Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 23 janvier 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Lundi dernier, lorsque quelques-uns d'entre nous ont été reçus par le Premier ministre, j'ai tenu à dire que, compte tenu de la gravité des événements du Mali, l'opposition était solidaire de la décision du chef des armées. Nos soldats étant engagés en première ligne et la décision d'intervenir ayant été prise sous la pression de l'urgence, nous n'avons aucunement l'intention de diviser la nation – ce serait en effet envoyer un message désastreux aux terroristes que de leur donner le sentiment d'un pays divisé.

Cela dit, nous avons aussi le devoir démocratique de poser la question des objectifs poursuivis et de veiller à ce qu'ils soient clairement définis et réalistes. Ils ont été annoncés dès le premier jour par le Président de la République et par le Premier ministre, puis confirmés par vous-même et par votre collègue de la défense : il s'agit de briser l'avancée des forces terroristes vers le sud, de reconstituer l'intégrité territoriale du Mali, de faire en sorte que la MISMA puisse opérer et d'aider à la reconstruction d'un pays en état de très grande faiblesse puisque, depuis un an, il n'est gouverné que par des équipes transitoires, qui plus est chahutées par un capitaine putschiste.

Du point de vue diplomatique, je ne peux que constater la très grande solitude de notre pays dans l'action qu'il a entreprise. Le soutien total de l'Allemagne, évoqué à l'instant par notre présidente, se limite aux mots. Quant à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO), elle ne peut fournir que très peu de forces et, depuis un an que nous discutons de ce qu'il faut faire pour former et armer ces soldats, on en est resté aux prémices. Je n'ai d'autre part noté aucune initiative de la part de notre pays afin d'activer les mécanismes d'entraide et les moyens logistiques de l'OTAN, ni vu que le Président de la République ait proposé la réunion, en urgence, d'un sommet des pays de l'Union européenne afin de placer chacun d'entre eux devant ses responsabilités.

À ce propos, je précise qu'avec mes collègues Axel Poniatowski et Thierry Mariani, je déposerai une proposition de résolution afin d'ouvrir le débat sur ce sujet au niveau de l'Union. Lorsqu'un État membre intervient pour défendre, non les intérêts de la « Françafrique », mais bien ceux de l'Europe, il est inacceptable qu'il se retrouve absolument seul à verser le sang et à dépenser de l'argent, surtout à un moment où d'aucuns sont prodigues de leçons de solidarité, notamment en matière financière. La solidarité doit prévaloir également en matière de défense, et c'est à quoi tend notre proposition qui sera, je l'espère, signée par de nombreux collègues.

Au-delà des mots, les moyens européens mis à la disposition de la France sont donc extrêmement faibles. Le soutien politique est certes réel mais, s'agissant de la conduite des opérations ou des moyens logistiques, militaires et financiers, le moins que l'on puisse dire est que nous nous trouvons, je le répète, dans une grande solitude.

Si donc nous pouvons comprendre la décision urgente qui a été prise, nous comprenons beaucoup moins que des responsables allemands puissent nous affirmer qu'ils n'auraient été prévenus que la veille de l'opération sans avoir jamais été consultés. Plusieurs collègues du Bundestag m'ont assuré qu'ils étaient prêts à discuter de l'aide de l'Allemagne, mais ils souhaiteraient en savoir plus quant à nos objectifs.

J'en reviens ainsi à la question que j'avais abandonnée : ces objectifs sont-ils clairement définis et peuvent-ils être atteints avec le niveau d'engagement qui est le nôtre ? Comptez-vous réunifier le Mali, pays deux fois et demie plus vaste que la France, avec seulement 2 500 hommes ? À supposer que nous reprenions Tombouctou, Gao et Kidal, qui parviendra à tenir ces villes alors que l'État malien est défaillant ? Voilà le type de questions que nos partenaires se posent et qui expliquent qu'ils ne se bousculent pas pour nous aider.

Enfin, qu'en est-il des réactions dans le monde arabo-musulman et de la façon dont cette intervention y est vécue et expliquée ? Mme la présidente Élisabeth Guigou a évoqué la Tunisie mais on peut également songer à une déclaration assez hostile de l'Organisation de la coopération islamique (OCI)…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion