Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 2 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, l'accord national interprofessionnel du 11 janvier, aussi important soit-il, ne méritait ni la détestation globale que nous avons pu lire ou entendre aujourd'hui ni la curieuse adoration littérale dont il a fait l'objet à droite, notamment pour son article 1er.

Il s'agit d'un compromis, qui traduit la volonté assumée d'avancer sur le chemin de la démocratie sociale. Ce projet de loi donne des droits nouveaux aux salariés, sur lesquels je ne reviendrai pas. Il comporte également des points forts de débat, dont celui sur la mobilité interne, à l'article 10, qui occupera l'essentiel de mon intervention.

Ce projet de loi ne peut pas être comparé à la « flex-sécurité » à la Scandinave. Nous n'avons ni la même histoire, ni les mêmes taux de syndicalisation, ni les mêmes niveaux de qualification et de formation, plus élevés chez nos voisins du Nord, ce qui entraîne, chez eux, une grande sécurisation des mobilités, un sentiment de sécurité, alors que ce n'est pas toujours le cas chez nous. En disant cela, je ne méconnais pas que le chômage augmente régulièrement tant au Danemark qu'en Suède ou en Finlande.

Avant d'aller plus avant sur la mobilité interne, je veux remercier notre rapporteur pour la qualité de son travail, sa disponibilité et son expertise, appréciées de tous ceux qui ont suivi les travaux dont a fait l'objet ce texte. Je veux également remercier la commission, en la personne de sa présidente, et dire ma satisfaction d'avoir participé à l'adoption de plusieurs amendements d'importance.

En France, aujourd'hui, le salarié qui signe un contrat comprenant une clause de mobilité est tenu par celle-ci, ou bien, autre cas de figure, il est lié par une convention collective s'il en a été dûment informé. La clause de mobilité doit préciser la zone géographique sur laquelle elle s'applique, selon une jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation.

La notion de mobilité dans l'entreprise est souvent perçue, quelques fois à juste titre, comme un facteur déstabilisant. L'examen très en amont, à froid, de l'évolution des postes et des carrières ou de l'ajustement des organisations est largement préférable à l'isolement du salarié ou à des bribes d'information invérifiables qui suscitent souvent l'inquiétude généralisée dans l'entreprise. C'est pourquoi j'approuve l'esprit de l'article 10, qui prévoit que toutes les entreprises au-delà de cinquante salariés inscriront à l'ordre du jour de leurs négociations triennales les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise.

Nous présenterons d'ailleurs un amendement pour rendre cette négociation facultative, afin de ne pas contraindre celles qui n'envisageraient pas de mobilité interne.

De même, trois amendements portés par notre groupe et adoptés en commission sont à souligner. Tout d'abord, nous sommes revenus au texte de l'ANI en réintroduisant la notion de mesures d'organisation courantes et l'absence de projet de réduction d'effectifs, par le biais de deux amendements renforçant la protection des salariés. Nous avons également précisé le respect de la vie personnelle et familiale des salariés, auquel les résultats d'un éventuel accord collectif ne peuvent déroger. Nous avons par ailleurs tenu à rendre obligatoire l'information de chaque salarié en cas d'accord collectif de mobilité, au-delà du simple affichage.

Dernier point important de cet article 10, qui ouvrira un large débat : celui de savoir si la directive européenne 9859 sur les règles du licenciement collectif s'applique ou non. Je fais confiance à cet égard à l'interprétation que nous ont donnée M. le ministre et M. le rapporteur. Je constate que nous ne sommes pas là dans le cadre d'un plan social et que, s'il y avait le moindre soupçon quant à une gestion détournée de la clause de mobilité interne visant à diminuer les effectifs, les représentants élus seraient, je n'en doute pas, les premiers à s'y opposer.

Je termine en disant que je soutiendrai le point de vue des syndicats de salariés signataires que nous avons auditionnés et qui ont souhaité ne pas fixer de limitations kilométriques ou de temps de déplacement maximum. La négociation doit épouser au plus près la réalité locale. En effet, la diversité des situations, en province ou en région parisienne, est telle qu'inscrire des bornes indépassables n'épuiserait pas le sujet, au contraire, et, je le rappelle, la jurisprudence est déjà très explicite.

Mes chers collègues, le Gouvernement et la commission ont fait progresser le texte, et le débat parlementaire qui s'ouvre est le bienvenu pour l'enrichir encore par voie d'amendement. Au-delà du message que certains adressent, à l'extérieur de l'hémicycle, nous ne sommes pas, nous, dans une course à l'échalote. Ce projet est important, il permet de donner de nouveaux droits aux salariés, il établit des règles utiles à la préservation de leur emploi. C'est pourquoi, à titre personnel, je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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