Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du 27 mars 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Je tiens à mon tour à remercier le Président pour son éclairant rapport. En dehors de tout esprit polémique, je tiens à souligner que je partage les regrets qu'il vient d'exprimer quant au caractère bien trop tardif de la transmission de données – pourtant indispensables à notre travail d'évaluation – par la Chancellerie. J'espère que cela ne se reproduira plus à l'avenir.

Sur le fond, le Président a souligné l'évolution du rôle du Conseil constitutionnel : alors qu'en 1959, il était pour les uns un « canon braqué sur le Parlement », pour les autres le « chien de garde de l'Exécutif », chargé de contenir la loi dans son domaine et de faire respecter les prérogatives de l'Exécutif, il est devenu, à partir de 1971, le gardien des libertés publiques, et tout particulièrement de la liberté individuelle. À mes yeux, la révision constitutionnelle de 2008 marque un troisième temps dans cette évolution, même si on est encore loin d'avoir mesuré toutes les conséquences de cette révolution qu'a constitué l'instauration de la QPC : la « porte étroite », évoquée par le doyen Vedel dans les années 1990 est en train de s'ouvrir. Je rappelle que, sur un plan quantitatif, les décisions relatives à des QPC rendues depuis trois ans représentent plus du tiers de l'ensemble des décisions rendues par le Conseil constitutionnel depuis 1959 dans le cadre du contrôle a priori.

Tout cela doit nous conduire à nous interroger sur le fonctionnement du Conseil, la qualité de ses membres et sa jurisprudence. Je ne partage pas le point de vue exprimé par le Président sur les réserves d'interprétation même si ces dernières ne doivent à l'évidence pas conduire à un gouvernement des juges, ni à brider la liberté, certes encadrée, du Parlement. Il est temps désormais de s'interroger sur la question de savoir si le Conseil constitutionnel ne devrait pas, à terme, devenir une réelle cour constitutionnelle. Dans la rivalité qui l'oppose au Conseil d'État et, plus encore, à la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel est sans doute en train de prendre l'ascendant. Les critères de filtre devraient être unifiés. S'agissant des anciens présidents de la République, je ne serais pas choqué qu'ils ne soient plus appelés à siéger au Conseil constitutionnel ; à condition peut-être de leur trouver une autre place ? Je pense qu'au Sénat leur expérience et leur compétence pourraient pleinement trouver à s'exprimer…mais je vois que ma proposition suscite déjà quelques réactions. Le débat reste ouvert.

Je ne crois pas qu'il faille faire du diplôme en droit un critère nécessaire pour devenir membre du Conseil constitutionnel, tant il est vrai qu'en ces matières, comme dans d'autres, la validation des acquis de l'expérience doit aussi être envisagée… Pour conclure, je dirais que, si ce sujet important a des incidences dans les rapports entre les juridictions mais aussi sur le travail législatif – nous sommes de plus en plus souvent conduits à invoquer au cours de nos débats le motif de la non-conformité à la Constitution de telle ou telle disposition – il ne doit pas encombrer l'ordre du jour du Parlement et occulter les vrais urgences, de nature économique et sociale, dont nous devons nous saisir.

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