Intervention de Anne-Gaëlle Verdier

Réunion du 20 mars 2013 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Anne-Gaëlle Verdier, représentante du WWF :

Je suis ravie et honorée, au nom du WWF, de participer à cette table ronde. Cela va me permettre de rendre compte des propositions défendues au sein du groupe de concertation informel sur la réforme du code minier animé par le conseiller d'État Thierry Tuot. Si le WWF a été invité à y participer, c'est qu'il est très mobilisé sur les questions minières outre-mer, plus particulièrement en Nouvelle-Calédonie et en Guyane.

La Nouvelle-Calédonie possède d'importantes ressources en nickel et disposerait, en outre, de nodules polymétalliques. Ce territoire dispose déjà d'un code minier et d'un schéma de mise en valeur des richesses minières. Il n'est pas concerné par la réforme du code minier métropolitain, cette compétence relevant du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Il serait néanmoins souhaitable de veiller à une certaine harmonisation des législations.

La Guyane concentre toutes les richesses aurifères nationales et disposerait de ressources pétrolières au large de ses côtes. Le WWF France s'est investi depuis plusieurs années dans ce département, notamment dans la lutte contre l'orpaillage illégal qui, je le rappelle, constitue le premier facteur de dégradation environnementale sur le Plateau des Guyanes et occasionne pollutions de l'eau et déforestation, avec les conséquences sociales, sanitaires et économiques que l'actualité ne cesse de rappeler. Nous nous impliquons aussi dans une démarche de limitation des impacts environnementaux en plaidant pour l'existence d'exploitations légales, propres et responsables.

C'est dans ce cadre que la réforme du code minier souhaitée par l'État français, qui entend s'assurer de sa conformité avec la Charte de l'environnement, prend tout son sens.

Nous partageons les préoccupations évoquées par les précédents intervenants. Pour ma part, je souhaiterais revenir sur trois aspects de la réforme qui concernent plus précisément les territoires d'outre-mer.

La réforme du code minier, présentée en conseil des ministres le 6 février dernier, reprend la proposition d'un schéma national de valorisation du sous-sol qui déterminerait les priorités, les techniques et les limites de l'exploitation des substances minières. Cette démarche nous semble extrêmement importante car elle pose les principes de la politique minière et interroge l'intérêt même de l'exploitation des ressources minérales. À l'heure de la nécessité d'un changement de modèle énergétique, cette question cruciale doit faire l'objet d'un véritable débat national et trouver sa déclinaison dans chaque territoire. Si la Guyane est dotée depuis 2012 d'un SDOM dans l'élaboration duquel nous nous sommes impliqués, elle ne dispose pas de schéma minier marin, ce que prévoyait pourtant l'article 56 de la loi relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. En l'absence de connaissances fiables et approfondies sur les ressources marines, nous sommes conscients de la difficulté d'établir un tel document et de la nécessité de procéder à un inventaire des ressources. Cela étant, comment expliquer que des autorisations d'exploration – donc d'exploitation – aient été délivrées, faisant fi du principe de prévention pourtant intégré dans la Charte de l'environnement et sans étude d'impact fiable ? Des études sismiques ont été réalisées récemment au large de la Guyane sans que la moindre mesure d'atténuation ait été mise en place et sans respecter le calendrier de migration de certaines espèces marines, pourtant emblématiques et vulnérables !

La présence et le développement d'activités minières ne doivent pas altérer les engagements relatifs à la gestion durable des ressources. Les politiques publiques de préservation de l'environnement sont élaborées à différentes échelles territoriales, telles les SDAGE ou les SAR (schémas d'aménagement régionaux). Certaines sont prévues par la loi – je pense à la loi de 2006 réformant le statut des parcs nationaux – voire par le droit européen avec la loi-cadre sur l'eau. Ces politiques ne peuvent être menacées par le droit minier, qui doit respecter l'intégrité des territoires reconnus comme essentiels. Il serait donc normal d'interdire l'exploration et l'exploitation sur tout espace faisant l'objet d'une protection réglementaire.

En ce qui concerne la répartition des compétences, il a été rappelé que les richesses du sol et du sous-sol constituent un bien commun de la Nation et que le code minier vise à réguler l'exploitation d'une ressource minérale d'intérêt national, voire stratégique. C'est donc à l'État qu'il revient d'assumer la responsabilité de la décision politique et de la délivrance des titres, en y associant naturellement les collectivités locales et la société civile. Nous faisons nôtre la proposition de nos collègues du FNE de participer à l'instance indépendante chargée d'évaluer l'intérêt du projet minier.

Il existe, en Guyane, une commission départementale des mines qui a vocation à informer et consulter les élus locaux, les professionnels et les représentants de la société civile sur l'attribution des titres miniers. Malheureusement, cette instance n'est pas encore le lieu d'un débat sociétal équilibré dans la mesure où un certain nombre de parties prenantes ne sont pas associées – communes, aires protégées, représentants coutumiers – et parce qu'elle ne dispose que d'un pouvoir consultatif.

Un transfert de la compétence en matière de délivrance des titres miniers au profit des régions poserait un problème eu égard aux compétences des services de police ; il romprait l'homogénéité nécessaire dans le processus décisionnel car la gestion de l'espace souterrain est partagée entre plusieurs activités. La police de l'eau, par exemple, peut intervenir sur ce qui relève du sous-sol, mais la compétence en la matière est exercée par l'État. Confier les polices de l'eau et des mines à des autorités différentes pourrait être préjudiciable à l'activité et à la sécurité.

Si les ressources minières constituent un bien national, il est logique que la Nation, aux niveaux central et décentralisé, bénéficie d'une partie des recettes d'exploitation. Si, comme l'indiquait la ministre de l'écologie, il est effectivement nécessaire de « revoir la fiscalité minière afin de permettre une meilleure répartition des produits fiscaux », nous soutenons la proposition de la commission Tuot de redevances territorialisées, adaptées aux projets miniers, qui tiennent compte des externalités induites par l'exploitation et l'après-mine. Nous proposons la mise en place de fonds de compensation écologique, à l'échelle des territoires, destinés à financer les organismes d'expertise scientifique ou environnementale impliqués dans la réhabilitation de sites ou le développement de projets de développement durable.

La réforme du code minier doit être l'occasion d'interroger à nouveau notre modèle de développement énergétique en veillant à minimiser nos besoins d'extraction et à réduire la pression qui s'exerce sur nos ressources, dans un souci de préservation de l'environnement et en impliquant le plus grand nombre d'acteurs dans le processus décisionnel.

Je ne reviendrai pas sur la polémique Rexma, mais le fait que le permis ait été accordé est révélateur de l'obsolescence d'un code minier qui ne s'est pas adapté aux évolutions de la société et de la législation. Aucun des trois piliers de l'intérêt général invoqués pour évaluer l'intérêt d'un projet n'a été respecté : ni les exigences environnementales, ni l'intérêt national puisque ce permis est incohérent avec les politiques publiques de ce territoire et que le projet de développement économique est transitoire, ni l'intérêt de la Guyane puisque plusieurs élus, dont certains membres de cette commission, se sont élevés contre cette décision. C'est pour éviter ce type de situation et pour « repenser le droit minier dans l'éclairage de la Charte de l'environnement », pour reprendre les termes de Me Gossement, que cette réforme nous paraît fondamentale.

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