Le Groupe Arcade réunit une vingtaine d'ESH et de sociétés coopératives largement implantées dans les régions. Autour d'un groupe national fort, ces structures sont très autonomes et présentes auprès des collectivités et des élus.
Nous construisons beaucoup depuis plus de 20 ans : entre 3 000 et 4 000 nouveaux logements les trois dernières années – dont 1 000 en accession. Sur les 80 000 qui constituent l'ensemble de notre parc, cela correspond à une progression annuelle de 5 % par an, soit plus du double de la moyenne nationale. Le Groupe ne dispose pas de plus de moyens que les autres mais se fonde sur tout un système pour maintenir une telle croissance.
Pour monter une opération, trois éléments sont pris en compte : le financement, les loyers et le prix de revient.
Le prix de revient a beaucoup augmenté en dix ans car au-delà de l'inflation, la multiplication des normes environnementales ou d'accessibilité l'a fait exploser. Si nous comprenons ces exigences, nous demandons une certaine modération et plus de rationalité dans leur définition, car elles aboutissent parfois à des résultats aberrants, comme un studio plus petit que sa salle de bain. Peut-être serait-il opportun de réduire le nombre de logements soumis à ces normes qui s'imposent de façon générale actuellement ? La fiscalité, avec notamment l'alourdissement de la TVA de 5,5 à 7 % et peut-être bientôt à 10 %, grève aussi sensiblement les prix de revient. Il faut rappeler que l'allègement de la TVA sur les livraisons à soi-même était la contrepartie de la diminution des subventions.
La deuxième difficulté est celle du financement. Les prêts de la Caisse des dépôts devraient être plus longs et les frais de gestion pris par les banques distributrices du Livret A et par la Caisse des dépôts plus serrés. Le livret A, et nos financements qui en sont issus sont, on l'oublie souvent, à taux variable. La déconnexion des loyers – pour des raisons compréhensibles de modération – du taux du livret A conduit à des opérations déséquilibrées créatrices de déficits. Les simulations d'ARCADE montrent que les opérations sont toutes déficitaires pendant cinq à sept ans ; il faut de dix à quinze ans avant que les fonds propres investis ne soient récupérés. Si ARCADE peut supporter une telle situation, une déconnexion durable des loyers et du taux du Livret A peut conduire d'autres organismes à des situations problématiques, voire catastrophiques dans le cas où la péréquation ne jouerait plus.
Par ailleurs, depuis une dizaine d'années, les organismes d'HLM engagent de plus en plus de fonds propres dans leurs opérations : cette part, de 15 % du montant de l'opération en moyenne, peut varier de 10 % à 30 %. Or, tous les organismes ne disposent pas des fonds propres nécessaires. Pour dégager des capacités d'autofinancement, un organisme doit d'abord être bien géré. Ensuite, la vente d'HLM doit continuer à faire partie de l'équation du financement. Même si la proportion de logements concernés est faible (chez ARCADE, 500 à 600 logements sont vendus par an), cette activité est devenue vitale pour construire. Pour le Groupe, elle représente le tiers des fonds propres engagés à ce titre.
Enfin, la troisième source de financement propre est constituée par les marges que nous dégageons sur les opérations d'accession sociale. Notre groupe a une longue tradition dans ce domaine, avec 1 000 logements produits par an.
En matière de loyers, nous avons pu, un temps, bénéficier de « marges locales » de 20 %. Elles permettaient d'augmenter les loyers après des améliorations collectives (mise aux normes basse consommation, travaux d'ascenseurs…). Ces marges sont de plus en plus réduites, notamment en application d'une circulaire du 24 janvier 2013. Or, pour que nos opérations ne soient pas déficitaires, nous avons besoin de loyers d'un montant suffisant.
Alors que la vente d'HLM et l'accession à la propriété sont nécessaires à notre production locative, la période récente a vu un désengagement très net des banques vis-à-vis des populations modestes. À cet égard, le Crédit immobilier de France manque beaucoup aujourd'hui, car 20 % de son activité servait à aider ces ménages. Au contraire des banques, nous savons travailler avec ces populations. Historiquement, les SACICAP (Sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété), voire les sociétés d'HLM ont été des prêteurs primaires - dans le cadre des prêts PAP (prêts pour l'accession à la propriété) notamment. Au demeurant, le taux d'impayés de ces familles est des plus faibles. Les SACICAP venaient même parfois abonder, à hauteur de 5 000-10 000 euros grâce aux missions sociales, l'apport personnel de ces populations lorsqu'elles souhaitaient accéder à la propriété.
Il me faut enfin signaler le problème, qui devient grave, de la redevance facturée aux occupants de résidences sociales et de foyers par la société gestionnaire. Elle est composée de deux éléments, le loyer et les récupérations de charges. Jusqu'à la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion de 2009, cette redevance était indexée de façon composite : le loyer sur l'IRL (indice de référence des loyers) et l'ICC (indice du coût de la construction), et les charges sur les indices retraçant l'évolution, souvent plus forte, des charges. Aujourd'hui, la redevance n'est plus indexée que sur le seul IRL. Or, cette année, celui-ci a progressé de 1,73 %, tandis que les charges réelles augmentaient de 3,45 %. En conséquence de nombreux gestionnaires, notamment parmi les petites structures associatives, vont connaître des difficultés de gestion, voire ne pourront plus faire face. Il est peut-être encore temps d'y remédier.
Vouloir construire entre 120 000 et 150 000 logements par an suppose aussi de s'intéresser aux structures qui les construisent.
ARCADE a choisi de s'organiser en structures autonomes et très proches des collectivités locales. Cependant, une petite structure qui gère 5 000 logements ne pouvant disposer des mêmes ressources, compétences et expertises qu'un ensemble qui en regroupe 100 000, nos moyens et services ont été regroupés au sein d'un GIE. Ce GIE regroupe notamment des fonctions support, de nature financière ou juridique. Or, cette organisation est aujourd'hui menacée par les instances européennes. La Commission souhaiterait, en effet, que ces GIE, qui sont pourtant des regroupements fermés de moyens entre entités alliées, s'ouvrent aux entreprises concurrentes. C'est une aberration qui menace notre modèle économique.