Exact !
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, l'Assemblée nationale a commencé aujourd'hui, après engagement de la procédure accélérée, la discussion du projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi.
Compte tenu de son importance, et par égard pour les partenaires sociaux, qui ont permis de faire vivre notre démocratie sociale, ce texte fondateur aurait peut-être mérité une étude plus longue et des discussions plus approfondies.
Je dois remercier M. le rapporteur Germain, pour le rôle essentiel qu'il a joué, et saluer l'investissement de nos collègues avec lesquels il nous aura fallu travailler parfois jour et nuit, compte tenu des délais très contraints pour étudier ce texte.
Si l'on veut que ce projet de loi soit ambitieux et constitue un acte politique fort, il doit être conforme à l'objectif affiché dans son titre et à son objet : renforcer la sécurité de chaque salarié dans son parcours professionnel et au niveau collectif de l'entreprise. Il nous faut, bien sûr, concilier cet impératif de sécurité et de respect de l'ordre public social avec les besoins de l'entreprise, dont le rôle est essentiel pour développer ou préserver l'activité et l'emploi.
Hélas, au prétexte des mutations qui s'accélèrent et d'un contexte de concurrence internationale renforcée, certains employeurs n'hésitent pas à plonger leurs salariés dans une véritable insécurité contractuelle. Souvent, il s'agit de ceux de nos concitoyens qui sont déjà les plus vulnérables.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous citer, en guise de première illustration. Dans un entretien récent intitulé « La gauche doit se réapproprier la valeur travail », vous déclariez très justement, en invoquant le contrat de travail à durée indéterminée, « qu'il y a des sécurités qui sont aujourd'hui illusoires ».
Mon deuxième exemple des situations de précarité dans l'emploi dues à des entreprises peu scrupuleuses est tiré de l'actualité sociale, celle du groupe Goodyear. Aucun d'entre vous ne peut ignorer que plus de 1 200 de nos concitoyens et leurs familles luttent depuis des années pour le maintien d'une activité industrielle sur le lieu de production d'Amiens-Nord. Une fermeture et des licenciements massifs sont programmés par un groupe qui se vante pourtant, sur son site Internet et dans sa communication institutionnelle, de réaliser des profits colossaux.
Nous aurons, très bientôt je l'espère, à légiférer sur les licenciements dits boursiers, comme le souhaitait le Président de la République. Je forme le voeu que notre assemblée puisse adopter sur ce sujet un texte au contenu fort, qui sera de nature à protéger les salariés, comme les chefs d'entreprise intègres, qui forment la très large majorité des chefs d'entreprise.
Parce qu'elle sape les fondements de notre démocratie, nous ne pouvons tolérer plus longtemps que la seule recherche immédiate et indécente de profits incite certaines entreprises à jeter des dizaines de milliers de nos concitoyens à la rue, quelles qu'en soient les conséquences pour eux, pour notre cohésion sociale et notre vivre-ensemble.
Les salariés voient avec beaucoup d'anxiété se succéder les réorganisations au nom d'une rationalisation toujours recommencée. C'est aujourd'hui le gouvernement des actionnaires qui imprime sa marque à toute l'organisation du travail dans un modèle d'entreprise en voie d'universalisation. Or, les conditions de travail et de vie de millions de salariés résultent des modes d'organisation mis en place. Voilà qui plaide, s'il en était encore besoin, pour la présence significative de représentants des salariés au sein des conseils d'administration. C'est là l'un des points qu'il est impératif de promouvoir à travers ce projet de loi sur la sécurisation de l'emploi.
Mais il y en a de nombreux autres : la sécurisation des parcours professionnels, le renforcement de la capacité des salariés à intervenir sur la stratégie de l'entreprise à travers les instances consultatives ou de veille, l'infléchissement des pratiques conduisant à une précarité croissante de nombreux salariés, un meilleur encadrement du travail à temps partiel, le développement de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences en articulation avec le plan de formation et la mobilité interne.
L'application de nombreux points de l'accord national interprofessionnel conclu par certains partenaires sociaux le 11 janvier 2013 appelait une modification de la loi. C'est donc à la représentation nationale qu'il appartient de légiférer aujourd'hui.
Mes chers collègues, prenons donc nos responsabilités et soyons des législateurs ambitieux. Améliorons les outils permettant aux entreprises de faire face aux aléas conjoncturels, mais sans que cela porte préjudice pour les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)