Intervention de Dominique Lefebvre

Réunion du 3 avril 2013 à 10h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre :

Le second objectif de nos propositions est de consolider la confiance des Français dans l'assurance-vie, en privilégiant les placements de long terme et en incitant à la prise de risque en faveur des entreprises.

Pourquoi en sommes-nous arrivés à nous pencher sur l'assurance-vie, sa place dans le financement de l'économie et les comportements d'épargne des ménages, et à envisager la réorientation d'une partie de ces 1 450 milliards d'euros ?

Le besoin de financement des entreprises ne résulte ni d'une insuffisance d'épargne en France ni d'une insuffisance financière. Il ne résulte pas davantage du poids de l'épargne réglementée dans l'épargne financière, qui a été divisé par deux depuis 1977, puisqu'il est passé de 30 % à 15 %. En revanche, l'assurance-vie représente désormais 40 % de l'épargne financière – contre 5 % en 1977. La raison en est simple : elle bénéficie d'un statut fiscal particulièrement avantageux, avec une forte défiscalisation des produits au-delà de huit ans – un taux de prélèvement fiscal de 7,5 %, auquel s'ajoute le prélèvement social de 15,5 % – et d'un régime de transmission très favorable au regard du droit des successions, qui intéresse en priorité les gros patrimoines. L'existence de ce régime fiscal explique d'ailleurs que peu de produits d'épargne aient émergé aux côtés de l'assurance-vie ; elle explique aussi le relatif échec de l'épargne retraite et de l'épargne salariale, malgré un coût important – ces deux dispositifs représentent plus de 4,5 milliards d'euros de dépense fiscale, et collectent respectivement 160 et 90 milliards d'euros, quand l'assurance-vie en représente 1 450. Une autre caractéristique doit être notée : on dénombre 20 millions de contrats d'assurance-vie dans notre pays pour 17 millions de ménages. Cela va de contrats de 10 000 à 20 000 euros, 50 000 euros en moyenne jusqu'au neuvième décile des revenus, 70 000 euros pour les trois premiers centiles suivants, 200 000 euros en moyenne pour les trois ou quatre centiles suivants, et plus de 600 000 euros – jusqu'à plusieurs millions d'euros pour certains – sur le dernier centile.

L'assurance-vie développe trois types de produits. Il y a d'une part des contrats en euros, dont la liquidité n'a rien à envier à celle du livret A, puisque la garantie de capital est offerte à tout moment à l'épargnant par l'assureur – d'où le comportement de ce dernier, qui remplit ses contrats d'obligations liquides et vendables sur le marché, plutôt que d'actions présentant à terme une rentabilité plus élevée, à raison notamment des normes prudentielles qui ont été renforcées. Le deuxième type de produits, les contrats euro-diversifiés, n'a pas véritablement décollé. Ces contrats reposent sur un transfert partiel du risque sur l'épargnant, puisque le capital accumulé n'est garanti qu'au terme du contrat, et non à tout moment de celui-ci. La troisième catégorie de contrats, les contrats en unités de compte, n'a pas non plus vraiment décollé. J'ai répondu l'autre jour au président d'une grande institution d'assurance-vie française, qui observait que la fiscalité devrait être davantage corrélée au risque, que dans l'assurance-vie, le risque pour l'épargnant n'était pas le même dans un contrat en euros, un contrat euro-diversifié et un contrat en unités de compte, mais qu'ils étaient pourtant imposés de la même manière. La question posée est de savoir si cela doit perdurer.

Nous faisons pour notre part deux propositions, dans le cadre d'une enveloppe globale d'incitation à l'assurance-vie inchangée. La première consiste à mettre en place un nouveau produit, compris par les épargnants qui accepteront – sachant que la durée moyenne de placement sur un contrat d'assurance-vie est d'une dizaine d'années – d'avoir la garantie de retour de leur capital au terme du contrat, ce qui permettra mécaniquement aux assureurs d'avoir une allocation d'actifs et des contrats dont le contenu en actions – et partant la contribution au financement de l'économie – est plus important. La seconde vise à réserver l'avantage fiscal, au-delà d'un certain niveau d'encours de contrat d'assurance-vie par foyer fiscal, à des contrats dont le contenu en actions – et donc l'efficacité pour le financement de l'économie – est plus important, en créant au sein des contrats des compartiments permettant d'investir une partie de ces placements dans des ETI et des PME, dans l'investissement à impact social et, le cas échéant, dans l'investissement immobilier intermédiaire collectif. Je m'étonne donc que ceux-là mêmes qui tiennent un discours sur la prise de risque et l'épargne longue nous expliquent dans la presse de ce matin que ce serait une hérésie de distinguer les riches et les pauvres dans l'assurance-vie, et de réserver l'avantage fiscal dont bénéficient les contrats les plus élevés à ceux dont le contenu en actions – donc la contribution au financement de notre économie – est plus important.

Ces deux mesures nous semblent à même de réorienter respectivement 20 milliards et 50 milliards d'euros – soit 70 milliards au total, aujourd'hui placés en obligations d'État françaises ou étrangères – vers les actions.

Cette proposition sera rapidement soumise au débat avec les professionnels, afin de pouvoir être précisée.

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