Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 27 mars 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président :

Merci à tous pour ces interventions. Je ferai quelques remarques en conclusion de cette discussion.

Il ne faut pas exagérer les différences entre le Conseil d'État et la Cour de cassation pour ce qui est de la mise en oeuvre du filtre. D'une part, leurs pratiques se sont progressivement rapprochées ; d'autre part, c'est surtout la chambre criminelle qui a des positions divergentes des autres chambres et du Conseil d'État sur un certain nombre de points.

La différence entre les deux niveaux de filtrage en ce qui concerne le caractère sérieux de la question posée apparaît pertinent. Il donne de la souplesse aux tribunaux du fond et laisse les juridictions suprêmes exercer un contrôle plus serré.

Les réserves d'interprétation sont utiles et légitimes lorsqu'elles respectent des limites. Le Conseil constitutionnel rappelle volontiers qu'il ne dispose pas du même pouvoir général d'appréciation que le législateur, mais il lui arrive de suggérer fortement à celui-ci la voie à suivre…

La mention du nom du président de la République qui est à l'origine de la révision constitutionnelle ayant donné naissance à la QPC a toute sa place dans l'introduction de mon rapport ; elle y figurera.

Il est certain que le Conseil constitutionnel d'aujourd'hui reste marqué par les circonstances de sa création ; la présence en son sein des anciens présidents de la République en est un exemple. Il faut reconnaître que son activité est restée modeste jusqu'à la décision de 1971 puis à l'ouverture des conditions de sa saisine en 1974. Il a connu de très importantes évolutions depuis.

M. Geoffroy, vous critiquez l'idée de confier au Premier ministre le soin de nommer une partie de ses membres, au motif qu'il n'est pas élu au suffrage universel. Je vous rappelle d'une part que, en 1958, le président de la République n'était pas élu au suffrage universel direct et que le Premier ministre joue un rôle décisif dans la procédure législative en déposant les projets de loi. Je ne vois pas à quelle autre autorité cette mission pourrait être confiée, mais nous aurons certainement l'occasion d'en débattre à nouveau. En tout état de cause, et quelle que soit l'autorité de nomination, l'obligation pour tout candidat d'obtenir le soutien de trois cinquièmes des membres des commissions des Lois des deux assemblées interdit les nominations critiquables. Il est évident que l'on proposera des personnalités ne prêtant pas à controverse.

La question de l'autonomie intellectuelle du Conseil constitutionnel mérite d'être soulevée. Il faudrait que chaque membre soit doté des moyens de bâtir sa propre réflexion. Dans le livre qu'elle a écrit sur son expérience au Conseil constitutionnel, Mme Dominique Schnapper a fait part de sa surprise devant le mode de fonctionnement de l'institution et l'influence du Conseil d'État sur la rédaction de ses décisions. Si je suis favorable à la publication des opinions individuelles, c'est notamment parce qu'elles permettraient de montrer que sont possibles d'autres raisonnements que celui qui a prévalu dans la décision.

Lorsque je parle de la transformation du Conseil constitutionnel en cour constitutionnelle, je demande simplement que lui soit reconnu le rôle qu'il remplit de facto d'ores et déjà. Je ne demande pas qu'il devienne une cour suprême. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'estime qu'il ne saurait absorber les compétences du Tribunal des conflits : s'il le faisait, il franchirait une étape vers sa transformation en cour suprême.

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