Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 26 mars 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer :

C'est moi qui vous remercie de votre accueil.

En ce qui concerne l'octroi de mer, nous faisons nôtres toutes les conclusions de votre rapport : elles correspondent globalement aux demandes que nous avons transmises à Bruxelles début février dans le cadre du mémoire que nous lui avons communiqué en vue de reconduire le dispositif existant – ce qui n'est pas évident, compte tenu de la position de la Commission européenne.

Je rappelle que l'octroi de mer constitue une ressource essentielle pour les départements d'outre-mer : un peu plus d'un milliard d'euros par an – 1 milliard et 32 millions d'euros précisément en 2011.

De plus, il s'agit d'un dispositif de soutien important pour les entreprises de production. Il a en effet contribué depuis une dizaine d'années au maintien et au développement de certaines activités de production, permettant ainsi de créer un nombre significatif d'emplois pérennes dans les départements et régions d'outre-mer (DROM).

L'évaluation conduite par le cabinet Langrand, un organisme indépendant – j'insiste sur ce terme, les institutions européennes vérifiant la qualité des audits réalisés – conclut à l'absence de surcompensation, de surprotection, ou d'effet de rente. L'octroi de mer ne crée donc pas de distorsion de concurrence mesurable.

Or la permanence de plusieurs handicaps structurels conduit à solliciter le renouvellement de ce dispositif.

Les propositions que nous avons transmises à Bruxelles sont de cinq ordres.

D'abord, nous proposons de modifier le champ d'application de l'octroi de mer en l'étendant à Mayotte dès le 1er janvier 2014, date à laquelle le texte permettant à ce territoire d'accéder au statut de RUP – région ultra-périphérique – entre en vigueur. Cette particularité va nécessiter l'adoption d'un texte spécifique pour cette collectivité afin de couvrir la période du 1er janvier au 1er juillet 2014 – lorsque le dispositif actuel arrive à échéance. Les commissaires européens sont d'accord pour prendre d'ici la fin de l'année les deux décisions nécessaires à cette fin, l'une du Conseil, l'autre de la Commission.

Notre deuxième demande porte sur les conditions d'assujettissement et les redevables : elle tend à exclure du champ d'application de la taxe les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à un seuil de 300 000 euros. Je rappelle qu'aujourd'hui, seules les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 550 000 euros par an sont assujetties. Nous aurons à voir avec les élus locaux, notamment les présidents de région, comment le surplus de recettes devra être affecté.

Troisièmement, s'agissant des taux, il est proposé la création d'un différentiel temporaire de taxation pour les nouvelles productions non listées de 15 % maximum. Pour mémoire, le dispositif actuel comporte trois listes de produits, avec un différentiel de taxation allant jusqu'à 10 %, 20 % et 30 % respectivement pour les listes A, B et C. Reste néanmoins à vérifier si un tel différentiel est suffisant pour permettre de faire émerger une production nouvelle, sachant que Bruxelles est réticente à aller au-delà de 5 ou 7 %. Nous devons en effet affronter la concurrence de produits n'ayant pas nos problèmes de coûts salariaux et pouvant bénéficier de dévaluations monétaires.

En quatrième lieu, nous souhaitons une meilleure flexibilité de l'encadrement juridique du dispositif, en assouplissant les modalités de révision de l'annexe relative aux listes de produits pouvant être exonérés ou taxés à un taux réduit.

Enfin, deux autres mesures sont proposées : l'extension des possibilités d'exonération en faveur de certaines activités – les infrastructures de développement économique, la recherche ou le tourisme – et la modernisation des systèmes informatiques de collecte et de traitement de données par l'administration fiscale française afin de rendre davantage fiable le suivi des données statistiques.

Je me suis rendu à la Commission européenne : les commissaires ont été francs tout en manifestant leur bienveillance ; ils sont conscients qu'on ne peut remettre en cause fondamentalement le dispositif.

Cela étant, le commissaire chargé de la fiscalité, M. Semeta, m'a fait part d'une certaine méfiance de la Commission vis-à-vis de la philosophie de l'octroi de mer, vue en quelque sorte comme une entrave à la libre circulation. Il a souligné le caractère dérogatoire de ce régime – fondé sur l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – et estimé fondamental de justifier la nécessité de son maintien.

Il a également indiqué son souci de veiller à l'absence de toute finalité « protectionniste » de ce régime et invité la France à bien démontrer le caractère proportionné de l'aide.

Cela supposait donc que, pour chaque produit bénéficiant d'un taux réduit d'octroi de mer, notre pays justifie l'existence d'une production locale, d'importations significatives et de surcoûts de production. La Commission a besoin de ces éléments aussi rapidement que possible pour pouvoir instruire la demande française dans les meilleurs délais. Je me suis d'ailleurs engagé à les lui communiquer avant la fin du mois d'avril.

En effet, les délais sont contraints : l'octroi de mer est régi par un double encadrement communautaire – une décision du Conseil et une décision de la Commission.

Le calendrier est le suivant : l'examen par la direction générale TAXUD, chargée de la fiscalité, jusqu'à la fin du premier semestre 2013 de notre demande de renouvellement et des listes A, B et C actualisées de produits bénéficiant du différentiel – des instructions ont été données aux préfets et des demandes formulées aux présidents de région à cet égard afin d'arrêter la position française – ; puis la proposition législative de la Commission au Conseil ; la saisine pour avis du Parlement européen ; et l'adoption par le Conseil de la décision par un vote à la majorité qualifiée.

Parallèlement, à partir de septembre 2013, est prévue la notification du dispositif d'exonération d'octroi de mer auprès de la direction générale de la concurrence (COMP).

Enfin, le Parlement français devra, dans le cadre d'un projet de loi, transposer la décision de l'Union européenne dans le droit national afin de permettre une entrée en vigueur du nouveau dispositif pour le 1er juillet 2014.

La consultation des régions concernées – y compris Mayotte – est déjà engagée – au travers des préfets, des collectivités locales et des socioprofessionnels – sur la base d'un tableau commun qui permettra pour chaque produit de justifier les raisons pour lesquelles un différentiel de taxation est demandé. Je devrais être destinataire de leurs propositions d'ici la mi-avril. L'harmonisation de la base de données permettra également de faire des comparaisons, de manière plus aisée, d'un territoire à l'autre et d'éviter dans les bassins régionaux des concurrences entre territoires du fait de différentiels de taxation inexpliqués. Je rappelle qu'on a tenté, il y a quelques années, de régler ce type de problème entre la Guadeloupe et la Martinique pour éviter des différentiels de taxation susceptibles de créer des détournements de trafic indus.

Il faut donc que le différentiel de taxation fasse l'objet d'une analyse rigoureuse et argumentée.

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