Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale relance le processus législatif pour combler un vide juridique préjudiciable aux patients. L'initiative parlementaire s'inscrit donc pleinement dans une démarche de qualité renforcée de l'offre de soin.
Il nous faut donc souligner les atouts de ce texte : il sécurise et rassure un patient qui le demande de plus en plus, il facilite l'accès aux soins pour accompagner l'évolution de la biologie médicale, il lutte contre la financiarisation et ses conséquences, il encadre la participation au capital des laboratoires de biologie médicale. L'harmonisation des règles de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale publics et privés par l'ordonnance du 13 janvier 2010 ratifiée par la proposition de loi, doit être saluée, car, dans les outre-mer, secteur public et privé travaillent de concert pour que les conditions d'exercice correspondent aux risques encourus par le patient.
Avec la procédure d'accréditation, le législateur sécurise la qualité des examens biologiques, ce qui est inévitablement bénéfique pour la santé des patients et contribue à une meilleure organisation de la biologie médicale et des professionnels.
C'est donc au nom de mes collègues de l'outre-mer, singulièrement ceux de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte, qu'il me revient, madame la ministre, d'appeler votre attention sur l'application de la procédure d'accréditation. Nous ne demandons pas de sortir nos laboratoires du système d'accréditation, nous demandons une adaptation de la procédure, pour mieux garantir le même niveau de qualité des examens, et d'accès aux soins. Nous demandons non pas une santé à deux vitesses mais une santé de proximité sécurisée.
Madame la ministre, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et Mayotte ont les mêmes spécificités que Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélémy. Je dois d'ailleurs rappeler que ces deux dernières îles, avant qu'elles ne deviennent collectivités territoriales, étaient des îles de la Guadeloupe au même titre que la Désirade, Marie-Galante et les Saintes. Vous avez reconnu au Sénat, par voie d'amendement, qu'il fallait prendre en compte les spécificités insulaires de ces régions, car elles rendent la procédure d'accréditation plus coûteuse et plus complexe à organiser qu'en métropole. Nous vous approuvons, car vous avez parfaitement mesuré l'impact de la réforme. Les contraintes auxquelles nous sommes soumis sont fortes. Elles conduiront à faire disparaître des laboratoires de biologie médicale et frapperont ainsi de plein fouet le maillage territorial de l'accès aux soins en outre-mer.
À titre d'exemple, le caractère archipélagique de la Guadeloupe est un frein aux exigences de l'accréditation selon la norme prévue par le COFRAC, car il en accroît la complexité. Ce handicap est lié aux conditions de transport entre les îles et la Guadeloupe dite continentale ; ce transport est uniquement maritime. Un prélèvement fait chez un patient de l'une de ces îles – Marie-Galante, les Saintes ou la Désirade – à cinq heures du matin, déposé au bateau à six heures, ne sera pas au laboratoire avant huit heures ; c'est incompatible avec les exigences du COFRAC.
Quant aux patients de ces mêmes îles qui doivent réaliser leurs examens sur la partie continentale de ma région de Guadeloupe, ils doivent prendre toute une journée, compte tenu de l'horaire des bateaux, avec un départ à six heures du matin et un retour entre seize et dix-sept heures, pour un tarif compris entre 22 et 42 euros.
En Martinique, comme en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte, la défaillance des transports urbains et interurbains et la proportion importante de la population qui ne dispose pas de moyens de déplacement font que les délais et conditions de transport sont encore bien loin de remplir les exigences de l'accréditation des examens, selon les normes du COFRAC. De plus, l'insularité et l'éloignement de ces régions de la France métropolitaine impliquent des effets d'isolement et d'étroitesse de marché, ce qui limite l'ampleur des regroupements possibles. Les regroupements sont pourtant indispensables pour respecter la nouvelle réglementation et faire les investissements qu'elle impose.
La formation continue obligatoire et encadrée dans la norme, se révèle difficile car aucun organisme agréé n'est présent dans ces régions.
Par ailleurs, les laboratoires ont recours à des consultants externes pour les accompagner dans leurs démarches en vue des objectifs de 2020 et pour mettre en place l'accréditation telle que prévue. Or on ne trouve pas de tels spécialistes dans les départements et collectivités d'outre-mer.
Vous l'aurez donc compris, madame la ministre : l'absence d'adaptation de l'accréditation aux spécificités de l'outre-mer nous exposera au risque d'une fermeture des laboratoires de proximité, de la création de déserts biologiques, d'une inégalité de nos concitoyens devant les soins qui leur sont offerts, avec un retard de médicalisation très préjudiciable dans nos régions, en raison notamment de la prévalence de certaines pathologies comme le cancer de la prostate, le diabète, l'hypertension, et j'en passe. Les dépenses de santé s'en trouveront majorées en raison des retards de prise en charge du patient.
De plus, ce secteur d'activité s'en trouvera fragilisé avec une perte de 20 % des emplois, particulièrement des emplois qualifiés.
Pour garantir le même niveau de qualité et les mêmes chances de succès aux laboratoires ultramarins dans leurs démarches en vue de l'accréditation, des dispositions transitoires se révèlent nécessaires. Par conséquent, il faudrait que le décret en Conseil d'État prévu à l'article 11 de ce texte, définisse aussi, pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et Mayotte, des modalités spécifiques d'aménagement de la procédure d'accréditation des laboratoires de biologie médicale.
Madame la ministre, j'attends votre réponse.