Intervention de Jean-Luc Hees

Réunion du 12 septembre 2012 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France :

Merci de vos propos chaleureux à l'égard de Radio France qui se porte bien, en effet.

Les chantiers inscrits dans le COM pour 2011 étaient placés sous le signe de la qualité des antennes – notamment des formations musicales – et de l'audience. On peut en débattre mais que le public se détourne d'un service public n'est pas bon signe. Notre obsession première est donc que le plus grand nombre possible de Français et de contribuables écoutent nos antennes, avant même la gestion des moyens que l'État, notre seul actionnaire, nous accorde, la publicité ne représentant que 40 millions d'euros sur un budget total de plus de 650 millions d'euros. À cet égard, l'année 2011 a été très satisfaisante puisque toutes nos antennes ont gagné des auditeurs, des centaines de milliers pour France Inter. Le groupe Radio France n'a jamais eu d'aussi bons résultats depuis sept ans. Nos antennes se portent bien.

France Inter fait 11 points d'audience, et sa tranche matinale est la plus écoutée. J'admets être content des résultats. Au-delà de son audience, la station a su gagner la confiance des auditeurs. Cette antenne généraliste a réussi sa mue, opération qui peut se révéler délicate parfois. Quand on touche à un capital, changer présente toujours un risque.

En arrivant à la tête de Radio France, j'ai dû m'intéresser tout particulièrement au positionnement stratégique de France Info qui opère dans un univers mouvant – les pratiques et les modes de consommation changent – où règne une concurrence effrénée. Au milieu de l'année 2009, dans un cadre favorable avec les événements survenus dans les pays arabes et l'approche des élections, nous avons rendu l'antenne plus vivante et moins répétitive en privilégiant le direct et la spontanéité. Mais France Info doit en permanence trouver de nouvelles idées pour continuer à avancer. C'est un défi quotidien dont j'ai discuté avec le nouveau directeur : comment faire de l'information dans une maison qui ne compte que des journalistes et dans un monde où tout le monde a accès à tout ?

Je tiens particulièrement à France Bleu et à son réseau de 43 stations qui mobilisent un tiers du budget et du personnel de Radio France. Son audience, de 7,4 points, est en progression constante. Auparavant, je comptais sur les intempéries pour la faire grimper, puisque les gens ont le réflexe d'écouter France Bleu quand quelque chose ne va pas dans leur région, mais ce n'est plus nécessaire. France Bleu est un énorme investissement de service public, puisqu'elle contribue à la proximité et peut être facilement activée en cas de nécessité. Nos efforts ont été payants mais nous devons continuer à faire plus dans un cadre budgétaire qui n'est pas très favorable. Si la protection civile en avait besoin, France Bleu ferait partie des réseaux prioritaires, comme France Inter. Nous avons des obligations très précises à l'égard de l'État en la matière.

France Culture se porte magnifiquement bien et c'est une radio sans équivalent. Avec son 1 million, ou presque, d'auditeurs par jour, sa performance est éblouissante et rassurante. C'est une maison qui est pleine d'idées, infiniment respectueuse de son public, et c'est sans doute le secret de sa réussite qui m'impressionne d'autant plus que la station est toujours en mouvement. Elle s'est associée aux universités pour créer France Culture Plus qui permettra, par le biais du web, de mailler l'ensemble des universités et d'offrir nos propres produits, pour le plus grand profit des étudiants de ce pays. Nous sommes très fiers du travail accompli.

France Musique va mieux, après les changements intervenus aussi discrètement que possible, de façon à ne pas déstabiliser nos audiences. Même s'il y a toujours à redire, elle cherche toujours à se perfectionner. On lui a reproché – à tort à mon avis – d'être une chaîne bavarde mais il n'est pas inutile d'expliquer la musique, d'interviewer des musiciens… D'ailleurs, France Musique a gagné de nouveaux auditeurs la saison dernière.

Les audiences sont en hausse partout, et c'est très important pour la continuité du service.

Quant à FIP, à laquelle je suis attaché puisque j'y ai débuté, elle reste un produit radiophonique et culturel inégalable. C'est la seule radio musicale qui n'a pas perdu d'auditeurs. Si, du fait de son petit nombre de fréquences, elle ne peut guère être comparée à d'autres stations, un tel résultat est une belle performance pour une station remarquable par son brio et son originalité.

Quelques minutes pour plaider la cause du Mouv'. Écoutez-le ! Avec une trentaine de fréquences, il a forcément du mal à entrer dans la compétition radiophonique. Si vous pouviez m'aider à lui en obtenir davantage, je ne m'en plaindrais pas. Il a vu le jour il y a quinze ans, à Toulouse. À mon arrivée, la station était très musicale. Or l'offre musicale est très dévergondée en France : on trouve tout ce qu'on veut, sans payer ce qu'on devrait, on pirate beaucoup... Difficile dans ces conditions d'être, conformément à nos engagements vis-à-vis des Français, prescripteur culturel et non pas robinet à musique. Les 700 titres que France Inter diffuse chaque semaine sont choisis avec soin, et non pour faire plaisir à tel ou tel marchand de disques. Le problème du Mouv' est d'abord son taux de notoriété, 60 % seulement à Toulouse au bout de douze ans. Il faut donc le positionner, même s'il fait bien son travail. Ne fallait-il pas interrompre ce flux musical qui n'avait pas trouvé son public et essayer d'en faire une chaîne destinée aux jeunes actifs, et, s'ils le souhaitent, aux adolescents ? Je vous conseille vraiment d'écouter le Mouv' : la matinale est excellente et les programmes sont construits. Il a fallu deux ans, sous la houlette de Patrice Blanc-Francard qui connaît son travail et qui est un patron, pour refaire la station du sol au plafond et la rendre digne du service public. Nous en sommes là. Pour l'instant, l'audience reste à conquérir, mais ce n'est pas encore le problème. La priorité, c'était de faire une bonne radio, exigeante, destinée au jeune public.

Ce dont je suis convaincu, c'est que le service public doit s'adresser à tout le monde. Il ne peut pas ignorer une catégorie qui représente 15 à 30 % de la population – je ne sais pas exactement où placer le curseur –, et ensuite regretter que les jeunes n'aient pas accès à l'information, à la culture, à l'éducation, à des divertissements de qualité. Nous avons un rôle à jouer. Même si la tâche est difficile, nous ne lâcherons pas. Je compte bien susciter des réactions quand je proclame l'augmentation de 30 % du budget de cette radio, mais n'oublions pas qu'il est celui d'une radio locale. On ne peut pas dénoncer la gabegie d'argent public. Cependant, nous dépensons beaucoup de matière grise à chercher notre marché parce que nous y croyons. Nous recevons d'ailleurs quelques signaux encourageants : 100 000 followers sur Twitter, soit autant qu'Europe 1. On sent que ça bouge… Il faudrait que le Mouv' devienne la vitrine numérique et multimédia de la maison Radio France. Qui ne tente rien n'a rien. Et si nous ne faisons rien, nous sommes assurés de perdre. Il entre dans notre mission citoyenne d'essayer d'intéresser et de cultiver les jeunes Français. Ils méritent notre attention autant que vous et moi.

Parmi les chantiers du COM, il y avait le multimédia, que nous appelons, nous, les nouveaux médias, car il ne s'agit pas d'un appendice à nos activités. Radio France doit s'adapter à une nouvelle réalité, avec le budget qui est le sien. J'ai décidé d'augmenter d'un tiers le budget qui leur était consacré parce que l'enjeu est vital pour nos antennes. Bérénice Ravache, secrétaire générale du groupe, m'a présenté Joël Ronez qui était le patron du multimédia sur Arte. Et il a réussi, tout en s'adaptant aux contraintes, à transformer l'attitude de la maison à l'égard du numérique, qui ouvre la voie à un monde différent, riche de perspectives de création. La révolution technologique apportera de nouveaux contenus en nous permettant d'approcher les gens différemment, en particulier ceux qui ont d'autres modes de consommation des médias. Sur ce plan, la maison avance avec frénésie et je dois parfois y mettre le holà parce que les initiatives sont consommatrices de crédits et d'emplois.

Création d'emplois, dans une maison comme la nôtre, est souvent synonyme de redéploiement, un terme qui est mal perçu par le personnel. Même si notre avenir est dans les nouvelles technologies, il est toujours difficile de déranger les habitudes.

Autre grand chantier : la réhabilitation de la Maison de la radio. Elle est extrêmement coûteuse mais la tenue au feu du bâtiment n'était que de quelques minutes. Il y allait de la sécurité du personnel et le problème était très angoissant pour mes prédécesseurs comme pour moi. À telle enseigne que, en tant que directeur de France Inter, j'avais fait déménager la station. L'opération en cours est très anxiogène : le phasage du chantier est très précis et il faut faire déménager les services au fur et à mesure alors que nous continuons nos émissions.

Très souvent, qui dit chantier public dit surcoût et retard. En début d'année, j'ai dû autoritairement renégocier avec notre maître d'oeuvre. Les échanges ont été longs et tendus, mais je représentais les intérêts des contribuables. J'ai finalement obtenu que le contrat soit résilié à la fin de la phase 2, pour apurer les comptes et repartir sur de nouvelles bases. La suite du chantier devrait être plus simple. Je ne voulais pas signer des avenants qui engageaient les finances publiques et qui excédaient, de mon point de vue, la rémunération normale d'un architecte et d'un maître d'oeuvre. La tutelle a été alertée et j'ai obtenu le mandat du conseil d'administration pour négocier. Le retard est dû d'une part à cette renégociation, d'autre part aux intempéries des deux derniers hivers. La responsabilité du projet a été confiée à Nadim Callabe, un professionnel, pour notre plus grande satisfaction.

Le dialogue social enfin. La culture syndicale est très développée à Radio France et les relations y sont très vivantes. Je suis arrivé à Radio France le 12 mai 2009, quinze jours après la dissolution de la convention collective. Nous négocions depuis trois ans ; nous avons failli aboutir pour les journalistes dont les deux principaux syndicats avaient signé, mais d'autres syndicats ont fait valoir leur droit d'opposition. Comme des élections professionnelles auront lieu à l'automne, nous avons jugé plus raisonnable de patienter jusqu'à ce qu'elles aient eu lieu pour reprendre nos travaux.

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