Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous abordons, avec l'examen de ce projet de loi, la transcription législative de l'accord national sur la réforme de notre droit du travail, conclu le 11 janvier par les partenaires sociaux.
Le groupe UDI a toujours été un fervent partisan du dialogue social. Il tient à souligner l'esprit de responsabilité qui a été celui des différentes organisations parties prenantes aux négociations et à la conclusion de cet accord.
Ce projet de loi s'inscrit dans une certaine continuité, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, dans la mesure où ce texte s'inscrit dans la logique de la loi Larcher de 2007, qui oblige à recourir au dialogue social pour réformer le droit du travail.
Sur le fond, au regard des objectifs poursuivis : sécuriser les transitions professionnelles, développer les possibilités de formation, sécuriser les périodes d'activité partielle, permettre à l'entreprise de s'adapter plus rapidement aux évolutions de son marché, anticiper davantage à travers la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, en réduisant son activité dans le cadre d'accord de compétitivité.
Ces sujets s'inscrivent dans un esprit proche de dispositions prises ces dernières années telles que la rupture conventionnelle du contrat de travail avec la loi de modernisation du marché du travail en 2008, la création du droit individuel à la formation en 2004 et sa portabilité en 2009, la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Au fond, l'enjeu de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier est de réinstaurer de la confiance là où s'est installée une certaine forme de défiance. Bien sûr, il ne s'agit pas de confiance dans la politique économique et fiscale du Gouvernement : sur ce point, tous les clignotants sont au rouge. Mais il s'agit plutôt de redonner confiance à l'employeur grâce à des dispositifs juridiques sécurisés, en particulier dans les domaines du licenciement, des accords de mobilité, des accords de maintien dans l'emploi.
Il s'agit également de redonner confiance au salarié par le biais d'une combinaison de droits individuels qui apporte des garanties supplémentaires en cas de chômage, offre des opportunités de formation et facilite le retour à l'emploi.
Il s'agit de redonner confiance pour dépasser la crainte d'embaucher et la peur légitime du chômage. Cette confiance repose sur un équilibre subtil, délicat, tant à obtenir qu'à maintenir. Et le groupe UDI vous met en garde, monsieur le ministre : le succès ou l'échec de ce texte va dépendre de la manière dont les dispositions de l'accord vont être inscrites dans la loi, mais aussi de la façon dont les dispositions de la loi vont être expliquées aux employeurs comme aux salariés.
Ainsi, nous ne sommes pas convaincus que présenter la réforme des procédures collectives de licenciement comme le retour de l'autorisation administrative de licenciement soit de nature à persuader les employeurs de la modernisation de notre législation du travail.
Sur le contenu même de ce projet de loi, le groupe UDI appelle à la vigilance sur plusieurs points.
Ainsi, en ce qui concerne la couverture complémentaire santé, l'introduction d'une clause de désignation suscite l'inquiétude. Nous sommes tous d'accord pour considérer que la généralisation de la couverture complémentaire santé est l'une des avancées les plus significatives de l'accord du 11 janvier et de ce projet de loi. Nous ne pouvons que regretter, du reste, que cette généralisation ne soit que partielle, puisqu'elle ne concerne pas ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin, tels les retraités, les étudiants, les demandeurs d'emplois de longue durée.
La clause de désignation est perçue comme un obstacle au rétablissement d'une concurrence entre, d'une part, les organismes de protection sociale couvrant les salariés des branches, d'autre part, les organismes d'assurance et les mutuelles. Nous pensons nécessaire de rétablir l'équilibre de la rédaction de l'accord conclu par les partenaires sociaux, et de réintroduire des principes essentiels de mise en concurrence et de transparence.
Le groupe UDI appelle, par ailleurs, à une indispensable clarification des modalités de mise en oeuvre de la durée minimale de travail à temps partiel. Cette durée minimale doit prendre en compte les caractéristiques de certains secteurs d'activité. C'est pour nous un point fondamental.
Nous partageons évidemment avec vous, monsieur le ministre, la volonté de réduire le recours excessif au temps partiel, de lutter contre le temps partiel subi. Mais cet objectif ne doit pas mettre en danger l'équilibre d'entreprises, de secteurs d'activités, de branches professionnelles pour lesquels le recours au temps partiel est structurel.
Je pense en particulier aux métiers des services à la personne qui rassemblent 1,7 million de salariés. Quelque 88 % des salariés de ce secteur exercent à temps partiel et 74 % d'entre eux sont en CDI. La durée moyenne hebdomadaire du temps partiel dans ce secteur varie entre 11 heures et 13 heures, en fonction de l'employeur. Il est bien évident que ce secteur est, de façon structurelle, dans l'impossibilité de faire face à une durée hebdomadaire de vingt-quatre heures.
Une telle obligation porterait atteinte à l'organisation du travail dans ce secteur qui a déjà été fragilisé par la réduction des aides fiscales et la suppression, dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, du forfait applicable au versement de cotisations sociales pour les salariés intervenant au domicile des particuliers.
Ce sont 100 000 emplois qui sont menacés. Nous ne pouvons pas imaginer que s'applique de façon uniforme une mesure qui, conjuguée à d'autres, menacerait tout un équilibre. Ce risque avait d'ailleurs été identifié par les partenaires sociaux qui avaient prévu une dérogation pour les particuliers employeurs. Je passe sur les intermittents du spectacle et certains salariés de l'agriculture qui sont aussi concernés.
En somme, nous demandons le retour à l'esprit et à la lettre de l'accord du 11 janvier. Le groupe UDI souhaite vivement que le Gouvernement accède à cette demande.
Nous attendons du Gouvernement qu'il revienne aussi à l'esprit et à la lettre de l'accord, en ce qui concerne les dispositions du projet de loi sur la mobilité interne. Le texte prévoit que si un salarié refuse des modifications à son contrat de travail en application d'un accord de mobilité interne, il en résulte un licenciement économique. Dans ce cas précis, l'accord du 11 janvier prévoit un licenciement pour motif personnel, accompagné de mesures de reclassement. Sur ce sujet, il nous semble que les partenaires sociaux avaient trouvé un équilibre qui doit être maintenu.