Intervention de Olivier Gourbinot

Réunion du 20 mars 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Olivier Gourbinot, représentant France Nature Environnement, FNE :

Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir conviés à cette table ronde. FNE est une association déclarée d'utilité publique, représentative et agréée pour la protection de l'environnement. Elle fédère trois mille associations implantées sur tout le territoire français pour environ 850 000 adhérents.

Nous avons participé aux travaux de la commission présidée par M. Thierry Tuot, à qui nous savons gré de la qualité des débats qu'il a animés. Le dossier des gaz de schiste et les forages au large de la Guyane nous ont permis de constater que le code minier n'était pas entré dans le XXIe siècle. Les principaux griefs sont aujourd'hui identifiés sous la forme d'une triple absence : absence de transparence car, malgré la loi interdisant la fracturation hydraulique, il est difficile de connaître les objectifs de certains permis, notamment en Île-de-France où l'on explore actuellement la roche-mère ; absence d'évaluation des impacts, ainsi les forages pétroliers en eaux profondes au large de la Guyane ont-ils été réalisés sur la base d'une simple notice d'impact, procédé inconcevable au vu des conséquences de l'accident de la plateforme Deepwater Horizon ; absence totale de participation du public.

Le cas du permis « Limonade » de Guyane montre que le Gouvernement n'est pas en mesure de refuser une concession d'exploitation dans un parc national et sur un territoire exclu par la planification minière locale.

Depuis longtemps déjà, nos associations fédérées ont pu constater que le code minier avait du mal à régler les problèmes de l'après-mine. Ces difficultés sont source d'insécurité juridique et obligent le Gouvernement à suspendre l'instruction de nombreuses demandes.

Soyons clairs : si l'ambition est de promouvoir la « mine propre » du XXIe siècle, il faudra totalement réformer une législation qui ne doit plus avoir comme seul objectif de favoriser l'activité des industriels. Pour FNE, le futur code devra avant tout garantir la transparence des projets miniers et promouvoir des procédures de participation ambitieuses.

En ce qui concerne la transparence, il ne s'agit pas de compliquer à outrance les procédures, mais de garantir une information complète le plus en amont possible. C'est pourquoi nous sommes défavorables au maintien d'une distinction totale entre permis et travaux miniers. Si elle devait perdurer, des permis seraient encore délivrés sans que l'on connaisse les travaux et les technologies employés. Nous ne devons plus accepter cela.

La solution n'est pourtant pas si complexe. Au moment de la demande d'exploration, les gisements sont potentiels. À ce stade, le public doit avoir connaissance des différents types de produits espérés, des techniques disponibles ainsi que des risques – avérés et potentiels – pour la santé et l'environnement. Au moment de la demande d'exploitation, les gisements ainsi que les techniques et travaux nécessaires à leur exploitation sont identifiés : l'information est disponible et le public doit être informé de l'ensemble des conséquences du projet pour le territoire.

L'industrie minière doit comprendre que la transparence des projets est le préalable nécessaire à la sécurité juridique et à la réduction du nombre des recours contentieux.

J'en viens à la participation. Trop souvent la participation du public est présentée comme le moyen d'obtenir l'adhésion des populations. Nous combattons cette vision qui laisse entendre que les citoyens, les élus locaux et les ONG ne sont pas en mesure de comprendre et d'améliorer les projets qui les concernent directement. Si vous faites le pari de l'intelligence collective, seules les procédures de participation sont en mesure d'assurer un haut niveau de protection de l'environnement et de garantir l'intérêt des populations dans les projets miniers.

La Constitution impose une participation du public pour chaque décision présentant une incidence environnementale. La quasi-totalité des décisions, de l'exploration à la fin de l'après-mine, devra donc faire l'objet d'une procédure proportionnée. Concrètement, il ne s'agit pas d'alourdir ou de ralentir les dossiers, mais de prévoir une procédure simplifiée lorsque les enjeux sont faibles et une procédure renforcée lorsque les enjeux sont élevés. Sur ce point, les propositions de M. Thierry Tuot apparaissent tout à fait pertinentes.

En ce qui concerne les autorisations les plus importantes, l'idée de confier l'organisation de la participation du public à une instance indépendante semble être, sur le principe, une solution innovante, que notre fédération soutient. La composition de cette instance devra refléter les enjeux qui président à la délivrance des autorisations prévues par le code. Les associations de protection de l'environnement qui composent le mouvement FNE, compte tenu de leur connaissance des territoires et de leurs compétences en matière de protection de la biodiversité, de l'eau, de l'air ou du sol, auront nécessairement un rôle à jouer. Une telle instance permettra en outre aux décideurs locaux – élus et filières industrielles – d'évaluer les conséquences économiques et sociales de la mine sur le développement durable des territoires et d'adapter les politiques publiques en matière d'emploi. En effet, si la mine suppose la construction d'infrastructures pour accueillir les personnes qui viendront y travailler, elle peut aussi porter atteinte aux filières touristiques ou agricoles locales.

Évaluer les conséquences des activités minières est complexe. Vous en conviendrez certainement : il n'est pas aisé d'apprécier les risques liés à la fracturation hydraulique, à la géothermie profonde ou aux forages en mer ultra-profonds. Il n'est pas plus facile d'affirmer que l'exploitation des gaz de schiste est pertinente du point de vue économique ou que la géothermie profonde est une énergie d'avenir. Là encore, si nous voulons réduire les contentieux, il faudra promouvoir une évaluation apaisée des impacts environnementaux, économiques et sociaux, et rétablir la confiance. Le nouveau code devra prévoir la possibilité pour le public de demander des expertises contradictoires financées par l'industriel qui sollicite le permis.

Pour que la participation conserve son intérêt, il faudra supprimer le droit automatique à exploiter dont bénéficie le titulaire du permis de recherche. La participation ne peut se limiter à la demande d'exploration, car ses conséquences sont incertaines. Nous n'accepterons pas qu'entre l'exploration – qui peut durer quinze ans – et l'exploitation, l'État, les collectivités territoriales et le public perdent tout pouvoir d'appréciation. À l'inverse, dans l'hypothèse où la collectivité décide d'exploiter un gisement, il doit être réservé à l'industriel qui a investi pour le découvrir.

Les activités minières bénéficient de règles particulières en raison de l'intérêt stratégique qu'elles présentent pour l'industrie nationale, la politique énergétique et plus généralement les intérêts de la Nation. Pour nous, l'intérêt stratégique d'un projet doit, au même titre que ses enjeux environnementaux, faire l'objet d'une évaluation partagée. Dans ce cadre, nous soutenons le principe d'un schéma national d'exploitation minière. Celui-ci devra faire l'objet d'une élaboration partagée, être compatible avec les politiques environnementales locales, notamment les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, se fonder sur les besoins de l'industrie et respecter les conclusions du débat sur l'énergie. S'agissant des mines d'hydrocarbures, les enjeux du réchauffement climatique doivent être au centre du débat.

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