Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 2 avril 2013 à 15h00
Sécurisation de l'emploi — Présentation

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Agir contre la précarité, c'est également instaurer des droits rechargeables à l'assurance chômage. Ils seront mis en place par la prochaine convention d'assurance chômage, à l'automne prochain. L'accord permettra une amélioration substantielle de la prise en charge des salariés aux parcours heurtés, qui passent trop souvent par la case chômage.

Prenons un exemple. Aujourd'hui, après dix ans passés au sein de la même entreprise, un salarié licencié se voit ouvrir un droit à indemnisation de vingt-quatre mois. Après six mois de recherche, il décroche un CDD de six mois, moins bien payé. Que faire ? L'accepter ? Mais s'il n'est pas reconduit, les douze mois d'indemnisation dont il peut bénéficier au titre de son premier emploi risquent d'être perdus. Demain, grâce à ce projet de loi, ces droits seront conservés.

Agir contre la précarité, c'est aussi prendre des mesures relatives au temps partiel, dont vous savez bien qu'il est trop souvent subi. Le projet de loi constitue à cet égard une avancée importante, puisqu'il fixe une durée de travail minimale hebdomadaire de 24 heures, limite les horaires dispersés et instaure une majoration salariale dès la première heure complémentaire effectuée. Cela doit permettre d'augmenter les revenus des personnes concernées, mais aussi d'améliorer leur accès aux droits sociaux. Cet accès est soumis à un système de seuils, qu'il s'agisse des indemnités journalières en cas de maladie, de la couverture chômage, de la formation professionnelle et de la validation au titre de la retraite. Désormais le « petit » temps partiel ne sera possible qu'à titre dérogatoire, à la demande du salarié ou par accord de branche, si, et seulement si, l'organisation du travail est revue pour éviter les horaires dispersés.

Ce progrès profitera tout particulièrement aux femmes, qui sont les premières touchées par le temps partiel subi. En ce sens, il est une avancée supplémentaire vers l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Bien sûr, un tel changement ne sera pas simple à réaliser dans un certain nombre de secteurs d'activité qui reposent intrinsèquement sur le temps partiel. Nous en débattrons. Quoi qu'il en soit, les partenaires sociaux se sont montrés ambitieux : suivons-les !

Au passage, je ne résiste pas à glisser un mot pour souligner les points communs, mais aussi les différences, avec la réforme du marché du travail conduite en Allemagne il y a quelques années, et que d'aucuns aiment à citer en exemple. Aux côtés d'actions de sauvegarde de l'emploi très remarquables et très efficaces dont nous pouvons nous inspirer, nos amis allemands ont développé une stratégie de « petits boulots » précaires et sans droits, qui a créé une dualité socialement insupportable sur laquelle, d'ailleurs, ils s'efforcent aujourd'hui de revenir. L'accord du 11 janvier et le projet de loi tournent le dos à cette approche de précarisation absolue et renforcent, au contraire, les droits des précaires, tirant, sur ce point également, les leçons de l'expérience allemande.

Sécuriser l'emploi passe aussi par des droits nouveaux pour les salariés qui en sont privés, notamment les précaires ou les salariés des petites entreprises. Le premier de ces droits, c'est le droit à santé via la généralisation et la portabilité de la couverture complémentaire collective. Les situations de renoncement aux soins pour des raisons financières sont insupportables et nous blessent tous dans nos convictions. Aujourd'hui, quatre millions de salariés n'ont pas accès à une complémentaire collective cofinancée par leur employeur, et plus de 400 000 salariés se passent – involontairement – de complémentaire faute de pouvoir y souscrire individuellement. Ce n'est plus admissible ! Ces salariés, qui sont-ils ? Pas des cadres ou des salariés de grandes entreprises : ce sont les précaires, les mères célibataires, tous ceux qui alternent petits boulots et périodes de chômage. C'est pour eux que nous agissons et c'est pour eux que la complémentaire obligatoire – qui n'est ni un gadget ni un luxe – a du sens.

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