Intervention de Stéphane Lardy

Réunion du 21 mars 2013 à 9h30
Commission des affaires sociales

Stéphane Lardy :

Je tiens tout d'abord à excuser M. Jean-Claude Mailly, qui est retenu par une commission exécutive confédérale.

Force ouvrière n'a pas l'habitude de quitter les négociations. Nous pouvons ne pas approuver un texte final, mais nous restons toujours jusqu'à la fin des discussions. FO a d'ailleurs signé la plupart des accords nationaux interprofessionnels de ces dernières années et vient, très récemment, d'annoncer qu'elle signera l'accord sur les régimes de retraite complémentaire.

L'accord du 11 janvier nous paraît très déséquilibré et ne répond pas aux enjeux actuels, notamment ceux liés à l'emploi. C'est une méthode de négociation qui montre ici ses limites. Le document d'orientation contenait trop de sujets, que les partenaires sociaux ne pouvaient traiter sérieusement en trois mois. La réflexion sur certains thèmes mérite d'être approfondie.

La flexibilité – interne comme externe – existe en France depuis trente ans, et ce texte la renforce ; par ailleurs, il répond, sur de nombreux points, au voeu du patronat de voir le droit du licenciement allégé.

FO n'a pas vocation à porter l'intérêt général et nous nous abstiendrons de vous indiquer, mesdames et messieurs les députés, les positions que vous devriez prendre. La Constitution vous confère le droit d'amendement et il n'est pas dans notre intention de vous soumettre une liste des modifications que le projet devrait subir. Je me contenterai donc de soulever les points qui nous apparaissent devoir être éclaircis, ce travail ayant déjà été effectué hier avec M. Jean-Marc Germain, rapporteur du projet de loi.

J'aimerais évoquer les articles principaux et ceux qui suscitent, de notre point de vue, le plus d'interrogations. Le projet de loi n'est pas la transposition exacte de l'accord du 11 janvier et les modifications apportées contribuent à rééquilibrer le texte en faveur des salariés.

Ainsi, l'article 1er généralise la couverture complémentaire « santé », revendication formulée par l'ensemble des organisations syndicales. Or l'accord ne prévoyait pas cette généralisation, puisqu'il se contentait d'organiser une négociation d'entreprise dans le cas d'un défaut d'accord de branche en l'intégrant dans la négociation annuelle obligatoire (NAO). Cependant, celle-ci exige la présence de sections syndicales dans l'entreprise, si bien que la généralisation de la couverture complémentaire « santé » n'aurait pas pu se produire là où les syndicats sont absents. Dans le projet de loi, la généralisation est prévue au 1er janvier 2016 et elle bénéficiera aux salariés non couverts par un accord de branche ou d'entreprise.

L'article 1er traite en outre des clauses de désignation, question qui concerne certains droits fondamentaux des travailleurs. Dans le cas d'une négociation de branche d'un régime de prévoyance ou d'une complémentaire « santé », la clause de désignation permet d'attribuer l'ensemble du marché à un assureur – acteur privé, mutuelle ou institution paritaire. Elle permet de faire de la mutualisation, de la prévention et de l'action sociale. La Cour de justice de l'Union européenne a développé une jurisprudence sur la complémentaire « santé » dans le secteur de la boulangerie artisanale, dans laquelle elle a indiqué que les clauses de désignation portaient à la libre prestation de services une atteinte justifiée par les principes d'égalité de traitement et de solidarité entre les travailleurs. Sous la pression de la Fédération française des sociétés d'assurances, l'accord du 11 janvier avait interdit la clause de désignation. Le projet de loi ouvre la possibilité de prévoir des clauses de désignation, mais il nous semble qu'elles seront conditionnées à des exigences en matière de transparence, d'appel d'offres – non obligatoire en droit privé – et de cahier des charges, qui seront certes déterminées par un décret, mais qui devront être encadrées. Les clauses de désignation sont liées au droit à la négociation collective et à la capacité des organisations syndicales de déterminer les conditions de travail, ce qui renvoie au principe de liberté contractuelle. Nous veillerons donc à ce que le décret respecte le principe constitutionnel du droit à la négociation collective.

L'article 2 prévoit la création d'un compte personnel de formation, qui n'a jamais suscité d'opposition de notre part. Le groupe de travail, mis en place lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, et installé au sein du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), a rendu son rapport sur cette question le 18 mars dernier. Nous ne souhaitions pas que le compte personnel de formation fasse partie de cette négociation nationale interprofessionnelle, car il s'agit d'un sujet compliqué qui nécessite notamment d'étudier les nombreuses expériences étrangères. Le compte n'étant qu'une technique de gestion, la question essentielle a trait aux éléments que l'on y fait entrer. Nous avons été surpris par l'insertion du compte personnel de formation dans l'article L. 6111-1 du code du travail – qui fixe les principes généraux de la formation professionnelle –, comme si la formation tout au long de la vie se réduisait à l'acquisition d'un compte personnel. Pourtant, un plan de formation ou un contrat de professionnalisation participent également de la formation tout au long de la vie. Réduire cette dernière à l'acquisition d'un compte personnel nous semble dangereux. Nous sommes favorables à l'insertion du principe de ce compte dans la loi, mais il convient de ne pas le codifier et de renvoyer sa mise en oeuvre à la négociation entre organisations patronales et syndicales, qui, toutes, ont signé un accord en 2009. Le compte personnel entre en collision avec d'autres dispositifs – le droit individuel à la formation (DIF) et le plan de formation – et cette question n'a pas été traitée lors de la négociation. Nous souhaiterions que s'engage à ce sujet une discussion avec l'État et les collectivités territoriales, notamment les régions.

Le flou de la rédaction de cet article incite à la prudence : « chaque personne dispose, indépendamment de son statut, dès son entrée sur le marché du travail, d'un compte personnel de formation, individuel et intégralement transférable en cas de changement ou de perte d'emploi ». La personne devra-t-elle occuper un emploi pour en bénéficier ? Un salarié qui, par exemple, devient dentiste, continuera-t-il de bénéficier du compte, qui ne dépend pas de son statut ? Ce dispositif peut être très intéressant pour les salariés, mais il peut également être dangereux. Certaines expériences étrangères ont montré qu'un défaut de conception dans de tels comptes personnels pouvait renforcer les inégalités de traitement. Il convient donc de ne pas se précipiter, même si, bien sûr, le MEDEF vous invite à agir rapidement pour supprimer la trentaine d'articles du code du travail portant sur le droit individuel à la formation.

L'article 3 traite de la mobilité volontaire sécurisée, qui, en dehors de ce qui concerne les conditions d'ancienneté, ne diffère guère du dispositif du congé sabbatique, que nous souhaitions améliorer. Le projet de loi, transcrivant fidèlement l'accord du 11 janvier sur ce point, dispose que, après deux refus opposés par l'employeur à la demande de mobilité du salarié, l'accès au congé individuel de formation est de droit. Il nous paraît étonnant qu'une action de formation constitue la compensation offerte à un salarié qui a exprimé la volonté, non pas de se former, mais de quitter pour un temps son entreprise afin d'en rejoindre une autre. En outre, l'accès ouvert au salarié se voyant refuser une mobilité concerne-t-il le congé ou la formation ? Le salarié pourrait en effet utiliser un droit au congé sans suivre de formation. Ce dispositif nous semble donc pour le moins curieux.

Par ailleurs, il faut envisager le cas d'un salarié qui prend un congé de mobilité d'un an dans une autre entreprise et y rencontre des difficultés d'adaptation. S'il la quitte au bout de trois mois, que deviendra-t-il pendant les neuf mois restants, alors qu'il ne pourra bénéficier de l'assurance chômage ? Le texte ne permettant pas le retour anticipé dans l'entreprise d'origine, on ne voit pas en quoi il améliore le mécanisme du congé sabbatique.

Le projet de loi dispose que l'exécution du contrat de travail est suspendue pendant que le salarié travaille dans une autre entreprise. Un avenant au contrat de travail régit l'organisation de la période de mobilité. Mais comment pourra-t-il y parvenir, puisque le contrat de travail auquel il est attaché ne s'applique plus ? La rédaction du projet de loi mérite d'être reprise sur ce point.

À nos yeux, l'article 4 n'a pas d'autre objet que de raccourcir les délais de consultation des institutions représentatives du personnel. Il limite, de ce fait, les attributions économiques du comité d'entreprise. Si les délais ne sont pas fixés par la loi, ils pourront l'être par accord dans l'entreprise ou, à défaut, par un décret en Conseil d'État : en tout état de cause, ils ne seront pas inférieurs à quinze jours. Jusqu'à présent, ce délai commençait à la remise des documents par l'employeur. Mais, les élus du personnel ayant dorénavant accès aux documents par le biais d'une base de données, quel événement déclenchera le compte à rebours ? Dans le cadre de leur attribution économique, ce sont parfois des milliers de pages qui sont soumises aux comités d'entreprise. Certains risquent de ne plus être en mesure de remplir leurs missions en quinze jours.

L'article 4 nous pose également problème eu égard à la saisine du juge des référés. Il dispose que les membres élus du comité d'entreprise peuvent saisir le président du tribunal de grande instance. Or le code du travail confère les attributions économiques – dont la saisine du juge des référés fait partie – au comité d'entreprise, personne morale, et non à l'élu, personne physique. Le juge doit statuer dans un délai de huit jours. Imaginons qu'une procédure de consultation de quinze jours ait été lancée, le comité d'entreprise devra former la requête en référé dès le sixième jour pour obtenir sa décision avant la fin de la consultation. Mais sur quel objet le juge statuera-t-il ? Cette situation est porteuse de grandes difficultés et remet en cause l'accès effectif au juge, pourtant consacré comme principe général du droit.

J'ai évoqué la base de données. Elle opère un renversement de la responsabilité en matière d'information des institutions représentatives du personnel. La loi devrait préciser que c'est l'employeur qui procédera à la mise à jour de la base. Un comité d'entreprise pourra saisir le juge des référés pour réclamer les informations qui lui manquent, mais l'entrepreneur sera déresponsabilisé s'il a mal utilisé la base de données en n'y insérant pas l'ensemble des documents dont il disposait. D'ailleurs, la directive européenne 200214CE, qui établit un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs, affirme que les données doivent être transmises par l'employeur.

Le IV de cet article 4 traite des délais de l'expertise. Là encore, fixer les expertises comptables ou techniques par accord ou, à défaut, par décret en Conseil d'État ne nous semble pas heureux. Il n'est pas rare que les expertises comptables s'étalent sur des milliers de pages. Un accord conférant dix jours au comité d'entreprise pour élaborer un avis sur la base de tels documents ne lui permettra pas d'exercer sa responsabilité. Cela ne doit pas nous étonner, car le MEDEF a la volonté d'accélérer les procédures. L'alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 est ainsi remis en cause, puisqu'il pose le principe du droit à la participation des travailleurs à la gestion de l'entreprise. Le comité d'entreprise doit donc bénéficier du temps nécessaire pour exercer sa compétence.

Le secrétaire général de Force ouvrière a écrit à M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, au sujet du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Il attend toujours une réponse, qui risque de ne parvenir qu'après le vote de la loi. Nous nous sommes étonnés que le projet de loi comporte des dispositions sur ce crédit d'impôt – en matière d'information et de consultation –, alors que ce sujet ne figurait pas dans le document d'orientation. Au titre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, dite « loi Larcher », il aurait fallu que nous soyons sondés sur cette insertion ou, a minima, que le ministre en motive l'urgence.

Le texte remet également en cause le rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ceux-ci ont à connaître des questions de mutation technologique et de réorganisation, qui donnent lieu à la rédaction de documents pouvant comporter des milliers de pages. Sur des sujets essentiels qui touchent aux conditions de travail des salariés, le raccourcissement des délais, là encore à la demande du patronat, met en danger la procédure de consultation et de contrôle, et empêche le comité de remplir sa mission. Soyez très attentifs sur les délais !

J'évoquerai très rapidement la gouvernance des entreprises, car ce sujet ne nous paraît pas porteur pour changer les rapports de production dans l'entreprise. La protection des membres du conseil d'administration nous semble mieux assurée par le code du travail que par le code du commerce – je sais que M. Jean-Marc Germain doit vérifier ce point – et le projet de loi gagnerait à être précisé sur cette question. Les règles de procédure – délai de convocation et transmission des informations – ne sont pas clairement définies et donneront peut-être lieu à l'élaboration d'un décret.

L'article 6 prétend mettre en place un dispositif de droits rechargeables dans le cadre du régime d'assurance-chômage. En réalité, il ne s'agit que de reconnaître des pratiques mises en oeuvre depuis trente ans, et qui se nomment « réadmission » et « reprise de droits ».

L'article 7 pose les bases de la majoration des cotisations sociales des employeurs recourant aux contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée. FO et la CGT ont été les premiers syndicats, en 2004, à proposer une surtaxation des contrats courts. Elle nécessitait une habilitation législative qu'offre ce texte. Le législateur, garant de l'intérêt général, confie aux partenaires sociaux le soin de majorer ou de minorer les taux de contribution au regard des politiques de l'emploi. Mais en quoi taxer un CDD d'usage à 0,5 % et ne pas le faire pour un CDD de remplacement ou saisonnier répond-il à un motif d'intérêt général ? FO avait donc proposé de taxer l'ensemble des contrats. La distinction opérée sur les motifs de recours peut porter atteinte aux principes d'égalité de traitement et de liberté d'entreprendre. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Constitution consacrent cette dernière, et le Conseil constitutionnel garantit la liberté pour le chef d'entreprise de choisir ses collaborateurs. À l'occasion de la négociation de l'avenant à la convention d'assurance-chômage, nous soulèverons cette question dans le cadre de l'agrément.

L'article 8 sur le temps partiel pourrait être intéressant s'il prévoyait moins de dérogations. Il fixe certes une durée minimale hebdomadaire de travail de vingt-quatre heures, mais le salarié peut demander à abaisser ce seuil pour faire face à des contraintes personnelles. Certains accords de branche prévoient déjà ce type de mécanisme et on est frappé du nombre de femmes qui, dans certains secteurs, ont des contraintes personnelles les amenant à « accepter » des baisses contractuelles de leur horaire de travail. En outre, le texte prévoit que la dérogation à la durée minimale de vingt-quatre heures puisse s'effectuer par une convention, un accord de branche ou par le regroupement des horaires de travail du salarié sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes. Peut-on prévoir une dérogation à la dérogation ? Dans l'hypothèse où la loi établit la durée minimale à vingt-quatre heures et où un accord de branche la fixe à vingt-deux heures, le contrat de travail peut-il la porter à vingt heures ?

Les compléments d'heures constituent l'une des principales revendications de la Fédération des entreprises de propreté, sachant que la majorité des salariés du secteur du nettoyage sont employés à temps partiel. Si, dans son Livre bleu 2012, cette fédération professionnelle « souhaite que l'accès à plus d'heures de travail pour les salariés à temps partiel soit facilité », elle ne veut pas que cela coûte trop cher aux entreprises. Grâce au dispositif des compléments d'heures, les avenants au contrat augmentant la durée du travail pourront se multiplier, ce qui permettra aux entreprises de ne plus majorer le paiement des heures effectuées au-delà du temps initialement prévu. Autrement dit, à peine envisage-t-on une majoration que l'on met en place l'instrument qui permet de ne pas l'appliquer. Cela ne sera pas sans conséquence sur la rémunération des salariés.

L'article 9, consacré à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, précise que les comités d'entreprise sont informés et consultés « sur le fondement des orientations stratégiques de l'entreprise. » Pourquoi pas, tant qu'on y est, sur les « principes fondamentaux des orientations stratégiques » ? Il serait tout de même plus simple d'en revenir à « la stratégie ». Les négociations ne doivent pas porter sur cette stratégie mais sur ses conséquences sur l'emploi, les rémunérations, les compétences et la formation des salariés.

Selon l'article 10, « l'employeur engage tous les trois ans une négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise dans le cadre de mesures collectives d'organisation sans projet de licenciement ». Dont acte ! Il n'en demeure pas moins que le même article se termine par un alinéa consacré au licenciement des salariés qui refuseraient que leur soit appliqué l'accord issu de la négociation en question.

Par ailleurs, cet accord pose certains problèmes. Il peut d'abord s'appliquer pour une durée indéterminée. Il porte ensuite sur les limites imposées à la mobilité « au-delà de la zone géographique de l'emploi du salarié, elle-même précisée par l'accord ». Or nous estimons qu'il n'appartient pas à la négociation collective de déterminer cette zone. Un tel accord entrerait en contradiction avec les principes relatifs à la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle, énoncés dans la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), et dans l'article 27 de la Charte sociale européenne. Nous insistons sur le fait qu'il s'agirait d'une remise en cause de la vie privée des salariés et, en conséquence, d'un véritable nid à contentieux. Et la représentation nationale ne peut pas arguer de son incompétence pour laisser cette disposition en l'état, car l'article 34 de la Constitution fait du législateur le garant des droits fondamentaux dont relève le droit à la vie privée ! Il faut enfin évoquer la procédure de licenciement individuel pour motif économique dont le salarié qui refuserait une modification de son contrat pourrait faire l'objet si l'article L. 2242-23 était introduit dans le code du travail. Cette évolution ouvrirait, elle aussi, la voie à de nombreux contentieux car, selon nous, le refus d'une modification du contrat de travail ne peut pas être la cause d'un licenciement économique : pour utiliser cette procédure, l'employeur doit avancer une cause réelle et sérieuse reposant sur un motif économique.

Finalement, alors que les plans de sauvegarde de l'emploi doivent faire l'objet soit d'un accord collectif validé par l'administration, soit d'une décision unilatérale homologuée, l'article 10 prévoit la possibilité de licencier des salariés pour motif économique sans validation ni homologation. On risque de voir un grand nombre d'employeurs utiliser le dispositif de la mobilité interne pour licencier en s'exonérant du contrôle de légalité exercé par l'administration du travail.

L'article 11 pose les bases d'un nouveau régime d'activité partielle sur lequel nous parviendrons assez rapidement à un accord avec nos homologues.

L'article 12 crée une nouvelle catégorie d'accords d'entreprise : les accords de maintien de l'emploi. Vous connaissez l'enthousiasme de notre organisation pour ce type d'accord par lequel nous considérons que le patronat cherche à s'exonérer du plan de sauvegarde de l'emploi. Il reste que la représentation nationale ne peut passer outre la directive 9859CE du 20 juillet 1998 qui, dans son article 1er, définit les licenciements collectifs de façon très précise. Le non-respect de ce texte ne serait évidemment pas sans conséquences juridiques.

Une question relative aux délais se pose concernant l'encadrement des procédures de licenciements collectifs dont traite l'article 13. À défaut d'accord collectif majoritaire, la procédure de licenciement collectif devra faire l'objet d'une homologation par l'administration. Le cabinet du ministre du travail veut nous rassurer en rappelant qu'aux vingt et un jours donnés à l'administration pour se prononcer, il faut ajouter le nouveau délai préalable de deux mois, prévu pour la consultation du comité d'entreprise. Toutefois, durant cette première étape, l'administration ne pourra évidemment pas contrôler les éléments dont elle ne disposera pas avant la réunion du comité d'entreprise – comme ceux relatifs aux obligations de l'entreprise en matière de formation, d'adaptation ou de reclassement. Sachant que certains plans sociaux comportent quelques milliers de pages, il me semble irréaliste de ne lui accorder que vingt et un jours pour apprécier un plan unilatéral de licenciement collectif et exercer un contrôle de légalité.

La procédure accélérée de recours devant la justice administrative, créée à l'article 13, nous paraît également trop rapide. On nous fait remarquer que les mêmes délais s'appliquent en matière électorale, mais il nous semble que la situation n'est pas identique.

À l'article 14, relatif à la reprise de site, j'ai déjà signalé au rapporteur un problème rédactionnel. Plutôt que de considérer qu'une entreprise « envisage un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement », il serait préférable d'écrire qu'elle « envisage une fermeture d'établissement ayant pour conséquence un licenciement collectif ».

Nous ne sommes pas favorables à la « barémisation » de l'indemnité forfaitaire versée en cas d'accord consécutif à un litige relatif au licenciement, telle qu'elle est prévue par l'article 16. Cette disposition est susceptible de remettre en cause des principes internationaux, comme celui de réparation adéquate et intégrale du préjudice, résultant de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail. Elle porte aussi atteinte au principe général selon lequel le salarié ne peut pas concilier en dessous de ses droits, car le barème « fixé par décret en fonction de l'ancienneté » néglige évidemment de nombreuses autres composantes du préjudice éventuel.

L'article 16 réduit par ailleurs de trois à cinq ans le délai de prescription de l'action devant les conseils de prud'hommes en cas de non-paiement de tout ou partie du salaire. Cette disposition scandaleuse retire des droits aux salariés spoliés ; nous demandons en conséquence qu'elle soit supprimée.

À la demande de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), l'article 17 prévoit qu'un délai de un an sera accordé aux entreprises franchissant le seuil de 50 salariés « pour se conformer aux obligations récurrentes d'information et de consultation du comité d'entreprise. » On aura donc élu des représentants du personnel auxquels on demandera expressément de ne rien faire : le ridicule ne tue pas, même s'il fait parfois un peu mal ! En même temps que le patronat prétend adorer le dialogue social et le contrat collectif, il refuse que les représentants du personnel élus au comité d'entreprise exercent leurs attributions – et cela durera au moins neuf mois. Nous demandons la suppression de cette mesure, qui entre en contradiction avec le préambule de la Constitution de 1946, lequel dispose, dans son huitième alinéa, que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».

Des contrats de travail intermittents peuvent aujourd'hui être signés en cas d'accord de branche ou d'entreprise. L'article 18 met en place un dispositif expérimental afin qu'ils puissent être conclus sans accord collectif préalable dans les entreprises de moins de 50 salariés de certains secteurs d'activités « déterminés par arrêté du ministre chargé du travail » – l'annexe de l'accord du 11 janvier retient les trois secteurs de la formation, du commerce des articles de sport et des équipements de loisirs, et des détaillants de confiserie, chocolaterie, biscuiterie. Il nous semble que le champ ouvert est trop large : plutôt que de considérer l'ensemble d'un secteur, il faudrait préciser les emplois qui sont de nature à faire l'objet de ces contrats parce qu'ils comportent des périodes travaillées et d'autres qui ne le sont pas. Dans une chocolaterie industrielle, il faut faire la différence entre les activités de production qui sont par nature intermittentes – que l'on pense aux commandes de Noël ou de Pâques –, et les fonctions administratives ou commerciales de l'entreprise qui s'exercent en continu. Désigner un secteur tout entier créerait de telles différences entre des travailleurs exerçant le même métier selon l'entreprise qui les emploie qu'il serait porté atteinte au principe jurisprudentiel d'égalité de traitement entre les salariés.

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