Intervention de Olivier de la Boulaye

Réunion du 21 février 2013 à 14h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Olivier de la Boulaye, directeur du développement du secteur santé d'Altran :

Je vous répondrai à travers une illustration : le projet PICADo, premier système opérationnel de domomédecine. Cela me permettra de vous présenter les solutions que nous pouvons, nous, les industriels, proposer pour sécuriser l'utilisation des données de santé.

Je rappelle que la domomédecine est un terme inventé par François Guinot, Président honoraire de l'Académie des Technologies, après la parution du rapport de cette Académie « Le patient, les technologies et la médecine ambulatoire » et repris à l'occasion de la journée Télésanté organisée Conseil Régional de Champagne-Ardenne le 4 novembre 2009. La domomédecine se définit comme l'ensemble des actes et soins, parfois complexes, dispensés au domicile du patient ou durant ses activités socio-professionnelles, au moins comparables en quantité et qualité à ceux effectués à l'hôpital voire de meilleure qualité, s'appuyant sur des technologies modernes. Elle vise à privilégier le maintien à domicile ou en activité et à stimuler le progrès médical.

C'est le cas par exemple de la chrono chimiothérapie, une des thérapies du projet PICADo. Le patient enverra à son médecin, via des capteurs communicants, des éléments tels que sa température ou son niveau d'activité, afin que celui-ci puisse adapter son traitement et proposer en temps réel le meilleur moment d'administration et les meilleurs dosages.

Ce type de dispositif doit évidemment respecter le cadre législatif et réglementaire existant, c'est-à-dire le décret du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine et la loi « informatique et libertés ». Les industriels que nous sommes doivent en outre tenir compte des préconisations du conseil de l'ordre des médecins et de celui des pharmaciens.

Selon l'article 34 de la loi « informatique et libertés », « le responsable du traitement [d'une donnée de santé] est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. ». Le respect de cet article se décline selon cinq grands principes : la finalité des données ; leur pertinence – nous n'utilisons que celles dont nous avons réellement besoin – ; leur conservation pendant un temps limité – c'est le droit à l'oubli ; la sécurité et la confidentialité ; le respect des droits des personnes, qui nous impose, par exemple, de nous assurer que le patient accepte que ces données soient utilisées.

Le projet PICADo concerne quelques centaines de patients et associe à Altran des sociétés plus petites comme Axon, Voluntis, Bluelinea ou FSI, soit des partenaires aux parcours très différents, qui n'ont pas tous la même capacité à respecter les normes imposées par nos tutelles.

Un tel système de santé suppose trois niveaux de mise en place. Au niveau des processus, nous nous interrogeons sur la finalité ou l'usage. C'est la notion d'authentification, via, par exemple, la carte de professionnel de santé (CPS) ou la carte Vitale pour le patient. Nous cherchons ensuite comment collecter et utiliser ces informations, qui peuvent être utilisées à des fins, non seulement médicales, mais aussi médico-légales – d'où l'importance de mettre en place des systèmes garantissant une parfaite traçabilité. Deux nouveaux enjeux sont apparus récemment dans l'univers de l'e-santé : l'impact du sans-fil, qui, comme toute innovation, appelle de nouvelles solutions en termes de sécurité, et la problématique de la consommation énergétique.

Après les processus, notre réflexion porte sur les données. Nous bénéficions en la matière d'un cadre normatif assez précis, notamment en ce qui concerne l'hébergement des données de santé, soumis à l'agrément de l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (ASIP). Cela suppose le respect d'un cahier des charges très précis en matière de redondance, de sécurisation et de traçabilité des données notamment.

Il faut enfin considérer le niveau applicatif, qui concerne la conception des logiciels, l'ergonomie ou la gestion des habilitations : beaucoup de failles de sécurité sont dues à des problèmes d'habilitation. Quant à la conception des logiciels, elle doit respecter un certain nombre de référentiels internationaux pour les systèmes d'information de santé, tel l'Integrating the Healthcare Enterprise, l'IHE. Ils nous permettent de respecter au mieux les très nombreuses normes en vigueur, qui sont en outre extrêmement complexes. Les seules directives européennes imposent à un projet tel que PICADo le respect de la norme ISO 13485, qui précise les exigences des systèmes de management de la qualité pour les dispositifs médicaux, de la norme ISO 62304, qui définit les exigences du cycle de vie des logiciels de dispositifs médicaux, et de la norme ISO 60601, qui fixe les exigences de développement d'un dispositif médical – pour ne parler que des plus importantes.

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer deux notions. D'abord celle du « bring your own device ». Aujourd'hui, un médecin va plutôt utiliser son iPhone ou son iPad que son poste de travail pour transmettre des données, ce qui induit de nouveaux problèmes de sécurité des systèmes d'information de santé. La bonne nouvelle, c'est que nous avons des solutions pour y remédier.

L'autre notion est celle de modèle économique, qui appelle la capacité à proposer une itération et une progression dans la mise en place du niveau cible de conformité aux normes. En tant qu'industriel, nous souhaitons pouvoir à la fois conseiller un fabricant de dispositifs médicaux, qui est souvent une petite entreprise, et un professionnel de santé quant au bon niveau de risque.

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