Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 20 mars 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, je vais donc vous présenter les grandes lignes de notre rapport, en vous priant d'excuser Mme Neuville, retenue en commission des Affaires sociales.

Nous avons souhaité dans un premier temps montrer que la situation des femmes sur le marché du travail n'est pas satisfaisante : en effet, les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes persistent malgré les législations adoptées.

Le premier point à considérer est l'écart des salaires. Si l'on regarde les écarts de salaires tous temps de travail confondus, donc sans transformer les salaires du temps partiel en équivalent temps complet, les femmes ont une rémunération inférieure de 27 % à celle des hommes. C'est ce dernier chiffre – l'écart total – qui s'est imposé dans le débat public.

Pour expliquer ce différentiel, différents facteurs peuvent jouer comme le temps partiel, la qualification, l'expérience comme cela est détaillé dans le rapport. Finalement, la discrimination pure porterait sur 6 ou 7 % de l'écart. Si l'on considère maintenant différents indicateurs, tous vont dans la même direction. Chômage, temps partiel, retraites, taux de précarité : les femmes sont plus souvent en situation de précarité que les hommes. Vous prendrez connaissance des statistiques dans le rapport.

Un troisième phénomène témoigne de la persistance des inégalités, il s'agit de la ségrégation professionnelle. Les métiers majoritairement féminins emploient fréquemment des personnes à temps partiel, dont la rémunération est moindre. Ces emplois « féminins » correspondent à des emplois peu qualifiés et de niveau hiérarchique très limité.

L'emploi à temps partiel est majoritairement féminin : en 2010, selon l'Insee, on compte en France 3,7 millions de femmes à temps partiel contre 870 000 hommes. Le temps partiel est donc à 80 % une forme d'emploi « au féminin ». Sur l'ensemble de la population active féminine, la part des femmes à temps partiel atteint 30 %, celle des hommes 6 %. Les emplois à temps partiel sont des emplois peu qualifiés et donc faiblement rémunérés. Ils se caractérisent le plus souvent par des horaires atypiques et instables.

Le temps partiel n'est pas seulement pénalisant en termes de rémunération. Il pénalise également le déroulement de la carrière et fait obstacle à l'accès aux postes à responsabilité. Enfin, le travail à temps partiel exerce aussi un effet retard sur les retraites.

J'en viens maintenant au projet de loi sur la sécurisation de l'emploi.

La grande conférence sociale de juillet 2012 a symbolisé un nouvel état d'esprit dans la conduite des réformes et des relations sociales : privilégier la confiance et le dialogue avec les acteurs sociaux. Les négociations se sont révélées intenses et frôlant parfois la rupture. L'aboutissement en est l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2013 signé par trois centrales syndicales : la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et par le patronat.

De fait, le projet de loi qui transcrit cet accord, comporte des dispositions novatrices qui bénéficieront aux femmes.

Tout d'abord, l'article 7 du projet de loi pose le principe d'une modulation des cotisations au régime d'assurance chômage en fonction de la nature du contrat de travail, de sa durée, du motif de recours, ou encore de l'âge du salarié ou de la taille de l'entreprise. L'enjeu est le renchérissement des contrats à durée déterminée (CDD) de courte durée pour l'entreprise, responsables de la majeure partie de l'augmentation de la part des embauches en CDD au cours des dernières années, et dont les femmes sont souvent les victimes.

Ensuite, les partenaires sociaux ont décidé que le contrat à durée indéterminée conclu pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans serait exonéré de cotisations patronales d'assurance chômage. Vos rapporteurs se félicitent de cette importante mesure mais regrettent que la modulation des cotisations patronales ne s'applique pas aussi à l'embauche de salariés à temps partiel.

L'article 8 du projet de loi encadre le travail à temps partiel en vue d'améliorer significativement la situation des salariés concernés. Les branches professionnelles qui recourent structurellement au temps partiel auront l'obligation de négocier, afin de renforcer le rôle des partenaires sociaux dans l'organisation des modalités d'exercice du temps partiel. Vos rapporteurs estiment cependant que, s'il est légitime que les règles en matière d'organisation du travail relèvent de la négociation, il conviendra de rester vigilant quant à leur impact sur les salariés concernés. Il conviendra de faire l'évaluation de ces accords dans trois ans.

Le projet de loi réalise une avancée majeure en instituant une durée d'activité minimale hebdomadaire de vingt-quatre heures. Une exception est néanmoins prévue pour les salariés âgés de moins de 26 ans et poursuivant leurs études.

Le projet de loi introduit une rémunération majorée de toutes les heures complémentaires, de 10 % minimum dès la première heure. Vos rapporteurs se félicitent de cet encadrement plus strict de l'emploi à temps partiel qui améliorera la condition des salariés. Ils regrettent néanmoins que, conformément à la proposition de loi que j'ai présentée en 2011, on n'ait pas prévu que la prime de précarité versée au départ d'un salarié à durée déterminée soit majorée lorsque celui-ci était à temps partiel. Cette dernière proposition nous paraît devoir faire l'objet d'une recommandation.

Enfin, nous estimons, ainsi que l'avait déjà souligné la délégation en juillet 2011 dans ses travaux sur le temps partiel, qu'il conviendrait de renforcer la priorité d'embauche des salariés à temps partiel sur des postes équivalents temps complet prévue à l'article L. 3123-8 du code du travail.

Le présent projet de loi, outre la « taxation » des CDD et l'encadrement plus strict du temps partiel, comprend d'autres dispositions qui visent à ouvrir des droits supplémentaires aux salariés. Je n'y reviendrai pas ici, ayant axé cette présentation sur les articles dont la délégation s'est saisie.

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