Intervention de Christophe Cavard

Séance en hémicycle du 2 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Cavard :

Notre responsabilité de parlementaires est d'accompagner cette refondation par un respect des engagements des partenaires.

Notre responsabilité est de trouver un équilibre social, à un moment où l'explosion du chômage et des emplois précaires affaiblit considérablement la cohésion sociale de notre pays.

Notre responsabilité est surtout de lire la situation dans son ensemble et d'équilibrer le texte final, pour que l'articulation de la démocratie sociale et de la démocratie parlementaire prenne tout son sens.

Car la situation que nous vivons aujourd'hui est d'une gravité inédite.

En s'inscrivant dans cette démarche de refondation de la démocratie sociale, la loi pour la sécurisation de l'emploi, qui traduit l'accord national interprofessionnel, sera une étape décisive.

Cette étape consiste à redonner de la force à la représentation syndicale au sein de chaque entreprise, en la basant sur une règle d'accord simple et compréhensible par tous les salariés.

Cette règle est celle de l'accord majoritaire. Elle poursuit l'évolution de la représentativité syndicale, dont la complexité renforçait l'idée d'une déconnexion entre la participation syndicale dans les entreprises et la signature des accords dans les branches ou au niveau interprofessionnel. Nous avons d'ailleurs pu constater récemment que les syndicats eux-mêmes vivaient cette déconnexion, en signant certains accords de maintien dans l'emploi au niveau de l'entreprise tout en les dénonçant au niveau national.

Nous avons conscience qu'en l'état actuel de la faiblesse de la syndicalisation en France, cette nouvelle règle peut conduire à une recrudescence de mauvais accords. Néanmoins, elle peut permettre, à condition que les syndicats s'en saisissent pour relancer la syndicalisation, de renforcer le poids de la consultation salariale au sein de l'entreprise. Elle peut permettre de mesurer plus directement l'adéquation entre les représentants et leurs mandats.

C'est ce choix d'une démocratie plus participative que représentative que nous faisons et que nous souhaitons porter partout où s'engagent des décisions collectives.

En instituant une représentation des salariés dans les conseils d'administration, en instaurant l'accord majoritaire pour les plans de sauvegarde de l'emploi ou pour les nouveaux accords de maintien dans l'emploi, ce texte constitue une réelle avancée vers une démocratie sociale simplifiée et participative.

Néanmoins, nous ne pouvons en débattre sans entrer dans le détail de ses dispositions opérationnelles et de celles qu'il entend mettre en oeuvre pour sécuriser l'emploi.

Lors du débat en commission des affaires sociales, nous avons eu l'occasion de souligner les difficultés que soulevait le texte pour atteindre pleinement notre objectif. Je dois aujourd'hui saluer le travail du rapporteur, Jean-Marc Germain, qui a su par sa compétence technique lui apporter des évolutions notables, dont nous saluons la portée. Néanmoins, monsieur le ministre, l'équilibre final du texte résultera de notre capacité commune à dépasser certaines difficultés qui demeurent.

Ces difficultés sont de plusieurs natures. Comme nous réfutons l'idée que le chômage de masse résulte d'un problème structurel du marché de l'emploi, nous pensons que la loi doit sécuriser les personnes tout autant que les emplois. Pour cela nous souhaitons que les mesures en faveur de la formation soient renforcées, en permettant d'associer très en amont des régions et des partenaires sociaux au financement du compte individuel et en ouvrant le compte personnel de formation aux jeunes sortis du système scolaire sans qualification.

Dans cette même logique, nous souhaitons que la mobilité interne ne soit pas un outil déguisé de précarisation supplémentaire des salariés. Les partenaires sociaux nous ont affirmé qu'il s'agissait d'un outil de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences : très bien ! La loi doit donc clarifier nettement ce que les partenaires sociaux s'étaient engagés à signer en levant toutes les ambiguïtés qui viendraient d'un texte trop peu rigoureux.

Nous déposerons un amendement en ce sens, tendant à limiter la mobilité interne à une heure autour du domicile et à inclure dans la négociation des paramètres personnels comme la situation familiale.

Comme nous pensons que les stratégies de l'entreprise doivent s'inscrire dans le long terme, nous souhaitons que les données environnementales figurent dans la base de données unique et dans les documents de la nouvelle consultation des instances représentatives du personnel sur les orientations stratégiques de l'entreprise.

Comme je le disais plus tôt, ce nouvel équilibre entre démocratie sociale et démocratie parlementaire s'inscrit pour nous, écologistes, dans une expérience concrète de modernisation de la vie économique qui passe par la coopération plutôt que la concurrence, par la participation plutôt que l'appropriation des richesses par les seuls actionnaires, et enfin par la co-décision au coeur de l'entreprise plutôt que la stratégie financière et par la recherche de l'utilité sociale plutôt que le « toujours plus ».

Cette expérience se déroule dans des conditions défavorables aux salariés, aux précaires et aux chômeurs. Nous en sommes tous conscients. Aussi nous pensons, qu'il est de notre devoir de prendre date.

Prendre date pour faire le bilan réel et partagé avec les partenaires sociaux des mesures que nous allons engager.

Prendre date pour évaluer la concordance entre le mandat clair qu'ont donné les Français à notre majorité – casser le chômage de masse et la précarité, renforcer les droits sociaux de chacun – et la réalité.

Prendre date, enfin, pour mesurer la dynamique en faveur de la démocratie sociale et de la participation syndicale des salariés au sein de chaque entreprise.

Ce bilan, que je souhaite voir examiner lors d'une nouvelle conférence sociale réunissant partenaires sociaux et parlementaires, pourrait être établi dès juillet 2014.

À l'ouverture de ce débat, je souhaite rappeler les principes qui guideront notre choix : renforcement de la participation salariale dans la vie de l'entreprise, développement d'un droit social attaché à la personne plutôt qu'au contrat et dénonciation de toutes les formes déguisées de précarisation.

Monsieur le ministre, dans cet exercice d'équilibriste, je ne doute pas que vous saurez tenir le fil qui relie le chemin des crêtes. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

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