Intervention de Pierre-Alain Muet

Séance en hémicycle du 10 juillet 2012 à 15h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai par dire à Mme Pecresse que, contrairement à ce qu'elle pense, M. Moscovici a eu parfaitement raison de dire que la droite n'avait rien fait pour réduire les déficits, comme le montre d'ailleurs le rapport de la Cour des comptes qui soutient l'analyse de cette loi de règlement.

Vous nous dites avoir considérablement réduit le déficit en 2011. Certes, le déficit de l'État passe de 148,8 milliards à 90,7 milliards. Mais, dans le déficit de 2010 – nous en avons longuement discuté à l'époque –, il y avait 30 milliards de déficit fictif, c'est-à-dire d'investissements dits « d'avenir » pour lesquels 30 milliards étaient inscrits au budget, alors qu'un seul a été dépensé. Évidemment, sans ces investissements d'avenir, le déficit baisse déjà de 30 milliards.

Ce n'est pas tout. Il y avait un plan de relance, qui a disparu ; il y avait des mesures transitoires qui ont servi à réduire le déficit. Ainsi, lorsque la Cour des comptes joue son rôle, elle conclut qu'il ne s'agit pas d'une réduction de 59 milliards du déficit en 2011, mais seulement d'une réduction de 10 milliards du déficit structurel.

Je citerai un autre chiffre : le déficit des administrations publiques en 2011 s'élève à 5,2 %. Et Mme Pecresse de crier au miracle puisqu'il s'élevait à 7,1 % l'année précédente ! La Cour des comptes fait son travail, décompose ce qui relève de mesures transitoires de ce qui est une véritable réduction du déficit. Que trouve-t-elle ? Il y a seulement une réduction du déficit structurel de 0,8 point. Ce n'est pas un exploit ! C'était simplement nécessaire quand on sait que, pendant cinq ans, le déficit structurel de la France est resté supérieur à 3 %, ce qui ne s'était jamais vu dans l'histoire.

Cette réduction de 0,8 %, on pourrait se dire, à vous écouter, Mme Pecresse, qu'elle a consisté en des réductions de dépenses ou en une maîtrise des dépenses. Eh bien non ! Elle ne résulte que de la hausse des prélèvements. Car, dans ce domaine, vous tenez de beaux discours, mais vous avez été les champions de la hausse des prélèvements ! Vous avez inventé une trentaine d'impôts et vous aviez prévu d'augmenter encore la TVA – nous allons d'ailleurs abroger cette mesure. Vous avez même failli à une époque taxer les poissons, les crustacés et les mollusques si l'Europe ne vous en avait pas empêchés ! Ce qui est certain, c'est que, comme le dit la Cour des comptes, la réduction structurelle des dépenses a été nulle en 2011. Voilà la réalité !

Mais prenons un peu de recul et revenons sur le déficit de 5,2 % en 2011. Certes, il y a eu la crise. Mais tous les pays européens l'ont traversée, comme l'Allemagne, notre premier partenaire. Or le déficit de l'Allemagne est de 1 % en 2011 et celui de la zone euro de 3,8 %. Pourquoi ? Quand on observe les graphiques de la Cour des comptes ou du rapport du rapporteur général, on constate un extraordinaire parallélisme de l'évolution des déficits sur la période 2007-2011. Cela permet de comprendre que si la France est à 5,2 % quand l'Allemagne est à 1 %, c'est parce qu'elle a abordé la crise, à l'été 2008, avec un déficit de ses finances publiques de plus de 3,3 %, alors que l'Allemagne était revenue à 0 %. Et c'est cette dérive que nous retrouvons aujourd'hui.

En 2007, à l'époque où tous les pays européens réduisaient leur déficit et où l'Allemagne ramenait le sien à zéro, que faisait la France ? Elle s'offrait un paquet fiscal de 15 milliards d'euros ! Cela se traduit aujourd'hui encore dans nos comptes par 11 milliards parce que, entre-temps, vous avez – heureusement ! – supprimé un certain nombre de mesures absurdes et injustes qui y figuraient. Cela étant, il en reste encore beaucoup. Et pendant que vous agissiez ainsi, les autres pays européens réduisaient leur déficit.

Si la France est dans cette situation calamiteuse, c'est parce qu'au moment où il fallait réduire les déficits, c'est-à-dire quand la croissance était là, vous les avez laissés dériver. Le résultat est là : quand on observe ce qui se passe chez nous et chez nos partenaires, on constate que la dette continue à exploser en France, où elle a augmenté de 3,7 points en 2011 alors que, dans six États européens, et notamment en Allemagne, elle se réduit.

En 2005, l'Allemagne avait un déficit supérieur à celui de la France, avec 3,5 % du PIB ; elle avait aussi une dette supérieure à celle de notre pays. Aujourd'hui, l'Allemagne, avec un déficit de 1 %, a réduit sa dette, qui est inférieure à la nôtre. Voilà la réalité de nos comptes !

On observe que la France est quasiment le seul pays européen à avoir un solde primaire aussi fortement déficitaire. Vous me direz : « Cela a été pire ! On a réduit ce déficit ! » Oui, cela a été pire ! En 2009, le gouvernement précédent finançait la moitié des dépenses du budget général par l'emprunt, ce qui ne s'était jamais vu dans notre histoire.

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