Intervention de Jean-Marc Germain

Réunion du 27 mars 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain, rapporteur :

Sur le plan juridique, je rejoins votre analyse, monsieur Morin : il n'y a pas d'éviction du juge. Au contraire, nous aurons deux juges au lieu d'un. Le chevauchement des deux ordres de juridiction peut certes se révéler complexe, mais le président de la chambre sociale de la Cour de cassation et le Conseil d'État, que j'ai consultés, ont considéré que plus le pouvoir de l'administration – et donc du juge administratif – sur le motif économique était large, plus celui du juge judiciaire était réduit.

Sur le plan politique, je tire néanmoins de cette analyse des conclusions inverses des vôtres. Je me réjouis de ce retour de l'État à un moment où il est encore possible d'éviter des licenciements – plutôt que de les indemniser ultérieurement. Votre gêne révèle d'ailleurs la nature éminemment politique de ce texte, qui est un texte de gauche, mais dans une acception moderne, puisqu'il prévoit la négociation d'un accord majoritaire, l'homologation n'intervenant qu'à défaut de celui-ci, et organise le retour de l'État en lui permettant de peser sur les plans sociaux, de demander d'autant plus aux groupes qu'ils ont plus de moyens, et d'éviter les licenciements chaque fois que possible. Si le ministre a parlé de mettre fin à la préférence française pour le licenciement, c'est que, dans notre pays, le licenciement collectif apparaît comme la solution la plus facile aux difficultés des entreprises alors qu'ailleurs, on privilégie des redéploiements.

Le fait que, chose peu compréhensible, le MEDEF soit favorable à cette disposition suscite une certaine méfiance à son égard dans notre camp. Mais cette méfiance n'a pas lieu d'être puisque nous assistons au contraire, comme je viens de l'expliquer, à un retour de l'État.

J'ai demandé à de hauts magistrats de l'ordre judiciaire s'il fallait s'attendre à ce que le juge administratif soit plus clément que le juge judiciaire – c'est le pari que faisait initialement le MEDEF. Ils m'ont répondu par la négative. En effet, les deux ordres de juridiction harmonisent déjà leurs décisions lorsque les juridictions administratives sont conduites à se prononcer sur le licenciement des salariés protégés licenciés dans le cadre d'un plan social. J'appelle en revanche votre attention sur une vraie différence, qui justifie que l'on approfondisse la réflexion sur le motif économique et le moment où l'on apprécie celui-ci. Trois ans plus tard, on ne peut certes plus réintégrer les salariés, mais on peut apprécier si le motif économique était sérieux ou pas. Si le juge judiciaire protège mieux, c'est parce qu'il statue à un moment où il peut démontrer, le cas échéant, qu'il n'y avait pas de difficultés économiques. Il est plus difficile d'apprécier la réalité du motif économique à chaud. Il nous faut donc bien réfléchir à ce que nous demandons à l'administration, sachant que d'une manière ou d'une autre, cela réduira le pouvoir du juge judiciaire.

Dans les procédures collectives, c'est l'administration qui s'assurera du respect des procédures, sous le contrôle du juge et dans des délais serrés. Néanmoins, le délit d'entrave restera une voie d'action devant les juridictions pénales. Vos craintes ne sont donc pas fondées.

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