Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 2 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Les moins de 26 ans ne seront pas concernés, ce qui constitue une discrimination par l'âge. Les dérogations sont de droit à la demande du salarié : il suffira à l'employeur de le demander à celui qu'il s'apprête à embaucher, et il s'affranchira de ce plancher.

Une dérogation est également prévue pour les salariés qui ont deux contrats. Enfin, il sera possible de déroger à cette règle par accord étendu pour les branches qui emploient plus de 30 % de salariés en temps partiel. En bref, 80 % à 90 % des contrats à temps partiel ne seront pas concernés par ce plancher !

Quant à la majoration des heures complémentaires de 10 % dès la première heure, c'est encore une entourloupe ! Aujourd'hui, ces heures sont majorées de 25 % dès qu'elles représentent un dixième des heures du contrat. Cette disposition dissuasive disparaît. Un temps partiel de plus de vingt-sept heures hebdomadaires gagnera moins qu'aujourd'hui. En outre, alors qu'une seule coupure par jour de deux heures maximum était autorisée, leur nombre et leur durée sont désormais ouverts. Le salaire sera lissé et l'employeur pourra faire huit paquets d'heures complémentaires par an. Les délais de prévenance, qui étaient de sept jours, et de trois jours pour certaines branches par accord étendu, seront négociés. Comment pouvons-nous entériner un tel désastre social pour les femmes, qui constituent 85 % des salariés à temps partiel ?

Vous dites que la démocratie parlementaire est respectée. À tous ceux qui nous expliquent qu'au nom du respect du dialogue social, nous, parlementaires, ne devrions pas amender ce texte, nous répondons par l'article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »

Nous répondons aussi que législateur n'est aucunement tenu par la signature de cet accord. Même la loi Larcher du 31 janvier 2007 relative à la modernisation du dialogue social n'implique pas que le Parlement est lié par les dispositions d'un accord majoritaire entre patronat et syndicats. Le code du travail prévoit simplement que les textes législatifs et réglementaires sont rédigés « au vu des résultats de la concertation et de la négociation ». Cela signifie qu'il doit en être tenu compte.

L'argument selon lequel il ne faudrait pas toucher à ce projet de loi est non seulement antidémocratique mais n'a de plus aucune valeur juridique. J'appelle tous les députés à ne pas se laisser impressionner par les tentatives de les priver de leur mission d'écrire la loi.

Vous dites que ce projet de loi marque un progrès social. Au contraire, il marque l'aboutissement d'un processus de régression entamé en 2000 sous la houlette du MEDEF, avec la complicité active de la droite. Les dix années qui viennent de s'écouler ont été fructueuses pour le patronat : exonérations massives de cotisations sociales, inversion de la hiérarchie des normes – les accords priment la loi plutôt que l'inverse –, implosion de la durée du travail et du droit de grève, instauration de la rupture conventionnelle, attaque de notre système de retraites,…

Cette transformation massive s'est faite dans un contexte économique déjà défavorable. Il en est résulté une grande précarisation des salariés, notamment des jeunes, des seniors, des femmes et des immigrés. Or le patronat est loin d'être rassasié. D'autant que la vague européenne actuelle de liquidation des systèmes de protection sociale donne des ailes aux dominants de tous les pays. L'exemple de la Grèce est significatif.

Ce projet de loi ne marque pas un coup d'arrêt à la déréglementation que nous avons connue. Bien au contraire, il risque de faire sauter toutes les digues. Comme le dit le juriste du travail Laurent Garrouste, la « transposition de l'accord national interprofessionnel en loi signifierait une nouvelle avancée vers l'instauration d'un régime néolibéral du travail, extrêmement régressif socialement et politiquement ». Même les centrales signataires justifient aujourd'hui leur consentement à cet accord par le mauvais contexte économique qui les aurait poussées à faire des sacrifices.

Il n'y a que vous, monsieur le ministre pour oser affirmer, dans l'exposé des motifs, que ce projet s'inscrit « dans le fil du combat historique pour l'amélioration du sort des travailleurs. »

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