Intervention de Jean-Luc Hees

Réunion du 12 septembre 2012 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France :

Je vous remercie pour ces louanges – qui s'adressent en réalité à nos équipes, constituées de plusieurs milliers de personnes. De multiples questions d'ordre budgétaire ont été posées, qu'il s'agisse des perspectives budgétaires ou de la gestion des effectifs.

L'État n'a pas maltraité Radio France en termes budgétaires puisque le contrat d'objectifs et de moyens a connu une progression, au cours des trois premières années de mon mandat, ce qui nous a permis d'avoir une certaine ambition.

J'essaye d'infuser à Radio France un état d'esprit que traduit bien l'expression que l'on trouve sur les panneaux des routes en travaux aux États-Unis : « your taxes at work », c'est-à-dire « vos impôts au boulot ». Cependant, l'équation budgétaire est complexe. Dans notre contexte d'austérité, soit l'on abandonne toute ambition, soit l'on essaye de faire les choses différemment. L'équipe de direction tente de trouver des formules sans aucune brutalité car cette dernière, que l'on rencontre dans nos métiers en dehors de Radio France, n'est pas dans les habitudes de la maison. Je me suis ainsi engagé auprès du personnel de Radio France et des syndicats à respecter scrupuleusement le périmètre d'emplois que je ne dépasserai cependant pas. La question du périmètre d'emplois a d'ailleurs fait l'objet de toutes les discussions que j'ai eues avec mon actionnaire depuis le 15 juillet. Il n'y aura donc pas de « casse sociale » mais il faudra nous moderniser et nous adapter. Le terme de « redéploiement », qui dérange certains, correspond aussi à une manière de protéger l'avenir des personnels. Tout changement d'affectation est volontaire, et nombreux sont les personnels conscients du fait qu'investir dans sa formation et ses connaissances dans un domaine en évolution constitue un passeport et une sécurité.

Le développement du multimédia à Radio France mobilisera entre 140 et 144 personnes ; or, l'État ne nous proposera pas de recruter à tour de bras. Nous en avons trouvé 101 sans que personne n'ait dû quitter la maison. Cela ne dénature ni la vie ni le travail des gens, même si cela peut être difficile. En effet, il nous faut parfois déplacer certains agents d'une quarantaine de kilomètres afin de prendre en compte les besoins de nos territoires, auxquels nous sommes très attachés.

Le budget 2013 sera contraint et nous obligera à faire de bons choix permettant de réaliser des économies, notamment parce que l'on nous a priés de regarder attentivement nos dépenses. Radio France a besoin d'avoir de la visibilité un an à l'avance par rapport à ses budgets. En 2011, Radio France a, pour la première fois, payé un impôt – l'impôt sur les sociétés - à hauteur de 2,6 millions d'euros. Cela a pu choquer certains salariés.

La confiance ne se décrète pas : elle s'instaure de budget et budget. Je veille au corps social. Tant les syndicats que moi-même sommes dans nos rôles respectifs. Nous entretenons une relation virile mais correcte.

Madame Buffet, que l'on parle d'« émissions pour les femmes » me choque autant que vous. Il s'agit d'une maladresse de communication, comme on en commet parfois. Reste que l'on doit pouvoir faire mieux dans ce domaine – mais il faut aussi faire avec la situation de départ. À nous de faire avancer les choses ; et si je compte nommer une femme au poste de directeur général déléguée, ce n'est ni en réponse à d'éventuelles pressions, ni pour appliquer de quelconques quotas. J'adore travailler avec les femmes !

Il est vrai qu'Anne Brucy nous a quittés et qu'elle était la seule femme directrice d'antenne. Mais je suis responsable de la bonne marche de Radio France et je n'ai pas l'habitude de prendre mes décisions à la légère. Quand je souhaite avancer dans une direction, je recherche la personne la plus qualifiée au sein de la maison ; en l'espèce, il se trouve qu'il s'agissait d'un homme – un grand patron et un grand journaliste. Soyez assurés que le réseau de France Bleu y trouvera son compte.

Vous avez dit que j'étais le septième homme à la tête de Radio France, mais vous oubliez Michèle Cotta, qui fut une grande présidente. D'autre part, je ne vais pas regretter d'avoir été nommé président ! Ces questions sont fort complexes. J'entends toutefois vos remarques, et nous sommes bien conscients du problème ; il s'agit d'un des sujets préférés de notre future directrice générale, qui a déjà commencé à l'évoquer avec moi.

La moitié de la grille de programmes du Mouv' a été attribuée à des femmes, de même que celle de France Culture ; les adjoints aux directeurs de France Inter et de France Culture sont des femmes ; la Matinale de France Info est réalisée par des femmes. Mais je vous promets que nous ferons mieux, parce que c'est nécessaire.

J'en viens aux relations sociales. Notre maison a besoin de se moderniser, et nous devons mettre en place de nouveaux outils ; pour cela, il convient, j'en suis d'accord, d'améliorer le dialogue social. Je suis pour la paix, pas pour la guerre : si l'on n'a pas l'adhésion des personnels, rien ne peut marcher. Je m'efforce donc de l'obtenir, mais ce n'est pas simple : il faut tenir compte du contexte, de la culture de la maison, de la perspective des élections professionnelles et de la compétition entre les syndicats. Si j'ai tort ou que je ne respecte pas les procédures, ceux-ci me renvoient immédiatement dans mes buts – et c'est bien normal ! Tout cela fait partie de la culture de la maison et il faut l'accepter, même si j'aimerais que l'atmosphère soit de temps en temps plus apaisée, notamment lorsque nous attendons les arbitrages budgétaires. Je souhaiterais tant que l'on arrive à se comprendre et à jouer collectif !

J'ai en effet dit que la RNT serait le nirvana du service public, car elle permettrait de garantir la gratuité, l'anonymat et le bon acheminement de nos produits. En outre, les citoyens de ce pays ont le droit de pouvoir accéder à la radio sans passer obligatoirement par un opérateur de télécommunications. Cela étant, dans la conjoncture économique actuelle, je ne veux pas faire l'enfant gâté et exiger à la fois la modulation de fréquence et la RNT. Il reste que ma conviction n'a pas changé : la RNT ne permet pas seulement de dupliquer les radios, elle est l'occasion de réinventer un tas de choses ; et les produits pour le multimédia sont aussi destinés à la RNT. Il ne s'agit pas d'une incantation ! Les temps sont durs, mais il serait dommage de jeter le bébé avec l'eau du bain ; n'hypothéquons pas l'avenir.

Je discute beaucoup de ces sujets avec mes homologues anglais, danois, allemand. Eux ont choisi de faire la RNT, et ils ne s'en portent pas si mal – même s'il est difficile de comparer les marchés et les structures des radios nationales. Mais je leur ai dit qu'elle n'était pas à l'ordre du jour chez nous pour des raisons économiques.

Je ne critiquerai pas mes concurrents du privé. Chacun a sa façon de faire, et ils peuvent changer d'avis : je rappelle qu'il y a quelques années, le Bureau de la radio, qui regroupe des stations privées, n'était pas hostile à la RNT. Sur cette question, je n'ai donc aucun état d'âme : je serais heureux si la France se dotait un jour d'un grand réseau de RNT, mais si elle n'en a pas les moyens, tant pis. Je respecte la position de l'actionnaire sur ce sujet ; d'ailleurs, vu les circonstances, je pense qu'il a raison.

Nous avons beaucoup discuté en interne – y compris avec les organisations syndicales – de la création de la nouvelle antenne de France Bleu à Saint-Étienne, et les élus de la région s'y sont montrés favorables. Nous ne manquerons pas à notre parole ; nous trouverons en interne les moyens pour faire une belle radio. Celle-ci émettra à partir de 2013 – je ne peux pas vous donner de date précise, je m'adapterai au calendrier budgétaire.

Quant à savoir si d'autres antennes seront créées, cela dépend de vous ! Alors qu'il s'agit d'un service payé par le contribuable, France Bleu ne couvre que 80 % du territoire national : cela signifie qu'un Français sur cinq n'y a pas accès – et ne parlons pas du Mouv' ou de Fip !

Le Mouv' réalise 0,4 à 0,5 point d'audience, ce qui représente 200 000 à 250 000 auditeurs : c'est peu. Mais si le public des antennes de Radio France a tendance à rajeunir, il est certain que l'âge médian de nos auditeurs n'est pas de 18 ans ! Aussi, je suis content quand on me dit que ceux du Mouv' en ont 30. Oui, il existe bien une cible pour cette antenne ; si l'on examine ce qui se passe sur Twitter ou sur Facebook, on voit bien que les choses bougent, et que même des gens âgés les utilisent. Nous avons besoin de temps. J'ai des équipes formidables, qui font de la très bonne radio, mais je n'ai pas les moyens de communiquer comme je le souhaiterais. Je ne peux pas, comme certaines radios périphériques, engloutir des millions d'euros dans des campagnes d'affichage à chaque rentrée ! Il faut donc trouver d'autres astuces.

Madame Attard, je ne compte pas changer l'horaire de diffusion de Là-bas si j'y suis.

S'agissant des redéploiements, j'ai besoin de travailler à effectifs constants ; contrairement à d'autres, les personnels de Radio France partent sans angoisse au travail le matin. Certes, on peut voir les redéploiements comme un mal nécessaire, mais c'est aussi une source d'avenir. Quoi qu'il en soit, cela se fait toujours de manière volontaire.

Les relations avec RFI sont un sujet trop complexe pour être abordé en si peu de temps. Disons qu'à titre personnel elles sont bonnes, et que je suis heureux que Mme Saragosse, qui est quelqu'un de très bien humainement comme professionnellement, prenne en main le destin de cette magnifique maison.

Nous n'arrivons pas à mesurer l'audience de France Inter la nuit. Cela fait douze ans que nous proposons un programme de rediffusions, avec une seule heure en direct : c'est moi qui ai mis ce système en route. Aujourd'hui, la seule différence, c'est que nous le disons, alors cela fait problème. Mais dans la conjoncture actuelle, l'impératif est de faire des économies. Cela ne lésera personne, et nous avons veillé à ce que l'information soit toujours traitée : il y aura toujours du monde dans le studio et quoi qu'il arrive, France Inter remplira son office, quelle que soit l'heure. Cela ne modifiera donc pas grand-chose, si ce n'est sur le principe. Certes, j'ai connu des nuits agitées et très amusantes sur France Inter, avec mon ami Jean-Louis Foulquier, mais l'heure n'est plus à l'amusement.

S'agissant de notre audience à l'étranger, je ne suis pas malheureusement pas comptable des fréquences ; en revanche, je sais que nous sommes très écoutés, via Internet.

Je suis sincèrement désolé, monsieur Vlody, pour les problèmes d'horaire de la diffusion outre-mer. Lors des campagnes électorales, il nous faut même fermer l'antenne parce que vous votez avant nous ! Il m'arrive d'écouter l'émission dont vous parlez ; elle est intéressante, je crains cependant que vous n'ayez raison : il faudra que je regarde cela de plus près.

Il y a eu des changements dans la maison, mais je ne m'exprime jamais sur les questions de personnalité, car je ne trouve pas cela convenable. Quitter Radio France n'est jamais facile, j'en sais quelque chose, et je ne souhaite rien ajouter de plus. Il reste que j'ai besoin d'être d'accord avec les personnes avec qui je travaille.

Notre principal obstacle, c'est le budget ; je dirige une maison dynamique, et vos compliments doivent aller d'abord au personnel de Radio France. Toutefois, je ne me plaindrai jamais des moyens qui nous sont accordés par l'actionnaire, même si je me bats pour les obtenir.

Le trafic IP représente moins de 1 % de nos audiences – sachant que l'on compte 14,2 millions d'auditeurs par jour.

À M. Kert qui m'interrogeait sur la ligne éditoriale de France Inter, je répondrai que Radio France est une maison indépendante et que je veille à ce que cela soit vrai quel que soit le gouvernement. Cela fait partie des missions du service public. Le personnel a prouvé son indépendance et je n'ai jamais rencontré de difficulté en matière de ligne éditoriale : nous discutons beaucoup, nous fabriquons les programmes ensemble. Chacun pourra vous confirmer qu'il règne dans cette maison une totale liberté en la matière.

S'agissant du déménagement de RFI, chaque mois passé par ses équipes dans nos murs nous coûte 1,2 million euros. Sur le fond, je ne prendrai pas position, mais je rappelle qu'il s'agit de l'argent des contribuables ; en outre, je ne crois pas qu'il y ait d'autre solution, sinon elle aurait déjà été mise en oeuvre. On ne peut pas tout bloquer ainsi.

Nos concurrents recommencent à proposer des décrochages locaux, alors qu'ils y avaient renoncé il y a quelque temps. Le marché me semble donc porteur et je prédis un bel avenir au réseau de France Bleu !

Nous essayons aussi de dynamiser le contenu éditorial. Je suis convaincu que Radio France dans son entier doit être une maison de culture : cela ne vaut pas que pour trois ou quatre antennes. Les 1 500 personnes qui travaillent pour le réseau de France Bleu ont une vraie envie de culture, ils veulent avoir du souffle. C'est pourquoi j'ai confié ce chantier à Philippe Chaffanjon.

La particularité en Alsace, c'est la langue : nous émettons en alsacien en ondes moyennes. Évidemment, tout cela a un coût, et j'espère que vous vous en souviendrez quand vous voterez le budget… Je ne voudrais pas décevoir mes amis alsaciens !

Le troisième numéro de France Culture Papiers vient de sortir. La revue se vend à plus de 20 000 exemplaires et c'est une petite merveille. Il s'agit d'une excellente idée, dont la paternité revient à Olivier Poivre d'Arvor ; cela ne nous coûte rien – bien au contraire ! – tout en nous permettant de faire la promotion du service public. Nous ne sommes pas des éditeurs papier et nous ne souhaitons pas concurrencer qui que ce soit, mais si vous l'avez entre les mains, vous comprendrez pourquoi nous sommes fiers de ce produit ; c'est mieux que d'acheter des espaces publicitaires, même si cela nous donne plus de mal !

J'ai mis du temps à évaluer le montant des investissements à consentir dans le multimédia ; cela m'a été reproché, mais je crois que j'ai eu raison. Radio France est une entreprise intégrée : quand nous souhaitons offrir un nouveau service, nous devons concevoir, fabriquer puis exporter nous-mêmes nos produits. C'est ce à quoi nous avons travaillé, avec Joël Ronez. Je crois que nous avons fait les bons choix ; lorsque chaque euro compte, on n'a pas le droit se tromper ! Le numérique n'est ni une incantation ni un slogan, c'est un média nouveau, un nouveau monde.

L'audience de France Bleu est de 24 % dans les villes de plus de 200 000 habitants, de 19 % dans les villes entre 20 000 et 200 000 habitants, de 57 % dans les agglomérations de moins de 20 000 habitants et de 37 % en milieu rural. Une des missions que j'ai confiées à Philippe Chaffanjon est précisément de mixer tout cela : il faut adapter nos produits de façon que chaque station propose du « cousu main ». Il s'agit du chantier à venir.

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