Madame la présidente, mesdames, messieurs, ce texte s'inscrit dans le prolongement de la proposition de loi initialement présentée par Valérie Boyer et Jean-Luc Préel. Cette proposition avait été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale il y a un peu plus d'un an et votée conformément aux amendements portés par le groupe socialiste républicain et citoyen, et je salue à cette occasion le travail mené alors par Catherine Lemorton, qui n'était pas encore présidente de la commission des affaires sociales.
Le texte que nous étudions aujourd'hui a été déposé par les membres du groupe socialiste du Sénat, après un nouveau travail approfondi, et je tiens à remercier tout particulièrement la rapporteure, Ségolène Neuville, pour l'engagement qui a été le sien dans la préparation de cette proposition avec son homologue du Sénat, Jacky Le Menn.
Si le Gouvernement fait le choix de soutenir cette proposition de loi, c'est parce qu'il nous revient très clairement de tout mettre en oeuvre pour permettre à la biologie médicale française de relever le double défi de la qualité et de l'efficience.
La première exigence, c'est en effet d'assurer la qualité des examens en biologie médicale.
La biologie médicale occupe une place centrale dans le parcours de soins. En ville et à l'hôpital, elle détermine plus de trois diagnostics sur cinq. La fiabilité des résultats est la condition d'une bonne prescription. Le rôle des biologistes médicaux est donc déterminant, ils sont les garants d'une prise en charge réussie.
Les biologistes médicaux sont chaque jour au contact de millions de Français et établissent des relations étroites avec l'ensemble des professionnels de santé. Ce lien est évidemment d'importance. À un moment où la présence de professionnels de santé sur l'ensemble du territoire est pour nous un enjeu majeur, celle des biologistes médicaux l'est tout autant, et ils sont confrontés aux mêmes défis.
La profession a connu des évolutions majeures au cours des années passées. Les biologistes font désormais un usage quotidien des nouvelles technologies. Il leur appartient de se former en continu. Le modèle économique se modifie progressivement et leur impose de prendre des risques et d'investir. Par ailleurs, ils doivent affronter les défis qui s'imposent à l'ensemble du système de santé : la population vieillit, les maladies chroniques se développent, les diagnostics sont de plus en plus complexes et les patients toujours plus exigeants.
Pourtant, en quarante ans, aucune réforme ambitieuse n'a été portée pour permettre à la biologie médicale de faire face à ces nouveaux enjeux. La responsabilité qui est la nôtre, c'est donc de poursuivre la réorganisation de ce secteur. C'est là une exigence absolue, si nous voulons assurer la qualité des examens médicaux et donc la qualité des soins.
L'exigence de qualité n'est pas négociable. Pour assurer la sécurité de nos concitoyens, il nous faut dès lors généraliser l'accréditation. Quel que soit l'examen demandé, et quel que soit le laboratoire qui le pratique, l'accréditation est la garantie donnée au patient de la fiabilité des résultats. Nous devons y être d'autant plus attentifs que les patients sont de façon générale de plus en plus attentifs à la qualité des soins qui leur sont prodigués et des produits de santé.
Il y a près de vingt ans que le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale a été publié. Il est donc urgent que ce référentiel soit mis en oeuvre de manière effective au bénéfice de l'ensemble des patients.
Certains biologistes ont rapidement mis en place la procédure d'accréditation. D'autres ont rencontré davantage de difficultés. Il nous faut désormais assurer le déploiement complet de ce processus. C'est pourquoi je souscris pleinement au choix de la commission des affaires sociales : nous devons assurer aux patients qu'à échéance 2020, 100 % des examens seront accrédités.
Bien entendu, les laboratoires devront être accompagnés dans cette dynamique. C'est pourquoi il est indispensable d'instaurer des paliers progressifs dans la démarche qui doit nous permettre d'atteindre cet objectif.
Cet objectif, s'il est ambitieux, ne doit cependant pas empêcher les laboratoires d'innover. C'est pourquoi je suis favorable à la proposition de soustraire les examens innovants de biologie dans leur phase de développement du processus d'accréditation. Dans les CHU et les laboratoires de ville, les biologistes doivent pouvoir continuer d'innover. Toutefois, cela ne doit pas être une raison pour revenir sur le principe même d'une accréditation à 100 %. Faisons confiance aux acteurs de terrain pour ne pas dénaturer l'esprit de la loi et permettons-leur d'instaurer des mécanismes d'adaptation progressive.
Concernant le coût de l'accréditation, le COFRAC, comité français d'accréditation, garantira que les prix sont strictement liés aux coûts réels. L'État y veillera. Des contrôles externes seront réalisés pour nous assurer que cette règle sera bien respectée.
Enfin, je n'oublie pas la situation particulière des patients atteints de maladies rares. Nous devons garantir la même qualité pour tous. Dans le cas de la génétique, discipline à la fois clinique et biologique, la réalisation de diagnostics pour plus 6 000 maladies rares demande de recourir à des compétences spécifiques, nécessitant des techniques de pointe. Dans le même temps, ces patients font aussi des examens de type plus classique. Les examens spécifiques sont exclusivement réalisés dans des laboratoires spécialisés de CHU, mais la législation actuelle ne permet plus aux professionnels issus des disciplines dites mixtes comme la génétique, l'immunologie ou l'hématologie d'exercer pleinement leur mission.
L'article 6 visait à ouvrir à des médecins ou à des pharmaciens déjà recrutés en CHU l'exercice des fonctions de biologiste médical, sous le contrôle d'une commission ad hoc, et ce même s'ils ne sont pas titulaires d'un diplôme de spécialiste en biologie médicale, pour leur permettre de répondre de façon globale à l'ensemble des missions liées à leur activité, et ce uniquement dans le champ de leur spécialité.
Cet article a été supprimé au Sénat. Je sais qu'il suscite un grand nombre d'interrogations. Dans l'intérêt des patients et pour le bon fonctionnement des établissements de santé, le Gouvernement souhaite qu'il soit rétabli.
La seconde exigence, c'est l'efficience du secteur de la biologie médicale.
Ses modèles économique et juridique doivent évoluer pour permettre au secteur de se moderniser. Pour préparer l'avenir, nous devons offrir à nos laboratoires les moyens de se réorganiser, de diminuer leurs coûts et d'investir. Nous devons tout faire pour ne prendre aucun retard et améliorer ainsi l'efficience et la qualité du service rendu aux cliniciens et donc aux patients.
Certes, nul ne l'ignore, la crise que nous traversons nous impose de faire des économies, notamment dans le secteur de la biologie médicale, dans le cadre de l'ONDAM. À cet égard, j'ai entendu le souhait de la profession de s'engager dans un schéma plus négocié et mieux sécurisé. Je n'y suis pas opposée.
Nous partageons tous la préoccupation que le groupement des structures de biologie ne mène pas à un dessaisissement des biologistes. Nous devons ainsi fixer les limites qui garantissent leur responsabilité et leur maîtrise d'un processus qui contribue directement à la santé de nos concitoyens.
Dans le même temps, il est nécessaire de permettre un financement de cette activité sans lequel notre biologie ne pourrait pas se développer et demeurer au tout premier rang mondial. Il nous appartient donc de trouver le juste équilibre entre ces exigences en apparence contradictoires.
J'entends la volonté de certains de limiter davantage encore la participation des structures financières et d'augmenter la part minimale que les biologistes devraient détenir dans leurs sociétés. Je crois néanmoins que, si l'on allait trop loin dans ce sens, les biologistes eux-mêmes seraient pénalisés. Nous risquerions en effet de rendre impossible à des jeunes d'investir dans des laboratoires ou de porter des projets innovants.
Je suis donc convaincue que la proposition de votre rapporteure va dans le bon sens. Elle permettra à la biologie médicale de se structurer économiquement, sans sombrer dans la financiarisation. Les biologistes pourront s'adosser à des acteurs professionnels spécialistes de la structuration, de la gestion des tâches transverses, des négociations avec les industriels, du financement des investissements.
L'article 8 de la proposition de loi en est l'expression. Il impose qu'au moins 50 % du capital et des droits de vote soient détenus par les biologistes exerçant dans le laboratoire. Ceux-ci garderont ainsi la maîtrise de leur instrument de travail. L'article 8 autorise également une mise en conformité progressive, afin de ne pas déstabiliser le secteur. Enfin, il consolide la transparence des conventions et des contrats signés dans le cadre des sociétés d'exercice libéral.
La troisième exigence, c'est la garantie du maintien d'une offre en biologie médicale sur l'ensemble de notre territoire.
Actuellement, le maillage de notre territoire est assuré par de nombreux laboratoires de proximité. Cet atout, nous devons le préserver. Je le disais en entamant cette présentation, la question de la biologie médicale doit se poser dans les mêmes termes que celle de l'offre de santé de manière générale et, de même que nous ne voulons pas assister à une désertification médicale dans certains territoires, nous devons faire en sorte qu'il reste une offre de biologie médicale dans l'ensemble du territoire. Nous devons donc empêcher la constitution de monopoles et protéger le secteur des abus de la financiarisation.
À travers les schémas régionaux d'organisation des soins, les agences régionales de santé devront répondre aux besoins de santé des populations. Elles auront pour mission de garantir à l'ensemble de nos concitoyens qu'ils pourront faire réaliser les examens biologiques dont ils ont besoin. En outre, l'article 4 autorisera le prélèvement par des infirmiers et d'autres professionnels de santé, sous le contrôle et la responsabilité du laboratoire responsable de l'analyse.
C'est à l'échelle des territoires et au plus près des Français que nous gagnerons la bataille contre les inégalités sociales et territoriales de santé. « La même biologie pour tous », tel est l'objectif qui est aujourd'hui le nôtre. C'est le sens de cette proposition de loi.
Mesdames, messieurs, c'est un texte important et la volonté de ratifier l'ordonnance de 2010 paraît quasiment unanime et dépasse largement les clivages politiques et partisans, même si, sur certains points, nous pouvons avoir des appréciations divergentes.
Nous devons envoyer un message fort pour mettre un terme à toute forme d'insécurité juridique et garantir la qualité et l'efficience de la biologie médicale française. Pour toutes ces raisons, je vous appelle tous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, à soutenir cette proposition de loi et je vous remercie par avance de votre contribution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)