Intervention de Michel Zumkeller

Réunion du 3 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller, rapporteur :

Trois lycées français, le lycée Pierre Corneille à Rouen, le lycée Alain Chartier à Bayeux et le lycée Edouard Herriot à Lyon possèdent une section norvégienne. Chaque année vingt-deux élèves norvégiens y sont accueillis en classe de seconde et ce jusqu'à celle de terminale et y ils reçoivent une préparation aux épreuves du baccalauréat français. Si la section norvégienne du lycée Edouard Herriot à Lyon résulte de deux accords intergouvernementaux signés en 1989, les deux autres sections qui lui sont antérieures – elles ont été créées en 1918 pour Rouen et 1979 pour Bayeux – fonctionnent sans instrument juridique.

L'accord qui nous est soumis rassemble les deux accords précités dans un même texte pour fournir un cadre juridique aux trois sections concernées. La formalisation du programme confère une certaine unité aux trois sections, quand bien même l'accord ne revient pas sur les spécificités qui les caractérisent et qui résultent de leur histoire et des conditions négociées par les académies.

Au préalable, je rappellerai que la Norvège est un Etat très riche, à l'économie tirée par l'exportation de ses ressources énergétiques, qui n'est pas membre de l'Union européenne, mais qu'il n'a cessé de s'en rapprocher depuis son adhésion à l'Espace économique européen en 1994 et que nous avons sur de nombreux sujets des convergences de vue, par exemple sur le modèle social, le multilatéralisme, les financements innovants ou la croissance durable.

Notre coopération culturelle repose sur deux accords de type classique, signés en 1953 et en 1983, et sur un troisième signé en 1986 dans le cadre des accords gaziers de Troll qui prévoit notamment « d'encourager le développement de la coopération entre les établissements et associations français et norvégiens, publics et privés, de recherche et d'enseignement ». La Norvège étant traditionnellement tournée vers le Royaume-Uni et les Etats-Unis, notre coopération a pour vocation de soutenir l'enseignement du français en Norvège et de favoriser la connaissance de la langue et de la culture françaises. Il faut souligner aussi notre partenariat scientifique et technologique avec la Norvège : la France est le seul pays européen à avoir signé avec la Norvège, en juillet 2008, un accord de coopération dans le domaine de la recherche scientifique et technique et de l'innovation. C'est aussi l'un des rares à disposer d'un attaché scientifique.

Il existe quatre établissements français en Norvège, dont le lycée René-Cassin d'Oslo, établissement conventionné avec l'AEFE et également homologué par le ministère norvégien de l'Éducation. Il compte 615 élèves dont 392 élèves français. Le gouvernement norvégien finance l'établissement à la condition que le lycée accueille des enfants norvégiens et qu'en contrepartie des places soient réservées en lycées professionnels en France pour des lycéens norvégiens. En Norvège, le français est choisi par 15 % des élèves comme deuxième langue vivante non obligatoire au collège. Notre langue est à la troisième place en deuxième langue vivante hors anglais, après l'espagnol et juste derrière l'allemand, avec 50 000 élèves.

En France, il existe trois sections norvégiennes et à la rentrée 2012, 83 élèves avaient choisi le norvégien au baccalauréat. En outre, une cinquantaine d'élèves suivent un enseignement spécifique en langue norvégienne, du CP à la Terminale, au Lycée International de Saint Germain en Laye depuis 1984. Un accord est en cours de négociation pour la création de sections internationales de langue norvégienne au sein de ce Lycée. La France est aussi le neuvième pays d'accueil des étudiants norvégiens. On notera qu'un programme de soutien à la création de masters conjoints franco-norvégiens vient d'être lancé.

Pour revenir aux sections norvégiennes, elles constituent une tradition ancienne bénéficiant en Norvège d'un certain prestige. Depuis l'ouverture de la première section norvégienne à Rouen en 1918, plus de 800 élèves norvégiens ont été formés trois ans dans les lycées français et ont obtenu le baccalauréat. Les anciens élèves norvégiens ont constitué un vivier de francophiles parmi les élites du monde économique, scientifique, de la défense et de la diplomatie, véritables ambassadeurs de notre pays. Ils ont acquis en France une parfaite maîtrise de notre langue, ont noué des relations personnelles durables et d'une manière générale développé un lien affectif permanent avec notre pays. Ils forment donc un réseau d'influence contribuant au renforcement des relations entre la France et la Norvège dans les domaines les plus divers. Il existe d'ailleurs une très active association des anciens élèves des sections norvégiennes dont l'influence est importante.

Les sections norvégiennes contribuent aussi au développement des échanges scolaires entre la France et la Norvège dans le cadre de l'ouverture internationale des établissements d'enseignement secondaire français. L'intégration d'élèves norvégiens favorise les échanges avec les élèves français et l'ensemble de la communauté scolaire. Cela constitue un facteur d'ouverture et d'enrichissement culturel des lycées.

S'il est apparu opportun de consolider le dispositif existant, c'est d'abord pour le structurer sur un plan juridique, assurer sa qualité, sanctuariser ses moyens et établir à cet effet un cahier des charges précis qui s'impose à tous les acteurs du dispositif. La conclusion d'un accord global a donc été proposée au ministère norvégien de l'éducation en juillet 2008. Il a été signé le 14 juin 2010 lors de la visite à Oslo du Premier ministre François Fillon. La Norvège a accompli les procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de l'accord le 29 avril 2011. Cet accord entrera donc en vigueur dès que la France notifiera que les obligations nationales pour l'entrée en vigueur sont dûment remplies.

L'accord pérennise donc le dispositif des sections norvégiennes dans le cadre d'une coopération bilatérale d'Etat à Etat. Son article 1.2 prévoit que, chaque année, 22 élèves norvégiens se voient offrir la possibilité de suivre un cycle d'enseignement de trois ans dans un lycée français, dans les académies de Rouen, Caen et Lyon, en vue de présenter le baccalauréat français. Ces élèves sélectionnés sont admis au niveau de la classe de seconde dans les trois sections norvégiennes. Ils sont donc 66 en cours de cursus. Les sections norvégiennes sont réservées à des élèves norvégiens

L'article 2 de l'accord prévoit les modalités de sélection, de préparation et d'intégration de ces élèves. Les élèves sont sélectionnés par un comité constitué de représentants des autorités norvégiennes et françaises. Y siègent un représentant de l'ambassade de France en Norvège, deux anciens responsables de section norvégiens et un ancien élève de section norvégienne. A noter que la connaissance de la langue française n'est pas un critère de sélection, mais avant leur départ, il est prévu un cours préparatoire intensif de français, de culture française et de mathématiques. L'Institut français propose des prestations de conseil, de suivi et d'accueil des élèves sélectionnés, avec notamment l'accompagnement par une personne du pôle linguistique de l'Institut français des nouveaux participants des sections au mois de septembre et la mise à disposition des salles de classe pour la session intensive d'apprentissage du français organisée par la partie norvégienne durant l'été qui précède le départ des élèves en France.

Concernant l'intégration des élèves, l'article 2 de l'accord énonce notamment les conditions de leur logement la première année, leur hébergement pendant les week-end et les vacances dans des familles d'accueil et le fait qu'ils bénéficient au moins deux fois par an de voyages organisés par le lycée en France. L'article 5 précise ces obligations à la charge des établissements français.

L'article 3 de l'accord prévoit l'éducation en français et en norvégien pour les élèves norvégiens et un enseignement renforcé d'anglais pour les élèves de la section de Rouen. Les élèves reçoivent en effet un enseignement aménagé d'abord pour permettre leur intégration dans une classe ordinaire au cours de la première des trois années de lycée et ensuite pour inclure des enseignements complémentaires en français la première et la deuxième année, un enseignement renforcé dans les matières scientifiques la première année et un enseignement de norvégien et d'instruction civique pendant les trois ans. Les élèves norvégiens de Rouen bénéficient en outre d'un enseignement renforcé en anglais. Ils préparent le baccalauréat avec le norvégien comme première ou seconde langue vivante.

L'article 4 de l'accord prévoit les dispositions relatives aux responsables des trois sections. Dans chaque lycée, un enseignant norvégien est responsable de la section et assure un horaire d'enseignement en norvégien et en français. Le responsable de section auprès de l'académie de Caen est secondé d'un assistant norvégien.

L'article 6 de l'accord prévoit les obligations des autorités norvégiennes. Ces dernières sont responsables de la sélection, du recrutement, de l'organisation et du financement du cours préparatoire pour les élèves sélectionnés, de la rémunération du responsable de section norvégien de l'Académie de Lyon et de celle des professeurs français à Lyon, qui dispensent un enseignement renforcé aux élèves norvégiens. De plus, les autorités norvégiennes veillent à permettre aux élèves norvégiens d'effectuer les trois années de scolarité en France au moyen de bourses gérées par le gouvernement norvégien.

En matière d'enseignement et d'encadrement, sont à la charge de la partie française la rémunération des responsables de section pour les académies de Rouen et Caen et d'un assistant pour celle de Caen, ainsi que les heures d'enseignement complémentaire dispensées par des enseignants français en français et matières scientifiques pour les académies de Rouen et Caen et en anglais pour l'académie de Rouen. D'après l'étude d'impact, les coûts supportés à ce titre par les académies d'accueil en 2010-2011 sont les suivants : 57 035 euros pour Rouen, 79 684 € pour Caen et 8 052 € pour Lyon.

L'article 6 de l'accord comporte également des dispositions qui ne concernent pas directement le fonctionnement des sections. Ainsi, l'accord a pour second objet d'instaurer une certaine réciprocité, par l'organisation, tous les deux ans, de séminaires de formation en Norvège pour les proviseurs et enseignants français impliqués dans les sections norvégiennes et par un soutien de la Norvège à l'organisation par les autorités françaises de séjours scolaires pour les élèves des lycées français des académies concernées.

Concernant les séminaires de formation, tous les deux ans, deux personnes par académie (proviseur, conseiller d'éducation, professeur ou délégué académique) y participent. Le dernier séminaire a eu lieu à Oslo du 16 au 20 octobre 2011 et le prochain est prévu pour le dernier trimestre 2013.

Concernant les séjours scolaires en Norvège, le lycée de Bayeux effectue un voyage scolaire à Voss tous les ans, depuis de nombreuses années. Au-delà de la section norvégienne, la Basse Normandie entretient une coopération très soutenue avec la région du Hordaland (Bergen), donnant lieu chaque année à cinq à six voyages scolaires d'élèves des établissements de l'académie en Norvège, portant également sur l'enseignement professionnel. Le lycée de Rouen et d'autres lycées de l'académie de Rouen entreprennent également des voyages scolaires en Norvège. En revanche, le lycée de Lyon n'a pas encore bénéficié de la possibilité d'organiser un tel déplacement pour ses élèves.

Il est très heureux que l'accord comporte des dispositions précises engageant notre partenaire à participer sur une base régulière et bien définie aux échanges culturels au-delà du fonctionnement des sections norvégiennes.

En conclusion, sans grande portée pratique immédiate, cet accord permet d'ancrer dans la durée la présence des trois sections norvégiennes sur notre territoire, elles qui contribuent déjà depuis de nombreuses années à tisser des liens étroits entre la France et la Norvège en permettant une meilleure connaissance mutuelle. Il nous rappelle aussi combien cette dimension culturelle est importante dans les relations bilatérales et pour le développement de la francophonie et nous invite à développer si possible, à consolider au moins, les initiatives en matière de mobilité des jeunes.

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