Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 2 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Les solutions alternatives élaborées par les salariés seront impossibles. Avec l'ANI, Fralib n'aurait pas tenu plus de 90 jours ; les salariés en sont à plus de 900 jours de lutte ! Avec ce projet de loi, aucune des luttes qui ont sauvé l'outil de travail et conduit à la victoire n'aurait pu avoir lieu, M-Real, dans l'Eure, Continentale nutrition, dans le Vaucluse, la chocolaterie de Dijon n'auraient pu être sauvés.

Vous décrivez l'intervention de la DIRECCTE comme le grand retour de l'État dans la procédure de licenciement. À vous entendre, cette procédure marquerait presque une renaissance de la planification. Quelle duperie, quand la droite elle-même reconnaît que ce dispositif répond à une demande du MEDEF, soucieux de sécuriser les procédures de licenciement ! Quitus sera donné par un coup de tampon. Ainsi, ces plans sociaux accélérés vont pouvoir se multiplier.

Croyez-vous qu'il suffise de prononcer le mot « administration » pour se blanchir des renoncements ? L'administration est déjà censée vérifier les ruptures conventionnelles. On voit bien que ce visa administratif n'a en rien empêché le million de ruptures conventionnelles qui ont eu lieu dans ce pays depuis 2008.

Ce projet facilite aussi les licenciements lorsqu'il encadre les recours aux prud'hommes, lorsqu'il réduit considérablement les délais de prescription et lorsqu'il plafonne les indemnités de dommage et intérêts.

La seule sécurisation qui est réalisée, c'est celle des employeurs !

Vous dites que ce projet de loi taxe les CDD. Mais la sur-cotisation des contrats courts relève de la tartufferie : je le dis en pesant mes mots ! Molière après Corneille, Tartuffe après les yeux de Chimène !

On estime que 80 % des CDD ne seront pas concernés : les CDD pour remplacement de salarié absent, les contrats d'usage qui existent dans 15 branches, les CDD pour les jeunes de moins 26 ans, et ceux qui feront l'objet d'autres négociations de branche par accord étendu. Pour les 20 % restants, la sur-cotisation est de 0,5 à 3 points. On passe ainsi, pour un CDD de moins de trois mois, de 14 % de taxation à 14,5 %. En quoi est-ce dissuasif pour l'employeur ?

D'autant qu'en échange de cette fausse concession, le patronat a obtenu que la signature d'un CDI par un jeune de moins de 26 ans permette de ne plus donner lieu au paiement des cotisations pendant trois ou quatre mois, ce qui correspond à la période d'essai. Ainsi, le vingt-neuvième jour du troisième mois après l'embauche, le patron pourra virer son salarié sans formalité, sans motif, et sans avoir payé ni les 10 % de taxe CDD, ni les cotisations d'assurance-chômage. Le MEDEF, lui, a fait ses comptes : la taxation des CDD coûterait 110 millions d'euros, tandis que la détaxation des CDI courts rapporterait 155 millions d'euros. Il s'agit d'un nouveau cadeau fait au patronat, un cadeau de 45 millions d'euros présenté comme une aubaine pour les salariés !

C'est une tartufferie, enfin – et surtout – parce qu'il suffira aux employeurs de rallonger le contrat d'une journée pour échapper à la taxation, ou de recourir aux contrats d'intérim qui, eux, échappent à cette taxe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion