Intervention de Pierre Moscovici

Séance en hémicycle du 10 juillet 2012 à 15h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011

Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mesdames et messieurs les députés, après la discussion du projet de loi de règlement vient le temps du débat d'orientation budgétaire pour les années 2012 à 2017, c'est-à-dire pour le quinquennat qui commence. L'enjeu, pour le Gouvernement comme pour votre assemblée, sera de créer au cours de ces années, par leur action en matière économique et financière, les conditions du changement. Je veux aujourd'hui vous présenter les grandes lignes de notre stratégie pour réussir ce parcours.

Créer les conditions de la réussite du changement exige de concilier – de réconcilier, peut-être – dans un même agenda politique nos leviers français et européens, notre politique de redressement des comptes et de relance de la croissance, dans un contexte économique très fragilisé. La tâche est difficile, nous ne la sous-estimons pas. Nous avons pris la mesure du défi et voulons le relever, avec l'aide du Parlement.

Vous connaissez les contraintes entourant la tâche qui nous attend, la Cour des comptes les ayant détaillées la semaine dernière. Lors du débat sur la loi de règlement, Gilles Carrez, président de la commission des finances, ainsi que Jérôme Chartier, nous ont parfois donné l'impression de se livrer à une mystification visant à nous faire croire à la réussite du quinquennat précédent – un étonnant tour de passe-passe, doublé d'un procès d'intention fait aux nouveaux arrivants, accusés de faire des dépenses excessives et jugés d'emblée irresponsables.

Si nous devons faire face à une situation difficile, je ne tiens pas, pour ma part, à me lancer dans un long exposé sur les responsabilités : vous en débattrez. Tenons-nous en aux faits, c'est-à-dire au triple déficit auquel nous sommes confrontés : déficit de croissance et d'emploi, déficit de crédibilité budgétaire, déficit de confiance.

Notre croissance est atone – 0,3 % en 2012 –, le chômage touche aujourd'hui 10 % de la population active, et nos entreprises, qui n'investissent pas – ou investissent insuffisamment –, perdent des parts de marché à l'étranger ; quant au commerce extérieur, il se dégrade considérablement – 70 milliards d'euros de déficit pour la France, à comparer aux 150 milliards d'euros d'excédent de l'Allemagne. Nous héritons par ailleurs d'un stock de dette important, accru de 600 milliards d'euros au cours du dernier quinquennat, alors que le déficit public est encore très élevé en 2011. Les instruments fiscaux, employés avec peu de discernement, n'ont pas permis d'amortir l'impact d'une crise brutale sur les plus démunis. Telle est la situation dont nous héritons, et en laquelle il est bien difficile de voir une réussite flamboyante à mettre au crédit de Nicolas Sarkozy et de François Fillon ! Pour notre part, nous estimons que la politique imprévisible pratiquée lors du précédent quinquennat a surtout eu pour effet de semer le doute.

Redresser les comptes publics n'est pas une fin en soi, ce n'est pas – je le dis aussi bien à la majorité qu'à l'opposition – un nouvel avatar de la « pensée unique ». C'est une voie indispensable pour conserver notre souveraineté, pour garder la maîtrise de nos politiques publiques : en un mot, c'est une condition essentielle de la réussite du changement. Si nous voulons réduire les déficits, ce n'est pas pour obéir à un quelconque diktat venant de l'extérieur, mais bien parce qu'il s'agit d'un indispensable facteur de croissance. Autrement dit, si nous affichons clairement nos objectifs en matière de finances publiques, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, c'est parce que nous avons la conviction que le désendettement permet de rétablir notre capacité à agir sur le plan des politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre pour l'action politique.

Vous connaissez nos objectifs en matière de déficit : 4,5 % du PIB en 2012, 3 % en 2013, et l'équilibre en fin de mandat, soit en 2017. Nous les assumons pour respecter nos engagements européens, pour restaurer la confiance, aujourd'hui dégradée, pour rester souverains, aussi, face à des marchés financiers qui guettent les moindres signes de vacillement de notre part – le fait que certains taux d'intérêt soient aujourd'hui négatifs ne doit en aucun cas nous conduire à relâcher la discipline en matière de finances publiques –, mais surtout pour faire de notre budget un instrument au service de la croissance et de notre modèle social. Le Premier ministre a rappelé la semaine dernière, dans cet hémicycle, que le service de la dette constituait l'un des premiers postes budgétaires, avec 50 milliards d'euros. Nous pouvons tous, ici, nous retrouver sur cette évidence : la maîtrise des déficits publics et de la dette n'est pas incompatible avec une politique réformiste, elle est même la condition d'une réforme en profondeur du pays.

Je veux, avec Jérôme Cahuzac, tenir devant vous un discours de sincérité : la marche que nous aurons à franchir l'an prochain – passer de 4,5 % à 3 % du PIB, grâce aux ajustements auxquels nous procédons – est haute, nous ne l'avons jamais caché. Nous devrons, pour la franchir, opérer des choix structurels qui ont fait défaut jusqu'à présent. Mais je veux aussi vous dire ceci : autour d'une même cible de déficit, différents chemins peuvent être empruntés. L'objectif est ambitieux ; nous l'atteindrons, puisque nous n'avons pas le choix, mais en suivant notre propre chemin, c'est-à-dire en répartissant les efforts de la façon la plus juste, et en dégageant des capacités financières pour nos priorités. C'est ce que le Président de la République et le Premier ministre ont appelé « le redressement dans la justice ».

Les efforts seront donc équitablement répartis, en 2013 et au-delà, tout au long de notre mandat. Ils seront, d'abord, justement répartis dans le temps, selon un calendrier clairement annoncé. L'effort immédiat portera davantage sur les recettes : à partir de 2014, le taux de prélèvements obligatoires sera globalement stable, la hausse des impôts étant concentrée sur 2012 et 2013. La maîtrise des dépenses se déploiera, elle, sur la totalité du quinquennat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion