…et j'en viens naturellement aux pouvoirs de négociation qui seront donnés, demain, aux acteurs économiques et sociaux pour anticiper et accompagner les mutations économiques et, in fine, pour sauver et développer les emplois.
Il a fallu de la lucidité et du courage pour, comme l'a écrit Jean Jaurès dans un beau discours rédigé en 1911, « s'arracher à l'ordre des choses ». S'arracher à l'ordre des choses, c'est prendre le pouvoir de négocier. Je le dis aux acteurs : prenez ce pouvoir ! Prenez ce pouvoir d'éviter, par la négociation, que des emplois soient détruits : accords de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, accords de maintien de l'emploi, entrée des salariés dans les conseils d'administration des grandes entreprises, meilleure information des institutions représentatives du personnel, possibilité de conclure des accords valant plan de sauvegarde de l'emploi. Voilà les combats qui sont devant nous pour l'emploi. Je sais que c'est sur ces points que se cristallisent les enjeux et aussi les interpellations. Le débat doit avoir lieu, je le souhaite, non sur des slogans ou des approximations, mais sur le contenu réel de la loi et sur la logique politique qui l'anime.
Les accords de maintien de l'emploi permettront, demain, de trouver une alternative au licenciement et au chômage, tout en apportant des garanties solides aux salariés.
Première garantie : la difficulté conjoncturelle de l'entreprise doit être avérée, appuyée sur un diagnostic dressé avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise.
Deuxième garantie : l'accord devra être signé par des syndicats représentant la majorité des salariés, ce qui veut dire que, si le chef d'entreprise veut un accord, il devra convaincre la majorité de s'engager par sa signature.
Troisième garantie : ces accords auront une durée ne dépassant pas deux ans et, dans ce temps imparti, l'entreprise ne pourra pas licencier.
Quatrième garantie : les plus bas salaires, ceux qui se situent en deçà de 1,2 fois le SMIC, ne pourront pas être concernés, même temporairement, et aucun salaire ne pourra être ramené en dessous de 1,2 fois le SMIC ; la commission a apporté, sur ce point, des précisions utiles.
Cinquième garantie, à laquelle je tiens particulièrement : s'ils demandent des efforts aux salariés, les dirigeants et actionnaires devront en faire aussi, notamment en termes de rémunération.
Sixième garantie, enfin : un salarié qui refuserait de se voir appliquer personnellement un tel accord collectif ne pourra être considéré comme « démissionnaire » ni licencié pour motif personnel. Il s'agira d'un licenciement économique avec, évidemment, accès aux mesures de reclassement comme le contrat de sécurisation professionnelle. Voilà qui tranche avec feu les accords « compétitivité-emploi » ! Voilà qui prouve que ce qui vous est proposé aujourd'hui, l'accord de maintien de l'emploi, n'a rien à voir avec eux, d'autant qu'ils sont restés à l'état de projet, faute de partenaires sociaux pour accepter d'en négocier les termes !
Outre les accords de maintien de l'emploi, l'activité partielle sera simplifiée et fondue dans un dispositif unique et lisible. Nous avons besoin d'utiliser davantage ce type de dispositif pour passer les moments difficiles sans sacrifier les compétences accumulées. D'autres que nous en Europe ont su le faire mieux que nous. De ce point de vue, à notre tour, nous pouvons faire mieux !
Autre grande innovation de ce texte : la capacité d'anticipation sera renforcée dans les institutions représentatives du personnel et vis-à-vis des représentants du personnel. Les salariés seront désormais mieux informés et mieux consultés puisqu'ils disposeront d'une base de données qui rassemble et actualise toutes les informations dont ils ont besoin. Ils discuteront des orientations stratégiques de l'entreprise et pourront ainsi, par le débat, peser davantage qu'aujourd'hui sur ces stratégies. Si chacun joue le jeu et se saisit loyalement de ces nouvelles dispositions, la nature du dialogue social interne à l'entreprise en sera profondément changée.
Enfin, des représentants des salariés feront leur entrée dans les conseils d'administration des grandes entreprises et participeront pleinement, comme administrateurs, avec les mêmes pouvoirs que les autres, à la gouvernance de l'entreprise.
Cela existe déjà dans les entreprises publiques, à la satisfaction générale, depuis la loi de démocratisation du service public de 1983, et cette présence a d'ailleurs souvent été conservée après la privatisation, mais, désormais, toutes les grandes entreprises, au-delà de 5 000 salariés en France ou de 10 000 dans le monde, seront concernées. Environ un salarié sur quatre travaille dans ces grandes entreprises.
Je sais les craintes que suscite cette petite révolution pour les conseils d'administration ou de surveillance d'entreprises cotées, où des actionnaires étrangers sont parfois présents à la table du conseil, mais je vous certifie que, dans quelques années, chacun trouvera cette présence naturelle et utile, de même que les lois Auroux apparaissent aujourd'hui à tous comme une évidence.
Il y aura un temps de mise en place, aussi rapide que raisonnablement possible, et un temps d'apprentissage réciproque, mais voilà un progrès décisif de la gouvernance des entreprises.
Je sais l'impatience d'une partie d'entre vous, qui souhaiteriez aller encore plus vite et déjà encore plus loin, le débat en commission en témoigne. Nous en discuterons, mais mesurez d'ores et déjà l'avancée majeure que représente cette entrée des salariés dans les conseils d'administration.