Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement revêt une importance particulière car il reflète la gestion des comptes publics de la précédente majorité de droite. Même si cela relève de l'évidence, nous devons, pour la clarté des responsabilités, le répéter : la droite est entièrement responsable de la gestion des comptes pour 2011. C'est pourquoi vous me permettrez d'évoquer la gestion de l'ancienne majorité et la politique menée depuis dix ans, plutôt que de présenter nos propositions, ce que je ferai dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques.
Il ne s'agira pas pour moi de m'en tenir à une analyse théorique mais de lire ce bilan à l'aune de ce que vivent les Français. Évoquer le passé permet de mieux préparer l'avenir : il faut connaître les erreurs qui ont été commises pour ne pas les répéter. Il est indispensable de se pencher sur les erreurs de gestion des comptes publics de la droite, vu la situation qui nous est léguée.
Celle-ci est bien plus dégradée que celle dont a hérité, en 2007, la précédente majorité de droite. Nous devons en effet supporter un déficit plus de deux fois supérieur à celui de 2006. Voilà une réalité que personne ne peut contredire !
Vous connaissez tous les chiffres. L'encours de la dette publique a doublé en dix ans, passant de 853 milliards d'euros à 1 717 milliards d'euros. Vous me permettrez de citer ici un célèbre personnage natif de Château-Thierry, le fabuliste Jean de la Fontaine, dont les vers sont plus que jamais d'actualité : « La cigale ayant chantéTout l'étéSe trouva fort dépourvueQuand la bise fut venue:Pas un seul petit morceauDe mouche ou de vermisseau. » Oui ! À l'instar de la cigale, vous avez chanté, dix ans durant, et distribué vos nombreux cadeaux fiscaux financés à crédit.
Rappelons quelques chiffres que certains ont en tête, et que d'autres feignent d'ignorer. En 1993, lorsque M. Balladur est devenu Premier ministre, la dette de notre pays était de 44 % ; elle a été portée en 1997 à plus de 60 % ; la gauche plurielle l'a ramenée à 58,5 % en 2002 ; en 2007, elle est passée à 65,5 % ; elle atteint désormais, comme cela a été dit et répété, près de 90 % du PIB !
Non, cette dérive des comptes publics n'est pas uniquement le fait de la conjoncture économique, de la crise que nous n'ignorons pas. Mais la crise à elle seule ne peut tout expliquer et encore moins justifier les erreurs de gestion. Pour exemple, sur les 140 milliards de déficit en 2010, seuls 40 milliards étaient, selon la Cour des comptes, de nature conjoncturelle. Les 100 milliards restants provenaient d'un déficit structurel.
Le dernier quinquennat a été marqué par une volonté politique de faire des cadeaux à une clientèle bien ciblée et à sédentariser des impacts en matière de gestion des comptes publics. Je ne reviendrai pas sur le paquet fiscal de juillet 2007, puisque beaucoup a été dit et que des membres de la majorité d'hier reconnaissent en partie leurs erreurs.
La maîtrise des finances publiques était déjà une nécessité. Le rapport Pébereau de 2005 préconisait de « ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la période de retour à l'équilibre ». Vous étiez avertis, mais vous avez fait fi de toutes les règles de bonne gestion, et vous nous laissez une situation des plus compliquées !
Qu'avez-vous donc choisi de faire au lieu de maîtriser les comptes publics ? Vous avez préféré réduire les impôts sur les successions et les donations dès 2007. Nous sommes contre cette politique quand elle amalgame toutes les situations sans faire de distinction. Nous, les radicaux de gauche, faisons la différence entre ceux qui héritent d'un patrimoine qui leur donne le privilège d'en être rentier jusqu'à l'indécence et ceux qui héritent d'un bien modeste, fruit du labeur de leurs parents, qui souvent leur coûte plus qu'il ne leur rapporte, mais dont la valeur est d'abord sentimentale parce que rattachée au souvenir des peines qui y sont liées.
Quand nous considérons que l'impôt sur les successions doit jouer un rôle primordial dans la réduction des inégalités, nous avons cela présent à l'esprit. L'objectif de tout État républicain est de réduire les inégalités de naissance, en privilégiant le mérite plutôt qu'une situation héritée. Le mérite doit l'emporter sur la rente, sans quoi toute société est vouée à péricliter, à se désagréger, à ne plus aller de l'avant et à ne plus innover.
Vous avez choisi d'introduire un bouclier fiscal, afin, comme vous nous l'avez vendu, « de ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État ». Vous avez reconnu un peu tard votre erreur, mais cette erreur a coûté cher et coûte toujours cher à l'État, donc aux Français.
Du reste, vous saviez pertinemment qu'il était impossible avec les seuls revenus du travail d'atteindre la limite du bouclier fiscal. Votre bouclier avait pour seul objectif de favoriser la rente !
Vous avez ensuite choisi de supprimer ce bouclier, mais avec comme contrepartie un allégement très important de près de 2 milliards d'euros de l'impôt de solidarité sur la fortune. Habile manoeuvre politique pour détricoter l'ISF, que vous considérez comme un impôt obsolète.
Ce n'est pas notre vision à gauche et chez les radicaux de gauche. Répétons-le : l'ISF, en tant qu'impôt déclaratif avec des bases révisées annuellement, est un impôt moderne sur lequel nous nous appuierons pour bâtir un système fiscal plus juste et plus progressif, un système qui privilégie le travail au détriment de la rente ! Admettez, chers collègues de droite, que dans une période d'explosion des revenus du patrimoine, alléger l'ISF n'a pas été un choix très judicieux…
Je ne reviendrai pas sur toutes les décisions injustes socialement et inefficaces économiquement que vous avez prises lors de la précédente législature, tout le monde les connaît : allégements de charges sur les heures supplémentaires, TVA à taux réduit dans la restauration, hausse de la TVA…
Le rapporteur général, Christian Eckert, dans son rapport, pointe quatre mesures qui grèvent nos finances, quatre mesures qui prouvent votre difficulté à gérer sereinement un budget, quatre mesures qui ont accru fortement l'endettement public. Rappelons-les : la loi TEPA, votre boulet fiscal, pour un coût de plus de 11 milliards ; le taux réduit de TVA dans la restauration, pour plus de 3 milliards, avec une incidence minime en matière d'emplois ; la réforme de la taxe professionnelle, qui a coûté plus de 8 milliards en 2011 et qui pourrait entraîner une dépense de l'ordre de 7 milliards en régime de croisière.
Je demande à M. Mariton en quoi la réforme de la taxe professionnelle est une réussite. Pour l'investissement ? Je le souhaiterais. Pour l'emploi ? Je le souhaiterais aussi. Mais elle est un exemple de transfert de la fiscalité sur les ménages. Elle a étranglé les finances des collectivités territoriales. Les PME, les artisans et les commerçants se sont vu taxer avec la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Voilà la réalité sur la taxe professionnelle !
Quant à la réforme de l'ISF de 2011, elle ne devrait pas être équilibrée mais financée, une nouvelle fois, par une hausse de l'endettement.
Ainsi vous nous léguez une ardoise de plus de 20 milliards d'euros par an. Avouez-le, mes chers collègues, ce bilan n'est pas reluisant. Nos choix en termes de recettes ne seront pas les vôtres, et nous nous engageons à revenir sur vos mesures les plus injustes et les plus inefficaces.
En matière de dépenses publiques enfin, notre façon de faire ne sera pas non plus la vôtre. Vous avez pratiqué une gestion purement mécanique au détriment de toute vision politique et prospective. Très rarement ont été pris en compte dans vos paramètres de gestion les critères d'égalité devant le service public, d'égalité territoriale ou de cohésion nationale.
Ne vous en déplaise, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, l'héritage que vous nous laissez est en piteux état. Jamais dans l'histoire de la Ve République nos finances publiques n'avaient connu un tel état de délabrement !
Nous, radicaux de gauche, prendrons en compte la dimension humaine et territoriale dans nos choix de gestion des services publics et de la dépense publique. Nous savons en effet que, dans un contexte difficile, marqué par le chômage, la pauvreté, mais aussi par le recul du vivre-ensemble et de la fraternité, la cohésion sociale ne peut être maintenue que grâce à des mesures sociales justes.
Aujourd'hui plus que jamais, il faut donc demander plus à ceux qui ont beaucoup, pour donner plus à ceux qui n'ont pas grand-chose. Nous faisons confiance au nouveau gouvernement pour en finir avec l'héritage du passé, un héritage qui laisse peu de marges de manoeuvre budgétaires et qu'aucun gouvernant n'aurait aimé trouver en accédant aux responsabilités. Le Parti radical de gauche et le groupe RRDP soutiennent donc son action avec force. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)