Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Réunion du 3 avril 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure :

À ce titre, 2 enjeux différents doivent être distingués. S'agissant de la petite hydroélectricité, des contraintes environnementales empêchent son développement ; nous avons donc cherché à étudier comment concilier la possibilité de relancer les projets de petites centrales et un niveau de protection de la qualité écologique des cours d'eau très élevé. Je rappelle que la très grande majorité de ces petites centrales sont soumises au régime de l'autorisation, applicable aux installations d'une puissance inférieure à 4,5 MW.

Mais la question traitée par le rapport au sujet de laquelle l'attente est la plus forte est bien évidemment celle du devenir des concessions hydrauliques, c'est-à-dire des ouvrages dont la puissance est supérieure à 4,5 MW. Il s'agit d'une question majeure, car ils représentent 93% de la production hydroélectrique française. Nous avons pu constater au cours de nos travaux à quel point ce sujet déchaînait les passions des acteurs du secteur de l'énergie : pas moins de 12 entreprises, venant de 7 pays différents, ont confirmé leur intention d'exploiter les centrales françaises.

Nous évoquerons, dans un premier temps, la question du devenir de la petite hydroélectricité. Nous déplorons que cette dernière soit la grande oubliée des questions énergétiques – au même titre que l'hydroélectricité en général.

Les installations hydroélectriques bénéficiant d'un contrat d'obligation d'achat produisent annuellement 5,4 TWh d'électricité. Leur coût pour la CSPE est faible : selon les chiffres donnés par la CRE, il s'élève à 71 €MWh produit en 2013. Par comparaison, ce chiffre est de 89 €MWh pour l'éolien et 459 €MWh pour le photovoltaïque. Alors que ces chiffres plaident pour un développement de cette source d'énergie verte, on constate que le rythme de développement de la petite hydroélectricité est bien en deçà des objectifs fixés.

Les acteurs de l'hydroélectricité, réunissant petits producteurs et associations de défense de l'environnement, ont signé, en juin 2010, une convention d'engagements « pour le développement d'une hydroélectricité durable en cohérence avec la restauration des milieux aquatiques ». Elle fixe un objectif de développement de la production hydroélectrique de 3 TWh d'ici à 2020. Repris par la programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité, il constitue l'une des composantes de la stratégie française de développement des énergies renouvelables. Cela signifie que pour atteindre la cible de 23 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie d'ici à 2020, la France doit parvenir à cet objectif de développement de 3 TWh. Pourtant, la trajectoire de production d'électricité par des installations hydrauliques stagne depuis 2008.

En réalité, la mise en valeur du potentiel existant est freinée par deux facteurs. Le premier est la nécessité pour les petits producteurs de basculer des tarifs d'achat vers le marché, ce qui est une opération difficile.

Je rappelle que, si, par principe, un contrat d'obligation d'achat ne peut être renouvelé, la loi prévoit deux exceptions. D'une part, la loi NOME a introduit une disposition particulière pour les installations bénéficiant d'un contrat d'achat « 97 », arrivant à échéance à partir de 2012 : ces contrats pourront être renouvelés une fois à leur échéance aux mêmes conditions et pour une durée de quinze ans, sous réserve de la réalisation d'un programme d'investissement. Ce programme d'investissement a été défini par un arrêté récent, datant du 10 août 2012.

D'autre part, réaliser des investissements importants visant à accroître les performances environnementales et énergétiques de l'installation ouvre droit à un nouveau contrat d'obligation d'achat, dit de « rénovation ». Ce contrat « rénovation » présente un défaut : il introduit un effet de seuil important, qui incite les producteurs à limiter le gain de puissance de leur ouvrage pour ne pas dépasser la barrière des 400 kW. C'est pourquoi il serait nécessaire de supprimer cet effet de seuil.

Quant aux autres installations, pour lesquelles aucun investissement n'est nécessaire, elles ne pourront bénéficier d'un nouveau contrat (contrat « rénovation ») ou d'une prolongation de leur ancien contrat (contrat « loi NOME »). Perdant le bénéfice de l'obligation d'achat, elles seront donc contraintes de valoriser leur électricité sur le marché. Il s'agit d'une véritable rupture : les exploitants qui, jusqu'à présent, n'avaient à se soucier que du fonctionnement technique de leur installation, doivent désormais prendre en charge l'aspect économique, ce qui nécessite la maîtrise de compétences spécifiques.

Des acteurs (agrégateurs, coopératives) développent des offres de service spécifiques à destination des petits hydrauliciens pour les aider à assurer cette nouvelle activité. De telles structures sont nécessaires, à condition que le rapport de force ne soit pas défavorable aux producteurs, notamment quand ce sont des particuliers.

En résumé, l'équation économique de la petite hydroélectricité a des solutions, mais deux inconnues : la suppression de l'effet de seuil du contrat « rénovation » et le contrôle par l'État du bon fonctionnement des agrégateurs de production.

Deuxième frein au développement de la petite hydroélectricité, les contraintes environnementales n'intègrent pas suffisamment la spécificité de ce moyen de production.

La directive cadre sur l'eau de 2000 introduit le principe de continuité écologique des cours d'eau, transposé dans le droit français par la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 puis par la loi Grenelle II. Les cours d'eau qui doivent être soumis à une protection particulière en raison de leur intérêt écologique font l'objet d'un classement, prévu par le code de l'environnement : soit le classement en liste 1, pour les cours d'eau sur lesquels les exigences doivent être les plus élevés ; dans ce cas, aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique ; soit le classement en liste 2 ; ce régime est moins strict que le classement en liste 1, mais prévoit quand même que tout ouvrage placé sur un cours d'eau classé en liste 2 doit être géré et entretenu selon des règles définies par l'autorité administrative compétente.

Ces dispositions divisent par trois le potentiel hydroélectrique des sites vierges pouvant faire l'objet de nouvelles installations.

En effet, l'Union Française de l'Électricité (UFE) a identifié, en septembre 2011, un potentiel hydroélectrique « brut » – c'est-à-dire avant examen de la faisabilité technique, économique et environnementale des projets – de 10,6 TWh, se répartissant en création d'ouvrages neufs (9,5 TWh) et équipement d'ouvrages existants (1,1 TWh). En croisant les données de potentiel avec les projets de classement en liste 1, où tout projet faisant obstacle à la continuité écologique sera interdit et où de ce fait aucune demande ne sera instruite, ce potentiel est réduit de 75%. Dans cette hypothèse, l'objectif d'accroissement de la production hydroélectrique française de 3 TWh à l'horizon 2020 est très compromis.

Il apparaît donc nécessaire de procéder à un rééquilibrage des classements des cours d'eau, en préservant d'un classement en liste 1 les zones propices à l'hydroélectricité qui ne présentent pas un intérêt écologique majeur et à la condition que les ouvrages construits soient dotés de dispositifs destinés à favoriser la continuité écologique des cours d'eau. De tels équipements existent. En procédant au cas par cas et en joignant systématiquement une étude d'impact à tout nouveau projet, il nous semble que ce rééquilibrage ne nuirait pas à la richesse des fleuves et rivières français. À ce titre, soulignons que les sites à potentiel hydroélectrique ne concernent que 4% du linéaire des cours d'eau classés.

Si certains arrêtés de classement sont déjà parus, ceux relatifs aux bassins Rhône-Méditerranée et Adour-Garonne, les deux zones à plus fort potentiel hydroélectrique, sont en cours de discussion, et il est donc tout à fait essentiel de peser, dès maintenant, sur leur élaboration.

Les grands ouvrages hydroélectriques sont également à un moment clé de leur existence. Je vais laisser le soin à mon collègue de vous rappeler, dans un premier temps, le contexte juridique.

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