cession par la France au Royaume-Uni de l'île Maurice et, dans la version française, « de ses dépendances, nommément Rodrigue et les Séchelles ». La version anglaise du traité employant pour « nommément » le mot « especially », qui n'a pas exactement le même sens, il y a un débat sur le sort des petites îles qui ne sont pas mentionnées expressément dans le traité, comme Tromelin. Les Mauriciens font d'ailleurs valoir qu'ils exercent leur souveraineté sur d'autres de ces petites îles, comme Saint-Brandon et les îles Agalega.

Ce désaccord sur Tromelin n'a jamais entraîné de véritable conflit entre les gouvernements français et mauriciens, car les deux pays entretiennent par ailleurs de très bonnes relations. La seule manifestation concrète de ce différend, dont j'ai eu à connaître quand j'étais ministre de l'agriculture et de la pêche, a porté sur les licences de pêche : Maurice délivrait des licences pour pêcher dans les eaux de Tromelin et parfois des bâtiments détenteurs de celles-ci s'y sont fait verbaliser par les autorités françaises.

Les discussions pour sortir de cette situation litigieuse ont commencé suite à la visite du président François Mitterrand à Maurice en 1990. Elles ont été relancées en 1999 dans le cadre de la Commission de l'océan Indien, qui est une organisation régionale qui fait du bon travail. En 2008, enfin, un entretien entre le président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre Navin Ramgoolam a accéléré le processus, débouchant sur la signature en 2010 de l'accord-cadre que nous examinons et de ses trois conventions d'application.

Le premier point qui caractérise cet accord, c'est que très clairement il laisse de côté la question de la souveraineté sur Tromelin. De ce point de vue, c'est un accord très innovant, le seul précédent, et encore, étant un accord franco-britannique sur la pêche dans la baie de Granville, qui y a défini les droits de pêche indépendamment de la frontière internationale entre la France et les îles Anglo-normandes.

L'accord organise donc une sorte de cogestion, dans trois domaines traités dans les accords d'application qui le complètent : les fouilles archéologiques ; l'environnement, car il faut continuer à protéger ces vastes espaces naturels ; enfin, les ressources halieutiques. Dans ce domaine, il est prévu une sorte de politique commune de la pêche, avec un comité de cogestion. Les navires français et mauriciens seront prioritaires pour pêcher dans les eaux de Tromelin, les uns et les autres le pouvant avec une licence délivrée par leur seul pays d'origine – et je précise que jusqu'à présent les navires mauriciens ne pêchent quasiment pas autour de Tromelin. Par contre, les pêcheurs battant un autre pavillon ne pourront exercer dans la zone que sous réserve d'une double autorisation par la France et Maurice.

Nous devons approuver cet accord, car il apaisera le seul différend que nous avons avec Maurice et donne satisfaction à la France sur un point déterminant : les Mauriciens renoncent à délivrer unilatéralement, sans l'accord de la France, des licences de pêche à des navires étrangers.

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