Intervention de Frédéric Chalmin

Réunion du 3 avril 2013 à 16h15
Commission des affaires économiques

Frédéric Chalmin :

S'agissant de la séparation des activités amont et aval, il faut distinguer les aspects juridique et industriel. Sur le plan juridique, avant la cession les activités amont appartenaient à Arkema France alors que les activités aval étaient des filiales à 100 % d'Arkema. Il s'agissait donc d'entités juridiquement distinctes. Cette situation est restée inchangée à la création du groupe Kem One. À l'inverse sur un plan industriel il existe une véritable logique d'intégration que la mise en cessation des paiements des seules activités amont la semaine dernière vient rompre.

En ce qui concerne les moyens de redressement de l'activité, il n'existe pas de réponse unique et simple. Une première action pourrait consister à revoir le partage de la valeur dans la chaîne industrielle complexe à laquelle elle appartient qui partant du naphta et de l'extraction du sel va jusqu'à la production de produits semi ouvrés. Au sein de cette chaîne, la répartition de la valeur représente une question centrale puisque la plupart des outils qui la composent ont été conçus pour être intégrés, au sein de plateformes : on ne peut pas évaluer l'économie de l'une des composantes sans considérer simultanément celles des autres. À cet égard, il convient de souligner que la scission d'entreprise (« spin off ») de Total qui a conduit à la création du groupe Arkema a représenté une rupture. Total avait hérité lors du rachat d'Elf d'un ensemble industriel intégré. À la création d'Arkema, Total a décidé en effet de conserver les vapocraqueurs (pétrochimie) et cédé certaines des activités aval importantes comme les activités vinylique. Des opérations de même nature sont réalisées en Allemagne et en Europe du Nord mais elles ont souvent été traitées de manière différente sur un plan commercial : si en Europe du nord les contrats de ventes des produits intermédiaires se font suivant des principes de partage de marge, dans notre cas la formule retenue consiste en un niveau de ristourne fixe par rapport à un prix de marché. Cette formule a bien fonctionné jusqu'à la crise de 2008, les contrats garantissant une répartition satisfaisante et stable du taux de marge entre les différents acteurs. Mais, elle rencontre aujourd'hui ses limites, puisque la part de la marge affectée à notre activité est passée de 60 % à 30 % de la marge réalisée par l'ensemble de la chaîne. Des négociations ont été engagées avec Total sur l'éthylène afin d'adapter le contrat d'approvisionnement aux conditions économiques actuelles, mais ces négociations s'avèrent difficiles.

Un deuxième enjeu est relatif à l'énergie. Dans ce domaine, deux sources doivent être distinguées. Tout d'abord, la vapeur où, là encore, les paramètres du contrat d'approvisionnement que nous avons avec Total sur la plateforme de Lavera ne fonctionnent plus de manière satisfaisante, au point de trahir son esprit même. Depuis la création d'Arkema, la vapeur nous est fournie par Total qui possède la moitié du vapocraqueur dans des conditions qui ne sont plus économiques du fait de l'évolution relative des prix du gaz et du fuel au point que cela représente pour nous une perte d'environ 10 millions d'euros par an. Par ailleurs l'adaptation des outils de production de vapeur à cette nouvelle donne énergétique permettrait d'améliorer nos résultats de 10 autres millions. Toujours sur la vapeur nous avons dû renoncer à Balan à un investissement de plus de 10 millions d'euros devant l'incertitude réglementaire des tarifs de rachat d'électricité des cogénérations : cela pénalisera nos résultats d'environ 2 millions d'euros par an. En ce qui concerne ensuite l'électricité, deux contrats sont actuellement en vigueur, l'un avec EDF, l'autre avec Exeltium qui n'est plus compétitif du fait en particulier de la récente dépréciation de la note financière d'Arcelor Mittal. Le coût d'accès à l'électricité est de près de 55 euros par MWh, soit 15 euros de plus que ce à quoi ont accès les entreprises concurrentes allemandes. Des solutions existent pour remédier à cette situation consistant à remettre en cause le partage des contrats, effectué lors de la création de Kem One par les groupes Klesch et Arkema. Cela permettrait d'améliorer nos résultats de 15 autres millions par an. Au total, l'enjeu de ce questionnement de la place de Kem One dans la chaîne de la valeur est une amélioration du résultat de plus 60 millions d'euros par an. Inversement ne pas se poser cette question c'est voir l'entreprise risquer de disparaître et avec l'ensemble de la chaîne de la valeur c'est-à-dire l'ensemble de la valeur.

J'en viens maintenant à la question de savoir quels pourraient être les investisseurs intéressés par l'entreprise. Deux familles potentielles peuvent être identifiées. Kem One est le troisième producteur de polychlorure de vinyle (PVC) en Europe mais sa taille reste insuffisante, ce qui ouvre la possibilité d'une fusion. Deux autres acteurs seraient susceptibles d'être intéressés : le groupe INEOS et le groupe Solvay. Compte tenu de l'importance d'INEOS, une fusion conduirait à placer le groupe dans une position dominante, ce qui rend cette option peu probable en raison notamment de la réglementation européenne. Une fusion avec le groupe Solvay, acteur de premier plan, pourrait en revanche être une solution de nature à favoriser une consolidation du marché. Mais, la première réaction de ces groupes est plutôt l'attente. Ils ont tout intérêt à ce qu'un acteur comme nous disparaisse, afin de réduire le problème des surcapacités sur le marché. Il faut donc garantir la survie de Kem One pour accéder à la possibilité de ces discussions. Une deuxième « famille » de repreneurs potentiels pourrait être des industriels chinois par exemple qui ont de l'argent à investir et qui se positionnent dans les secteurs de la chimie et de la pétrochimie comme les sociétés Petrochina ou Blue Star. Je crois moins à une option moyen-orientale dans la mesure où ces acteurs cherchent plus dans le domaine à s'intégrer chez eux en aval.

Vous avez également évoqué les demandes formulées par l'administrateur judiciaire. Un premier sujet urgent est de dégager, d'ici le 9 avril prochain, les moyens de financement nécessaires à la poursuite de l'activité pendant la période d'observation. Or, comme cela a été indiqué, Kem One est confronté à des pertes structurelles et ne disposait que de 2 millions d'euros de trésorerie au moment de la mise en redressement judiciaire. Trouver un tour de table est donc le préalable à toute autre réflexion et la principale préoccupation de notre administrateur judiciaire, maître Sapin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion