Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 26 mars 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer :

Les engagements du Président de la République ont été respectés mais ils ont été pour partie censurés, notamment la part variable de 4 %. Il est vrai que le dispositif avait été adopté sous réserve de conduire une réflexion visant à le rationaliser. J'ai été désigné comme pilote de l'évaluation de la défiscalisation et je dois en présenter, le 2 avril, en comité interministériel de modernisation de l'action publique, dit CIMAP, les grandes orientations. C'est la raison pour laquelle je suis très attentif à toutes les propositions.

Le dispositif en question remonte à 1986 et il est efficace quoi qu'on en dise. En dépit de ses défauts, c'est l'un des rares instruments sur lesquels l'outre-mer peut s'appuyer pour soutenir son développement. L'État est donc conscient à la fois qu'il ne peut pas se désengager, de manière subite, de la défiscalisation, mais qu'il est nécessaire d'entendre les critiques.

Une part de la dépense fiscale actuelle rémunère le contribuable et les intermédiaires, ce qui est parfois perçu comme une évaporation. Moi-même, quand j'étais député, j'avais du mal à croire qu'on pouvait atteindre de tels taux. On entend également dire que le dispositif bénéficie mécaniquement et trop souvent aux seuls revenus élevés, ce qui n'est pas toujours juste ; que son efficacité sur la croissance et l'emploi n'est pas démontrable ; que sa lisibilité est faible en raison de la dispersion des aides et de la complexité et de l'instabilité des textes qui ont été modifiés cinq fois au cours des cinq dernières années ; enfin, que l'ensemble des règles de droit applicables en ce domaine est mal maîtrisé par les différents intervenants.

Entre 2004 et 2012, la dépense fiscale a représenté en moyenne 1 milliard d'euros. Dans le projet de loi de finances pour 2013, elle est fixée à 1,1 milliard, dont 885 millions pour les trois dispositifs relatifs à l'impôt sur le revenu et 180 millions pour la défiscalisation de l'impôt sur les sociétés. Ce milliard est un levier pour déclencher et solvabiliser 2 à 3 milliards d'investissements chaque année dans nos territoires. La défiscalisation a permis un bond décisif dans la construction de logements sociaux, qui est passée de 4 800 unités neuves à 7 500 par an. Il convient donc de maintenir ce dispositif, quitte à le contrôler et à le moraliser davantage.

Les modifications que je vais présenter le 2 avril s'appuient sur quelques principes clairs et forts. Le premier est le maintien de l'effort. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit, la ressource bénéficiant aux projets d'investissement dans les outre-mer ne doit pas être inférieure à celle allouée au titre des mécanismes actuels. Compte tenu de la conjoncture, je peux vous dire que ce n'est pas simple. Les discussions avec Bercy ont commencé pour l'élaboration du budget 2014, et chacun doit faire des efforts et des économies sans augmenter les prélèvements obligatoires. Deuxième principe, l'efficience, qui commande de privilégier les options présentant le plus faible coût et permettant un gain équivalent ou supérieur. Ce n'est pas la quadrature du cercle, c'est possible. Le troisième principe est la continuité, au titre de laquelle la réforme ne doit pas entraîner d'année blanche dans les investissements outre-mer. Lisibilité et sécurité sont les piliers du quatrième principe, tant il est vrai que les investisseurs doivent pouvoir se reposer sur des dispositifs simples, stables et efficaces. Enfin, le cinquième principe est la concertation. Un débat, que je souhaite ouvert, doit être engagé pour permettre à toutes les approches et à toutes les sensibilités de s'exprimer. C'est la raison pour laquelle il m'intéresse vraiment de vous entendre.

En termes de méthode, un travail interministériel est engagé, le Gouvernement devant présenter un rapport au Parlement dans le courant du mois de mai. Tout ce travail est supervisé par un comité de pilotage composé des parlementaires des deux assemblées. Ces travaux nourriront l'évaluation menée dans le cadre du CIMAP qui aura lieu le 2 avril prochain, en présence du Premier ministre. Une instance de concertation large et ouverte se réunira régulièrement pour faire avancer la réflexion.

Le calendrier est le suivant : le 2 avril, le CIMAP fera un point sur l'avancement des évaluations sans retenir encore de solution – jusqu'à cette date, je suis très demandeur d'éléments susceptibles d'enrichir ma réflexion ; le 9 avril, première réunion de l'instance de concertation au ministère des Outre-mer ; entre le début du mois de mai et la mi-mai, remise du rapport gouvernemental au Parlement ; courant juin, troisième réunion de l'instance de concertation avec arbitrages budgétaires ; enfin, courant juillet, avant le débat d'orientation budgétaire, communication en CIMAP des termes de la réforme, avec peut-être, en conclusion des travaux, l'adoption de cette dernière. D'ici-là, il sera donc encore possible d'enrichir les propositions qui auront été formulées.

Je peux déjà vous faire part des grandes orientations, même si j'attends d'autres éléments de votre part. D'abord, nous réfléchissons au maintien des mécanismes de défiscalisation à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, en en faisant des dispositifs mieux encadrés et mieux contrôlés. On peut aller assez loin dans le contrôle et la moralisation. Sont susceptibles de participer à la moralisation des mesures telles que l'abaissement du seuil pour les projets éligibles à la défiscalisation de plein droit, l'imposition d'un agrément dès le premier euro pour les projets supposant un agrément, le renforcement de la réglementation de la profession d'intermédiaire financier, pour lequel un décret était prêt mais n'est jamais sorti, ou la restriction de l'accès à cette profession. On peut aussi augmenter les taux de rétrocession, mieux définir les plafonds pour les contribuables, recentrer l'aide sur les secteurs prioritaires, réduire ou plafonner la déduction à l'impôt sur les sociétés.

Ensuite, nous pourrions envisager de budgétiser l'aide fiscale en faveur du logement social, c'est-à-dire de l'inscrire sur la ligne budgétaire unique (LBU) gérée par le ministère des Outre-mer, et de substituer un crédit d'impôt à la défiscalisation des investissements productifs. Cela présente des avantages et des inconvénients dont on peut discuter. Ainsi, il faudra mettre en place des mécanismes de remboursement si le crédit d'impôt excède la contribution due, des mécanismes de préfinancement et des paramètres de taux et d'assiette suffisamment attractifs. Ces dispositions ne s'appliqueraient pas aux collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution, contrairement à la pratique actuelle qui leur permet de bénéficier d'une défiscalisation locale et d'une défiscalisation nationale.

Une autre grande orientation pourrait consister dans le couplage d'une défiscalisation mieux encadrée sur le logement social et d'un mécanisme alternatif pour l'investissement productif. Le logement social est le secteur où le taux de rétrocession est le plus élevé, celui dans lequel les résultats de la défiscalisation sont les plus spectaculaires puisqu'elle contribue également à soutenir l'emploi non délocalisable. Ces mécanismes peuvent être mieux maîtrisés et encadrés, et c'est une piste que l'on peut explorer. Concernant les investissements productifs, il ne faut pas s'interdire de réfléchir à un dispositif de remplacement tel que le crédit d'impôt, s'il est efficace et applicable aux collectivités régies par l'article 74. En la matière, je sollicite la créativité des parlementaires, qui pourrait venir enrichir les nombreuses propositions que nous recevons déjà des socioprofessionnels.

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