Je partage votre inquiétude sur la négociation relative à la qualité de vie au travail et à l'égalité professionnelle (QVTEP). Mais l'un n'empêche pas l'autre, et il me semble que le sujet de l'égalité professionnelle devrait être à la fois traité spécifiquement et intégré dans les textes de portée plus générale. En effet, l'égalité professionnelle doit fait l'objet d'une vigilance particulière ; sinon, elle risque de devenir invisible. C'est bien ce que je reproche à l'ANI, qui n'en fait même pas mention.
Cet accord lutte-t-il contre la précarité ? Nous considérons, à Force ouvrière, que la question n'est pas suffisamment ni correctement traitée – je pense tout particulièrement aux dérogations qui sont prévues. De ce fait, la situation des femmes ne devrait pas beaucoup s'améliorer.
Cela m'amène à vous indiquer que quatre organisations syndicales participant à la négociation QVTEP – j'y interviens en tant négociatrice – se sont mises d'accord sur une plate-forme où figurent les questions que l'ANI n'a pas abordées comme elles l'auraient souhaité.
Nous demandions, entre autres, de contrôler le recours au temps partiel. Comme pour les CDD ou le travail en intérim, les organisations syndicales devraient pouvoir saisir l'inspection du travail pour usage abusif du travail à temps partiel.
S'agissant du passage à temps plein des personnes à temps partiel, nous souhaitions aller plus loin : la priorité d'accès à un emploi à temps plein pour les salariés à temps partiel, qui est inscrite dans le code du travail, doit devenir une réalité. Cela passe par une meilleure information, notamment des institutions représentatives du personnel (IRP). Or l'accord se contente de proposer un poste différent au salarié qui souhaite passer à temps plein.
Les questions relatives à l'adaptation de la charge de travail – rythme, amplitude horaire, délais de prévenance, temps de trajet – seront reprises dans le cadre de la négociation QVT.
S'agissant des cotisations vieillesse, nous souhaitions aller plus loin en instaurant un complément de cotisation vieillesse pour les salariés à temps partiel.
Nous souhaitions que l'on accorde à tous un accès égal au droit à la formation – 20 heures de droit individuel à la formation (DIF) – quelle que soit la quotité de temps de travail.
J'en viens à votre deuxième question : « Fallait-il aller au-delà de la taxation des CDD en établissant une cotisation patronale progressive sur les contrats à temps partiel ? Cela faisait-il partie de vos revendications initiales ? »
Non, ce n'était pas une revendication de Force ouvrière. Nous avions d'autres façons d'aborder le sujet, comme le contrôle du recours au temps partiel. Nous avons dit par ailleurs que cela ne changerait rien pour le salarié lui-même, même si cela pourrait peut-être, à long terme, modifier les comportements.
Troisième question : « Que pensez-vous des nouvelles mesures d'encadrement du temps partiel et sont-elles susceptibles de modifier les pratiques en cours ? »
Ce n'est pas du tout certain ; nous aimerions le croire, mais nous craignons plutôt que cela ne les légalise. Par exemple, l'obligation de faire travailler les salariés à temps partiel au moins 24 heures par semaine sera contournée par le biais des dérogations. Dans de nombreuses situations, on sera en dessous des 24 heures – contrats en cours, etc.
Dans le cadre de la négociation QVT, nous reprendrons les cas où la durée hebdomadaire de travail est inférieure à 24 heures. Il arrive en effet que les travailleurs concernés se trouvent, de ce fait, sans protection sociale ni possibilité d'obtenir des indemnités journalières. La réponse à cette situation n'a pas été prévue.
Nous ne pouvons pas vous répondre sur les négociations de branche qui seront engagées dans les entreprises employant de nombreux salariés à temps partiel, mais nous allons y regarder de plus près. Je vous signale par ailleurs que les conditions de négociation changeront après le 29 mars, date à laquelle sera dévoilée la réforme de la représentativité syndicale. Ceux qui auront accès à la table de négociation ne seront pas forcément les mêmes. Je remarque enfin que certaines branches avaient déjà négocié ou commencé à négocier.
Quoiqu'il en soit, nous aurions souhaité que le seuil de 24 heures soit incontournable et qu'on en fasse une mesure d'ordre public.
À votre question « Que pensez-vous du nombre d'avenants au contrat de travail « compléments d'heures », nous répondons que cette possibilité de signer des avenants est très négative. D'après nos calculs, elle n'améliorera pas la rémunération des heures complémentaires. L'introduction de cette mesure répond d'ailleurs à la demande d'une fédération patronale.
Vous évoquez le délai de prévenance ; sur ce sujet et à ce stade, nous n'avons rien de particulier à apporter au texte.